Le transfert de Neymar au PSG: un joli passement de jambes

Il semblerait donc bien que Neymar puisse se libérer de son contrat avec Barcelone pour rejoindre le Paris Saint-Germain, moyennant paiement de la clause de départ de 222 millions d’euros.

Au-delà du montant qui est inimaginable et dont Le Temps a déjà fait état dans un excellent article du 25 juillet, c’est le montage financier de la transaction qui interpelle. En substance, le PSG ne dépensera formellement pas un centime car c’est le joueur lui-même qui va racheter sa clause libératoire… grâce à la rémunération qu’il perçoit par le Qatar pour devenir ambassadeur de la Coupe du Monde 2022.

Voici donc une belle feinte, digne des plus beaux gestes de Neymar lui-même: le montage est implacable puisqu’il n’implique pas le PSG; il doit permettre à ce club de ne pas violer les règles de l’UEFA sur le fair-play financier. Pour rappel, le fair-play financier doit éviter que les clubs vivent au-dessus de leur moyens et qu’ils dépensent plus que ce qu’ils ne gagnent. L’un des objectifs de ce système est de faire diminuer la pression exercée par les salaires et les transferts, et limiter l’inflation. Savoir si un tel but est atteint est un autre débat mais on aura vite compris que le PSG ne pouvait que très difficilement payer le montant astronomique de la clause libératoire, tout en respectant les règles financières adoptées par les instances du football européen.

En Espagne, on ne l’entend du reste pas de cette oreille. Les propos du président de la Liga espagnole sont percutants:

“Non, nous n’acceptons pas l’argent d’un club comme le PSG. Ce club enfreint des règles et des lois, celles de l’UEFA, le fair-play financier, les lois de l’Union européenne et de la concurrence en Suisse. (…) Le PSG est un exemple clair de dopage financier”. 

La Liga est passée de la parole aux actes puisque, effectivement, elle a refusé le chèque que lui a amené triomphalement le représentant du joueur.

Admettons que l’UEFA empoigne le dossier Neymar et qu’elle estime que le montage trouvé constitue un abus de droit destiné à contourner les règles sur le fair-play financier, comme d’aucuns le pensent. Que risque le PSG?

Selon l’article 29 des Règles de procédure régissant l’Instance de contrôle financier des clubs de l’UEFA, les mesures disciplinaires suivantes peuvent être imposées:
a) la mise en garde,
b) le blâme,
c) l’amende,
d) la déduction de points,
e) la rétention de recettes provenant d’une compétition de l’UEFA,
f) l’interdiction d’inscrire de nouveaux joueurs à des compétitions de l’UEFA,
g) une restriction du nombre de joueurs qu’un club peut inscrire pour participer aux compétitions de l’UEFA, y compris une limitation financière des coûts globaux des prestations en faveur du personnel pour les joueurs inscrits sur la liste A aux fins des compétitions interclubs de l’UEFA;
h) la disqualification de compétitions en cours et/ou l’exclusion de compétitions à venir,
i) le retrait d’un titre ou d’un mérite

Il est fréquent que des arrangements soient trouvés entre les clubs et l’UEFA lorsqu’une mise en conformité est mise en œuvre, mais il arrive aussi fréquemment que des clubs écopent de sanctions sévères comme l’exclusion de toute participation aux compétitions de clubs de l’UEFA pendant une ou plusieurs saisons.

Dans le pire des scénarios, le PSG pourrait goûter au comble de l’ironie puisque le transfert de Neymar pourrait lui coûter la participation à des compétitions européennes, alors qu’il est censé lui permettre de gagner (enfin) la Ligue des Champions après plusieurs échecs. Affaire à suivre, mais quoi qu’il en soit, je salue l’ingéniosité du montage.

Yvan Henzer

Avocat spécialisé en droit du sport, Yvan Henzer est un observateur privilégié des manœuvres politiques qui font l’actualité sportive et se trouve au cœur de l’action au gré des affaires qui occupent son quotidien.