De #metoo à #musictoo

Qui peut encore ignorer aujourd’hui les effets de la campagne lancée sur les réseaux sociaux en 2017 #metoo ?

Partie d’abord du milieu du cinéma autour d’actions portées contre de gros producteurs de cette industrie, la vague a poursuivi son chemin en passant par les milieux de l’université ou encore du sport.

En juillet 2020, un collectif issu du milieu de la musique principalement en France a lancé, à son tour, un #musictoo pour briser l’omerta régnant dans ce milieu et rendre visible la thématique.

300 témoignages et deux enquêtes de mediapart plus tard, la problématique est posée, les professionnel-le-s s’expriment et la parole des victimes de harcèlement n’est pas irrémédiablement remise en doute ou invisibiliser, ces témoignages et cette légitimité accordée donnent suite à plusieurs renvois et démissions au sein de label et d’agence de la scène française. Le #musictoo du classique vient d’apparaître en ligne suite également à une enquête de mediapart.

Un manifeste signé par plus de 1000 femmes de l’industrie, F.E.M.M, femmes engagées des métiers de la musique, dénonce les violences sexistes et sexuelles, monnaie trop courante de ce secteur et appelle toute une série de changements pour que cette scène devienne égalitaire et exempte de violences ; violences rappelons-le qui vont de l’objectivation des corps des femmes, à la sous-représentation de celles-ci aux postes décisionnels, elles s’illustrent également à l’aide de blagues sexistes, des attouchements non désirés, ou encore à travers la nécessité de devoir toujours justifier de sa compétence notamment en ce qui concerne la technique, et elles vont jusqu’au harcèlement sexuel et aux agressions.

L’étude Cura publiée en 2019 par le collectif de la Gam (Guilde des artistes de la musique), portant sur l’état de santé physique et mental des professionnel-le-s de l’industrie, rend compte que 31% de femmes subissent ou ont subi du harcèlement sexuel au cours de leur carrière.

 

Les causes

Bien qu’aucunes raisons ne puissent rendre acceptable cet état de fait et ces violences, il y a toutefois certains facteurs qui facilitent et entretiennent ce terreau sexiste.

Tout d’abord, la précarité des conditions de travail pour une large majorité des professionnel-le-s de ce milieu rend d’autant plus complexe l’établissement de charte de travail et ne favorisent pas l’émergence de plaintes ; la peur de ne plus pouvoir travailler l’emporte sur la nécessité de s’exprimer sur des violences vécues. Le milieu est très compétitif, les places sont chères et difficiles à garder sur le long terme. La conciliation des vies privées et professionnelles n’est quasiment jamais thématisée, résultat un grand nombre de femmes disparaissent dès qu’elles ont un enfant.

Les horaires de travail également, irréguliers,  dans des moments où la vie professionnelle se déroule dans un cadre festif, un mélange des genres et une tendance à affirmer que c’est super et que tout le monde est cool. Les tournées de concerts éloignent aussi les artistes de leur entourage et les rendent plus vulnérables, à la merci parfois des accueils réservés par les structures organisatrices.

Enfin, le paysage reste encore majoritairement masculin, d’autant plus au sein des postes à responsabilité, à la programmation des clubs et des festivals, à la tête des agences et des labels et parmi les médias qui couvrent la musique.

 

Que faire ?

Le milieu musical doit pouvoir se remettre en question collectivement et travailler de concert sur des solutions visant, d’une part, à lutter contre les abus liés aux harcèlement sexuel, et d’autre part, à s’en prémunir par de la formation et de la sensibilisation des structures employeuses.

Les collectivités publiques ont un rôle à jouer dans l’établissement de guideline en ce qui concerne les soutiens attribués aux projets artistiques et dans le soutien à des initiatives visant à promouvoir la diversité dans cette industrie. Un effort doit aussi être fourni par les écoles qu’elles soient professionnelles ou non, afin d’une part de ne pas reproduire sans cesse des rôles stéréotypés (les garçons à la batterie et les filles au chant) et encourager l’inscription de plus de femmes notamment dans les filières de la technique.

 

Des ressources:

La Diversityroadmap, le site Musicdirectory géré par l’association HelvetiaRockt, les outils et formations du label We Can Dance iT  pour la Suisse romande et de Flirt don’t hurt pour la Suisse alémanique.

Le Grand format réalisé par les journalistes Cecilia Mendoza et Sarah Jelassi diffusé le 6 juin dernier par la rédaction du 19h30, radio télévision suisse, “Du sexisme dénoncé dans l’industrie musicale suisse”

Albane Schlechten

Militante pour la scène alternative au sein de l'Usine, Albane Schlechten monte le club la Gravière en 2011 et le quitte fin 2016 pour rejoindre la faîtière suisse des clubs et des festivals, PETZI. Depuis le début de l'année 2019 elle a repris la direction de la Fondation pour la chanson et les musiques actuelles. Elle est également élue au Conseil municipal de la Ville de Genève depuis 2015.