Netflix-Spotify, Cinéma-Pop Music: Même combat?

Taxer les plateformes de diffusion de contenus et soutenir ainsi la création et le développement des artistes suisses?

Après l’excellente idée du Conseil fédéral qui introduit dans son message culture 2021-2024 le principe de prélèvement d’une partie du chiffre d’affaires de distributeur de contenu tel que Netflix, pourquoi ne pas intégrer également cette procédure en ce qui concerne la musique ?

Cela passerait par l’obligation pour les plateformes de streaming telles que Spotify, Deezer ou encore Apple/Google music de redistribuer 5% du chiffre d’affaires réalisé en Suisse via la publicité et le nombre d’abonnements à travers un fonds de soutien à la création et au développement de carrière, afin de contribuer à rendre notre scène encore plus attractive.

Le sujet est d’actualité alors que le message culture est mis en consultation jusqu’en septembre, que la modification de la loi sur le droit d’auteur est discutée actuellement à Bern et que l’état français peine à convaincre ses partenaires de l’UE d’introduire une taxe sur les GAFA*.

Pour rappel, selon la Statistique de poche de la culture 2017, le segment du streaming en Suisse représente 34,4 mio de chiffre d’affaire et le téléchargement 18,1 mio.

Les fonds ainsi récoltés iraient aux structures de soutien et de développement des artistes ; telles que la Fondation Cma côté Suisse romand par exemple, et les labels, en fonction du nombre d’artistes qu’ils soutiennent.

Cette proposition répond à deux ambitions du message ; le soutien à la création et le pas restant à faire vers le numérique.

En se dotant d’outil de pilotage du digital, on peut se (ré) approprier des droits, avoir un impact et développer une réelle politique de consommation de la musique en ligne favorisant un système plus juste de rétribution des œuvres et des artistes.

 

*Google, Amazon, Facebook et Apple

Le sexisme se loge dans les détails…attention aux mots!

Une polémique a éclos ces derniers jours autour d’une campagne de publicité d’un salon de services de prostitution dont je tairai le nom, sa promotion ayant jusque là très bien fonctionné. Cette affiche est une réponse directe à la mobilisation des femmes et des féministes du 14 juin; jusque là on peut être d’accord ou non, s’offusquer de la réappropriation mais rien à signaler. Cette entreprise a tout à fait le droit de jongler sur un fait d’actualité.

Le message est problématique sous deux aspects; une question de statut du travail d’un côté et une question de langage sexiste de l’autre.

Deux mots “nos femmes”.

Premièrement les employées de ce salon se verrait privées de leur droit de grève; s’il y a bien un domaine invisibilisé qui mérite de s’exprimer le 14 c’est bien celui du travail du sexe. Deuxièmement, cette expression”nos femmes” est une une dénomination sexiste, issu d’un autre temps, qui véhicule une violence, symbolique dans le cadre d’une affiche, mais qui reste malheureusement le point d’entrée de nombreuses violences faites aux femmes jour après jour; l’appropriation du corps de la femme est une forme d’objectivation et de déni d’individualité à part entière. “Nos femmes” on se croirait dans un mauvais remake de la guerre du feu et autres réjouissances préhistoriennes…il faut protéger, défendre nos femmes….le langage est une arme, le choix des mots est important.

Si ces personnes travaillant dans ce salon bénéficient, au dires de beaucoup, de meilleures conditions de travail qu’ailleurs dans ce milieu, alors raison de plus pour ne pas les enfermer dans un rapport de domination machiste et déplacé; pourquoi ne pas parler de “nos employées” voire “notre équipe”. On les mentionne dans cette pub dans le cadre de leur activité professionnelle uniquement, alors autant employer le bon terme…bordel!

Etat d’Urgence Climatique, savez-vous comment poussent les concombres ?

La Ville de Genève décrète l’Etat d’Urgence climatique ! Mais savez-vous comment poussent les concombres ?

A l’instar du Royaume Uni, de l’Irlande, des villes de Lausanne, Zürich et des cantons de Bâle-Ville et Vaud, la Ville de Genève rejoint ce mouvement des états qui appuient sur le bouton d’alerte.

Une fois le geste symbolique passé et les remerciements de rigueur aux jeunes générations qui manifestent dans les rues des capitales du monde entier, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Au niveau de la collectivité publique

Analyser nos politiques publiques au regard d’autres indicateurs et d’objectifs à atteindre. Favoriser des indicateurs de production d’énergie fossiles, de gestion des déchets et d’impact sur la biodiversité. Quel est le bilan carbone de telle action, quelle quantité de déchets produit-elle et quels sont les moyens de réutiliser ces déchets? Quel impact, ces actions ont-elles sur les végétaux, les animaux, sans oublier les êtres humains?

Poser les priorités sur l’agenda politique de nos communes, de nos cantons, en adéquation avec l’urgence imposée par le dérèglement climatique ; plus précisément, remonter des objets liés à des innovations sociétales dans le domaine de la préservation de l’environnement en haut de la pile des travaux de nos institutions.

Adopter des plans d’actions sur nos territoires et dans notre structure qui vise à atteindre le zéro déchet produit ; dans le cadre des manifestations publiques, dans nos administrations, dans nos services, bannir l’utilisation de récipients en plastique à usage unique, favoriser les documents partagés et le digital plutôt que le papier.

Informer et mener des campagnes de sensibilisation qui renseignent largement, d’une part sur les gestes à adopter, sur les engagements pris par notre institution ; enfin et surtout sur l’état du dérèglement. Il y a là un devoir d’information urgent.

A notre niveau

Analyser nos habitudes et nos journées types ; comment nous consommons notre nourriture, quel aliment, produit par qui et comment ? Qu’utilisons-nous comme outils de travail ? Avons-nous des alternatives facilement accessibles ?

Partager avec notre entourage

Echanger des astuces et des idées, mais aussi du matériel, des outils mutualisés au sein du voisinage. Partager les surfaces de travail. Regarder plus du côté de son quartier, de son village, de ses voisines et voisins et participer à des actions communes, que du côté des offres low cost pour le week end.

Recréer du lien avec la nature

Aujourd’hui nous sommes nombreuses et nombreux à ne pas savoir comment poussent les concombres ? Le savez-vous ? Renouer avec la terre nous redonne du pouvoir sur notre alimentation, nous permet de comprendre les cycles, les difficultés, la taille des légumes et qu’un concombre en forme de S peut être encore plus savoureux qu’un concombre bien droit gorgé d’eau et bourré de pesticides.

Ne pas générer de nouveaux conflits

Dans certain domaine nous pouvons être exemplaire et dans d’autres non. Il ne s’agit pas ici de sanctionner mais de questionner et d’embarquer tout le monde dans ce train et de voir l’ensemble de ces actions comme un chemin. Nous devons être prudente et bienveillant à ne pas creuser de fossé de richesse encore plus grand par une politique trop donneuse de leçon qui ne va qu’exclure les couches sociales plus modestes de notre population. Oui mais comment ?

Peut-être en séduisant plutôt qu’en imposant, en privilégiant le jeu et la légèreté à l’austérité. Nous sommes inondé-e-s de messages alarmistes sur le climat mais pas uniquement, alors essayons de ne pas en rajouter une couche et de rendre ces mesures inclusives, participatives et pourquoi pas…festives!

Négocier avec ses propres incohérences et contradictions

Ecrire des textes à l’aide d’un ordinateur d’un grand fabricant de machine (pas la pomme, l’autre) que l’on ne peut pas soupçonner d’être engagé dans la lutte contre le réchauffement planétaire, acheter encore, de temps en temps, des bouteilles d’eau en plastique parce qu’on a oublié sa gourde, prendre encore trop l’avion parce que l’on a pas réussi à poser un jour avant et un jour après une rencontre à l’étranger, afin de pouvoir opter pour le train… Ou alors parce que l’on culpabilise de ne pas réussir à travailler du départ à l’arrivée de ce fameux voyage en train et que l’on s’est laissée flâner en regardant par la fenêtre (plus de batterie sur le smartphone coréen) et que- Révélation– le soleil sur le Léman vous pousse à voir votre planning de la journée sous un autre angle….

En fait, rien ne presse, si ce n’est cet emballement de la température générale de la planète!

Sam, celle qui ne boit pas et qui conduit

Au regard de certaines campagnes d’information et de sensibilisation tout public, je constate que nous avons accompli un trajet supplémentaire vers l’égalité en Suisse, et que certains codes de langage sont bien ancrés dans nos mœurs, du moins dans les campagnes produites par les collectivités publiques.

De retour d’un colloque sur la prévention à destination des jeunes en milieu festif, une pensée s’inscrit sur le paysage verdoyant qui défile sous mes yeux : le langage est une arme de changement massif.

Prenons une campagne de sensibilisation aux dangers de l’alcool au volant, nommée     « Si t’as un Sam, t’as le Swag » design sympa, festif, langage jeune, fluo…bref des ingrédients prometteurs. De plus Sam est un prénom ou plutôt un surnom pouvant être donné autant à une femme qu’à un homme, super.

Malheureusement mon enthousiasme butte sur le bas de l’affiche:

« Celui qui conduit c’est celui qui ne boit pas ».

Jusqu’ici tout allait bien mais à la lecture de cette phrase, l’incompréhension reprend le dessus. « Celui » pronom masculin ; on ne s’adresse plus qu’à un profil masculin potentiel. Ensuite, on revient sur l’éternel besoin conscient ou inconscient qu’auraient les femmes d’être protégées par un ou des hommes ou à la conclusion que le rôle de protecteur ne peut être attribué qu’au masculin. On rejoint alors les freins, les stratégies d’évitement qu’ont les femmes lorsqu’il s’agit de leur agissements de nuit : être accompagnées, protégées, par un homme qu’il soit sobre ou non. Rappelons aussi que nous parlons de voiture, or c’est bien connu, les femmes ne savent pas conduire, et ne pourraient donc, en aucun cas, prétendre à ramener, voire protéger un groupe d’ami-e-s.

En discutant sur cette affiche avec des collègues de notre pays voisin, je réalise que pour elles et pour eux, la lecture de la phrase n’évoque pas les mêmes sentiments ; ils et elles en ont une autre compréhension : le masculin universel s’applique aux deux sexes. Vraiment ?

Je reviens quelques heures en arrière et me repasse le film des plénières et des ateliers de la journée, portés, animés, présentés par des représentant-e-s, des délégué-e-s de la fonction publique. Il y a été question de « directeurs », de « collaborateurs », de « patrons », de « certains, tous, ceux » et bien sûr « celui ». Je souligne au passage que les interventions en plénière, devant l’audience complète, étaient effectuées exclusivement par des hommes, là où les ateliers furent animés, coordonnés, relatés par des femmes.

Les violences sexistes étaient omniprésentes. Les femmes présentes dans l’atelier traitant du harcèlement (oui parce qu’il n’y avait bien sûr qu’un homme présent dans cet atelier, les autres s’étaient inscrits sur d’autres thématiques les concernant davantage) ont répondu à mon questionnement sur l’emploi systématique du mot « directeur » par le fait qu’il n’y avait que des directeurs dans les institutions mentionnées.

Là où je m’attendais à parler d’outils, d’actions, de solutions, pour résoudre ces violences et plus spécifiquement le harcèlement sexuel dans les lieux de fête, je me suis en fait retrouvée sur un terrain d’expérimentation des rapports sexistes, des attitudes bienveillantes et condescendantes.  Cela me choque tout le temps, mais d’autant plus sur un événement développé par plusieurs collectivités publiques au niveau régional et national.

Alors oui il y a des volontés de trouver des outils pour lutter contre le harcèlement sexiste et sexuel dans le milieu festif, s’adresser aux jeunes. Mais si ces actions proviennent de structures dans lesquelles des individus ne parlent que de postes à responsabilités au masculin, que ces fameux directeurs coupent la parole à leurs collègues femmes et ne présentent pas les membres de leur équipe féminine qui évidemment ont fait tout le travail logistique, de contenu et de coordination, voire pire se trompent de prénom en les présentant, ont-elles réellement une chance de toucher leur cible ?

Comment parler de violences sexistes et sexuelles en étant soi-même une de leurs meilleures incarnations, hommes et femmes inclus-e-s ?

J’en reviens à Sam, à cette campagne, à l’utilisation du langage et me permet d’affirmer avec conviction qu’il est nécessaire dans une campagne tout public d’inscrire « celui ou celle » cela ne prend que quelques caractères mais a un impact les dépassant et les justifiant largement.

Le langage est l’illustration de rapport de pouvoir, de l’état et des représentations de notre société.

Oui il est également nécessaire aujourd’hui dans un discours introductif d’une journée de colloque d’accueillir les personnes par un bienvenue à toutes et tous, oui il est primordial de présenter les personnes, souvent des femmes, qui travaillent dans l’ombre, de les présenter par leur nom et leur prénom, surtout si l’on vient de la faire pour présenter des collaborateurs masculins.

Enfin il est important de parler de « directrices », ou de poste de direction si on souhaite s’épargner l’énumération du terme au féminin.

La représentation, les images, les exemples se jouent à cet endroit. Tout comme Sam, cette femme géniale qui ne boit pas pour conduire ses ami-e-s lors de leur folle soirée.

Mixité, parité dans le secteur de la musique : Quotas ou pas quotas ?

Alors que le constat des inégalités entre les sexes semble de plus en plus partagé au sein des milieux de la musique, les prises de position sur les mesures à adopter divergent quant à elles.

L’encouragement à plus de mixité et de représentation de femmes artistes sur scène, aux platines, aux instruments, ou derrière une régie technique est-elle une mesure suffisante ?

Quid de l’instauration d’un quota s’agissant d’un travail artistique; une mesure quantitative, trop technocrate ? La création artistique peut-elle se décliner en chiffres ?

Pour ou contre, force est de constater que, loin de s’améliorer, la place et le rôle des femmes dans le milieu de la musique a tendance au mieux à stagner depuis dix ans, au pire à régresser ; pressions économiques, résistances, utopie du changement spontané si chère au système helvétique ?

Comment encourager les femmes artistes à produire, à sortir des morceaux, à jouer en club ? A travailler dans cette industrie si diverse et si folle ?

 

En renversant cette tendance qu’ont les artistes féminines à ne pas assez se mettre en avant, fruit de décennies d’héritage et de reproductions ?

Les femmes ont intégré dans leur quotidien que leur travail de création sera jugé plus sévèrement, ainsi elles ne présentent leurs réalisations qu’à l’issue d’un degré de perfectionnisme très poussé, là où un artiste homme hésitera sans doute un peu moins…aussi parce qu’il aura plus de facilités à trouver un entourage ; un manager, un agent, un programmateur motivé à la soutenir…

Arrêtons-nous justement sur l’entourage de l’artiste : le cocon protecteur et producteur de ses créations. Un rapide coup d’œil sur la scène suisse, un survol des métiers structurant la musique, nous permet de dire que c’est un milieu d’hommes, conduits, produits, critiqués dans sa grande majorité par des hommes.

Mais la construction du millefeuille des inégalités ne s’arrête pas là…

Sur cette première couche relativement visible, s’ajoute un deuxième niveau qui se réfère à la question des chemins de vie, de carrière. Il touche au choix entre vie de famille et vie professionnelle ; et sur ce point on ne peut pas blâmer plus le secteur de la musique que les autres secteurs économiques, si ce n’est qu’en plus des difficultés usuelles de garde d’enfants, de négociations de temps de travail, etc. s’ajoute celui des horaires hyper flexibles avec une dimension souvent nocturne.

Cela dit, ce constat est valable également pour les pères qui travaillent dans ce milieu ; ils ont aussi à négocier leur droit d’être père et d’exercer un métier palpitant en parallèle.

Une meilleure représentation des femmes sur les scènes, dans les métiers artistiques et culturels et une meilleure compréhension des enjeux professionnels et personnels, ne serait-ce pas la sainte trinité de l’égalité ?

Le jour où des manageuses, des programmatrices, des agentes comprendront ces choix- les ayant sans doute elles-mêmes vécus- ne seront pas outrées par le refus d’une date en raison d’un congé maternité ou parental ou que la notion de carrière intégrera également le développement en parallèle d’une vie privée. Le jour où cet arbitrage entre vie de famille et vie professionnelle ne se posera plus comme une douleur mais comme une simple planification, alors les femmes et les hommes, seront mieux intégré-e-s dans l’ensemble du secteur de la musique ; c’est donc en premier lieu à la profession de changer de visage.

 

Quel quota posé par qui ?

Alors ce quota on en revient. Qui peut poser ce quota et surtout qui va évaluer la nature des programmes ? des équipes ?

Si j’ai de la peine à m’affirmer en faveur d’un quota en ce qui concerne les programmes, je pense par contre, qu’il est important aujourd’hui de nommer des jurys paritaires, d’avoir cette ambition lors des nominations de direction. Il me paraît essentiel de se poser partout la question, de fixer des objectifs à atteindre et construire des équipes paritaires.

La parité dans les programmes arrivera le jour où la parité dans les équipes, dans les jurys, dans les comités, les conseils de fondations, les membres des administrations sera réelle ; le jour où les femmes seront considérées au même titre que les hommes comme des expertes.

On pourrait alors se dire que c’est le rôle du secteur public de porter ces changements; je ne pense pas. La profession dans son ensemble doit fixer ces objectifs.Ces changements dans les milieux de la musique ne se construisent pas en silos.

Des enquêtes menées au sein de grandes entreprises différents secteurs confondus ont bien prouvé que des conseils d’administration ayant opté pour une plus grande mixité enrichissent leur palette d’actions, répondent de manière optimale à des enjeux et des perceptions de leur cible, grâce à ce mélange de sensibilités différentes à leur tête.

Cette ambition devrait donc se refléter à tous les niveaux et toutes les tâches et métiers gravitant autour de l’artistique : à la direction des clubs et des festivals (qu’elle soit individuelle ou collective), dans les métiers techniques, dans les agences et les labels, et pas seulement dans les petites et moyennes structures. Dans les grandes structures également.

Il s’agit d’analyser l’entièreté du système et de le redessiner sous des traits plus justes, diversifiés et réalistes au regard du public, des auditrices et auditeurs de musique.

Si les femmes ne sont pas suffisamment représentées sur les scènes, elles consomment du moins de la musique. Alors pourquoi, dans une logique purement commerciale, la nature des structures de l’industrie musicale ne reflète pas la nature des publics ?

En 2019, la parité présente-t-elle un risque ?

Pour aller plus loin sur les questions d’égalité et d’accessibilité des lieux de musique, je vous invite à lire la “Diversity Roadmap” rédigée par PETZI, HelvetiaRockt et We Can Dance iT.