jeux de mains, pas toujours de vilains

Au moins deux éléments auront marqué cette Coupe du monde: les roulades de Neymar (plus que sa coupe de cheveu) et l’assistance vidéo.

La vidéo s’est encore invitée hier soir lors de la finale et elle l’aura marquée de son empreinte: pour la première fois, un penalty est sifflé lors d’une finale de coupe du monde après appel à la vidéo. Sans la “VAR” (Video Assistant Referees), la main de Perisic n’aurait pas été sifflée au bénéfice de la France et la physionomie de la rencontre aurait forcément été différente.

Ce penalty n’est pas scandaleux: Perisic a bel et bien touché le ballon de la main et la trajectoire de la balle a été modifiée. Et ce n’est de loin pas la première fois qu’un penalty est sifflé dans de telles conditions, y compris durant cette Coupe du monde. A titre personnel, j’ai toujours trouvé injuste et inexplicable qu’autant de penalties soient accordés pour de prétendues “fautes” de main et cela ne date pas d’hier. Je me souviens encore de ce penalty généreusement accordé en fin de match à l’Italie en 1998, alors qu’elle était menée 2 à 1 par le Chili de Zamorano et Salas… Vous l’aurez compris, pour moi, il n’y avait pas penalty hier soir.

Il est étrange que les mains dans les 16 mètres donnent lieu à tant de situations conflictuelles alors que la règle de principe est si simple:

Il y a « main » lorsqu’il y a contact délibéré entre le ballon et la main ou le bras

C’est en ces quelques mots que tient la règle (cf. Loi 12 des Lois du jeu 2018/2019 édictées par l’International Football Association Board). Ainsi, ce n’est que lorsque la main est intentionnelle qu’un penalty devrait être sifflé. Les cas d’applications devraient donc être plutôt rares. Le cas d’école est le geste de Suarez lors du quart de finale de l’Uruguay contre le Ghana en 2010, lui qui avait volontairement repoussé de la main, sur la ligne de but, un tir adverse à la dernière minute des prolongations. Une tricherie malheureusement payante puisque le penalty (justement) accordé n’avait pas été transformé.

Malgré une règle qui devrait s’appliquer seulement lorsque l’intention (de tricher) est claire, des penalties sont pourtant régulièrement sifflés dès qu’il y a main dans les seize mètres, même lorsque le geste est visiblement involontaire. Cela me semble être totalement contraire à l’esprit du jeu et tout aussi inéquitable sachant à quel point un but marqué sur penalty est important pour l’issue d’un match.

Faire dépendre le destin d’une rencontre, voire d’une Coupe du monde, d’un geste fortuit est contraire à l’esprit des sacro-saintes “Lois du jeu” qui sont censées préserver “l’équité du jeu” et la “beauté” du football, comme elles le rappellent en préambule.

Voulant préciser une règle limpide, la loi 12 précise encore que les critères suivants doivent être pris en compte pour juger du caractère délibéré de la main:

  • le mouvement de la main en direction du ballon (et non du ballon en direction de la main) ;
  • la distance entre l’adversaire et le ballon (effet de surprise) ;
  • la position de la main n’entraîne pas nécessairement une faute.

Ces critères, pour autant qu’ils soient utiles, semblent justes. En particulier, le deuxième critère devait permettre de trancher bon nombre de situations litigieuses. Lorsque la distance entre l’adversaire et le ballon est si faible que le défenseur n’a pas le temps de réagir, c’est à dire d’éviter le ballon de la main, il n’y a clairement pas faute. Ainsi, lorsqu’un tir ou un centre puissant est détourné de la main sans que le défenseur n’y puisse rien, aucune faute ne devait être sifflée. En cas de doute, je suis d’avis qu’il faut faire preuve de retenue car l’intention de toucher la balle de la main ne saurait être présumée.

Il faut aussi retenir que l’effet de la main sur la trajectoire de la balle n’est pas décisif. Ce n’est pas parce que le ballon est clairement dévié qu’il faudrait siffler faute. Seule l’intention compte; pas le résultat.

Quant au dernier critère, il est intéressant puisque le positionnement de la main n’entraîne pas nécessairement faute. Ainsi, ce n’est pas encore parce que le joueur écarte le bras que le geste est forcément délibéré. Certes, le joueur prudent tentera de maintenir ses deux bras le long du corps, mais ce n’est pas parce qu’un bras est par hypothèse détaché du corps qu’il faut y voir nécessairement un geste intentionnel.

Pour revenir à la finale, la vidéo n’aura a priori pas permis d’obtenir un “football plus honnête”, pour reprendre les termes du Président Infantino. En vérité, ce n’est pas la vidéo qu’il faut blâmer. L’arbitre a pris une décision en son âme et conscience, après avoir revu la scène plusieurs fois et sous tous les angles. C’est bien un humain qui a pris la décision et non pas la technologie.

Paradoxalement, alors qu’elle devrait aider l’arbitre, la VAR le place parfois sous une pression extrême, pour ne pas dire insoutenable. Sans vidéo, on ne peut pas reprocher à l’arbitre de ne pas tout voir. L’immédiateté pardonne certaines erreurs. Avec la vidéo, c’est une autre histoire: il faut avoir des épaules sacrément solides pour prendre une décision, une fois que le jeu est interrompu, que le monde entier retient son souffle dans l’attente d’une décision et que la décision à prendre peut être décisive pour désigner le futur champion du monde. Plus que jamais, les arbitres doivent désormais avoir des nerfs d’acier.

En conclusion, la vidéo est-elle vraiment un bienfait pour l’arbitre? Au regard de la finale d’hier, je dirais qu’elle est comme une amie encombrante; elle est parfois de bon conseil, mais des fois on aimerait bien s’en débarrasser.

Yvan Henzer

Avocat spécialisé en droit du sport, Yvan Henzer est un observateur privilégié des manœuvres politiques qui font l’actualité sportive et se trouve au cœur de l’action au gré des affaires qui occupent son quotidien.