Le sport à l’arrêt – où sont les champions?

Le monde du sport est entré en hibernation totale depuis quelques jours et il semble désormais illusoire que les championnats interrompus puissent reprendre avant la pause estivale, à tout le moins en Europe. Face à une crise sanitaire sans précédent, les instances dirigeantes sont désarmées, ce d’autant plus que les règlements sportifs ne prévoient pas l’hypothèse d’un arrêt brutal des compétitions pour quelque motif que ce soit.

Chaque sport a  ses spécificités et chaque championnat évolue à son propre rythme, selon des formules différentes, si bien qu’il serait présomptueux de vouloir donner une réponse unique aux problèmes posés. Mais certains doivent encore décider s’il convient de consacrer des champions ou s’il faut plutôt estimer que la saison 2019/2020 compte pour beurre. L’heure est donc à l’état des lieux.

En Suisse, certains sports ont déjà décidé de ne pas désigner de champion et de ne prévoir ni promotion, ni relégation. Il en va ainsi du hockey sur glace, du basketball, ou du handball.

Sur la forme, toutes ces décisions ont été prises lors d’assemblées générales extraordinaires. Elles sont donc parfaitement légitimes car elles expriment l’avis majoritaire des clubs concernés. Par contre, sur le fond, on peut parfois lire que les règlements ne permettaient pas de désigner un champion si le championnat n’arrivait pas à son terme. A mon sens, il n’est pas judicieux de se réfugier derrière des règlements qui partent du postulat que le championnat arrivera forcément à son terme. Si le règlement ne prévoit pas l’hypothèse d’une crise majeure, il y a alors une lacune qu’il faut combler.

Dans les circonstances actuelles, je suis d’avis qu’il serait peu judicieux de passer au peigne fin chaque clause du règlement pour savoir s’il est possible de décerner des titres. “A situation exceptionnelle, remède exceptionnel”: il convient donc que les instances dirigeantes assument leur responsabilité et prennent des décisions qui doivent être guidées par l’équité.

Dans chaque situation donnée, il convient de décider ce qui est juste. Et pour que la décision soit juste, il faut avant tout savoir si la classement du championnat interrompu est suffisamment représentatif. C’est du reste bien dans ce sens qu’a décidé la Fédération internationale de ski, certes dans un sport individuel, en estimant que les classements généraux de la Coupe du Monde représentaient suffisamment les forces en présence, quand bien même toutes les épreuves n’avaient pas pu être courues. Elle a ainsi couronné les skieurs qui étaient en tête des classements au moment de la fin prématurée de la saison. Certes, l’attribution de titres avant la fin des compétitions peut donner lieu à des injustices, mais lorsque 90 % des épreuves ont eu lieu, les classements sont suffisamment légitimes. Tant mieux pour nos skieurs suisses qui ont tellement brillé lors ce dernier hiver.

La question qui est désormais sur toutes les lèvres est le sort qu’il faut réserver aux championnats de football. S’il convient de décider en équité en absence de règles permettant d’appréhender la situation actuelle, il faut alors consacrer un champion lorsqu’un club vole clairement au dessus de la mêlée. Si l’on regarde les grands championnats européens, il paraît clair que Liverpool (25 points d’avance, 7 matches encore à jouer) et le PSG (12 points d’avance, 10 matches à jouer) mériteraient d’être déclarés champions tant l’écart est grand avec les autres équipes. Ce titre, ils le mériteraient. Pour d’autres championnats, comme la Bundesliga (4 clubs en tête dans une fourchette de 6 points), la Série A (Juventus et Lazio aux coudes à coudes) et la Liga (Barcelone et Real Madrid à deux points d’écart), il paraîtrait juste de ne pas proclamer de champion. Idem pour la Super League en Suisse puisque St-Gall et YB sont à égalité.

La même règle pourrait être appliquée pour les promotions/relégations: en cas de situation claire, les plus méritants devraient monter et les plus faibles descendre. Ou alors promouvoir les plus méritant, tout en sauvant les clubs de la relégation.

Puisque le monde tourne au ralenti et que les lecteurs ont plus de temps, j’attends donc vos commentaires avisés!

Yvan Henzer

Avocat spécialisé en droit du sport, Yvan Henzer est un observateur privilégié des manœuvres politiques qui font l’actualité sportive et se trouve au cœur de l’action au gré des affaires qui occupent son quotidien.

2 réponses à “Le sport à l’arrêt – où sont les champions?

  1. Et vous faites comment pour les places qualificatives pour la ligue des champions? St Gall y aurait certainement eu droit, ce qui récompenserait ses efforts de formation… mais si on prend le classement de l’année dernière…

    Et Lausanne? Promu en ligue A ? Et on fait redescendre Sion, Xamax ou Thoune ?

    On tire au sort ?

    1. Je suis d’accord avec vous qu’il s’agit d’un véritable casse-tête! Ma proposition – qui n’engage que moi – est que si le classement actuel représente une situation claire, alors il faut en tenir compte. Si tel n’est pas le cas, alors on se base sur le classement de la saison dernière et on renonce à toute promotion relégation.

      Pour la Suisse, il me semble que St-Gall, YB et Bâle mériteraient d’être qualifiés pour les compétitions européennes. Lausanne mériterait de monter mais cela condamnerait Thoune qui aurait encore pu se sauver. C’est certain que de faire du cas pas cas est compliqué, mais cela semble moins injuste que de dire que toute la saison ne compte pas!

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