A quoi ressemble un texte écrit avec l’orthographe rectifiée ? En voici un exemple.

La révision de l’orthographe fait beaucoup parler d’elle. Dès 2023, elle sera la seule à être enseignée dans les écoles romandes – le français actuel demeurant accepté à défaut d’être transmis. A quoi pourrait ressembler un texte conforme aux règles qui attendent les élèves ? En voici un bref aperçu avec les mots tels qu’ils seront enseignés aux élèves dès 2023. 

Si l’orthographe rectifiée permet à un homme pieux de jeuner quelques heures pour modifier son traintrain quotidien, il ne faut pas qu’il annonce par erreur vouloir se faire un petit jeune à la place du diner – l’utilisation du circonflexe n’étant alors plus kifkif, dussè-je vous le rappeler. Il préfèrerait apostériori être allé s’assoir à table et avoir gouté à la saveur douçâtre d’un ragout aux ognons, d’un musli ou d’autres chichekébabs, casse-croutes, etcétéra. Il les digèrerait plus benoitement que le fait d’être interpelé par les policemans en raison de sa maitrise incomplète du français ultramoderne.

« Je béquète », hèlerait-il sans hautparleur ni portevoix, arcbouté sur son assiette en mangeotant sa fraiche paélia bienaimée. « Je veux piqueniquer en paix ». Pourtant, s’il continue de méconnaitre le bienfondé de cette réforme et renonce à faire volteface par un errata (voire des erratums), le couteux corolaire pourrait être l’envoi au cloitre ou en geôle où il grelotera dans l’exigüité des lieux, soul de fatigue parmi les chauvesouris, jusqu’à ce qu’il soit absout ou cherché par le croquemort. Blasphèmerait-il alors au fond de cet abime, ne voyant d’autre controffensive possible face au dictat, dans un lieu où il n’est d’autre passetemps que d’apprendre la différence entre un brule-bout et un bruletout, entre un porte-bonheur et un porteclé ?

Il est clair qu’il ne fut jamais un envouteur aux pulsions pècheresses voulant baisoter avec un quelconque boutentrain, que jamais il n’adultèrerait, que son arrestation relève d’un holdup digne du pire thrilleur et qu’il ne vit tout bonnement pas naitre cette réforme dont les embuches s’amoncèlent pêlemêle – bref, qu’il eût préféré le statuquo. Mais désormais, ayant perdu toute prudhommie, il n’est plus qu’un vanupied, un gagnepetit sans gagne-pain, argüant vainement contre ce nivèlement par le bas, dégouté et indument enchainé. Seul sort encore de sa bouche un grommèlement : « Ci-git un innocent – c’est une gageüre que de vouloir raisonner les entêtés ». En linguistique, dérèglementer rime parfois avec dérégler.

 

Yohan Ziehli

Né à Lausanne en 1993, Yohan Ziehli a grandi entre les vignes de Lavaux et de la Riviera. Amateur de produits du terroir, lecteur compulsif et pianiste à ses heures perdues, il travaille pour le groupe de son parti au parlement fédéral en tant que juriste, spécialisé dans les questions de politique extérieure, institutionnelle et démographique. Il est conseiller communal et vice-président de l’UDC Vaud.

18 réponses à “A quoi ressemble un texte écrit avec l’orthographe rectifiée ? En voici un exemple.

  1. Merci beaucoup pour cet “essai” , M. Ziehli. Effectivement, cela pique un peu les yeux.
    Cette (ces) réforme de l’orthographe me laisse songeur. Il me semble évident que la langue doit pouvoir évoluer. Mais changer une norme est toujours délicat, le risque étant qu’il n’y ait (de fait) plus de norme. Remplacer les constructions trop illogiques n’est pas absurde, encore faut-il le faire correctement.
    Langage naturel et artificiels ne sont certes pas la même chose, mais je puis néanmoins vous dire ceci: les langages artificielles aux grammaires compliquées en pâtissent énormément (moins d’outils pour leur édition, support, prise en charge; et donc une plus faible communauté). A la frontière entre ces milieu, les techniques du TALN (traitement automatique du langage naturel) sont également affectées par cela: correction grammaticale, traduction automatique, synthèse vocale, analyse sémantique, etc. seront d’autant plus efficaces (pertinentes dans le sens de la justesse) que a) le nombre de locuteurs est élevé, et b) la langue (naturelle) n’est pas trop alambiquée.
    La (une) question étant: a-t-on réellement besoin de ces outils ?

  2. * les langages artificiels / À la frontière
    Bref, mon téléphone doit encore aller à l’école (mais pas romande)

  3. “argüant vainement contre ce nivèlement par le bas”. Et oui, car comme l’explique ces deux scientifiques (https://youtu.be/5YO7Vg1ByA8) l’orthographe du français ne sert nullement à “écrire la langue”. Elle a été conçue comme marqueur social pour différencier entre “les lettrés” et “la plèbe”.

  4. Incroyable, déjà qu’en Suisse romande on avait la ”syndique” et la ”cheffe”, qui font pouffer de rire tous les Français, mais là on ne sera ps seulement ridicules, on va carrément avoir des incidents diplomatiques avec notre grand pays voisin, car sauf erreur l’Académie française a encore son mot à dire et elle n’est pas d’accord avec tout ça. Et comment on va corriger les dictées, les dissertations etc., s’il y a plusieurs théories contradictoires. Et les enseignants, ils ne sauront plus à quel saint se vouer.

    Je propose qu’on remette à l’honneur ”Le bon usage” et le ”Dictionnaire des difficultés” de Maurice Grevisse et qu’on impose à tous les départements de l’instruction publique de s’y référer.

    Enfin bref, en lisant votre texte, très spirituel il faut le dire, je suis perplexe. D’un côté je ne suis pas contre le fait de supprimer certains traits d’union inutiles, mais vous nous montrez bien que dans certains cas on a supprimé des traits d’union nécessaires et on en a ajouté des nouveaux qui n’ont pas de sens. Pareil pour les circonflexes. Il faudrait nous expliquer quel est le critère. Pour le moment c’est incohérent. Ca va être la pagaille.

    Il y a une finesse qui me paraît intéressante dans cette nouvelle orthographe, qui me paraît surtout être un mode comme il y a eu une mode de la nouvelle cuisine française, c’est l’ajout de trémas sur certains u. Par exemple ils ont décidé d’écrire argüer et gageüre. Je trouve ça assez bien car la bonne prononciation c’est de dire gajure (phonétiquement) et non non gageeure avec eu comme dans heure. Pareil pour argüer, ça m’enerve toujours d’entendre des compatriote dire “argant du fait que…. ” Mais en Suisse beaucoup de gens prononce gageure faussement comme ”heure”, parce que l’orthographe les induit en erreur et qu’ils ne savent pas le français. C’est comme la banque Pictet que tout le monde et même des employés de la banque elle-même prononcent Piquetet, alors que si on est un vrai genevois on doit savoir que ça s’écrit avec un c qui ne prononce pas, donc il faut dire Pittet. Je trouve donc ça pas mal d’obliger tous les incultes qui prononcent gageure comme gage-heure, parce qu’ils ne savent pas le français à apprendre que ça se prononce gajure. Et pour ça c’est une idée de mettre un tréma sur le u. Mais tout de même c’est du purisme, comme quand certains latinistes ont décidé de mettre des circonflexes sur les u pour rappeler qu’il y avait un s, en latin. Alors d’un côté on veut simplifier et de l’autre on fait du purisme comme au XVIe siècle. C’est incohérent. Et ils s’apercevront que les circonflexes résisteront à leur réforme.

    Il restera quelques une de leurs simplifications, par exemple portemonnaie au lieu de porte-monnaie, ça va très bien. J’ai lu récemment en pdf des livres de 1820 environ. On écrivait “long-temps “, et non longtemps comme aujourd’hui. Mais beaucoup d’autres réformes ne seront pas admises par l’usage.

    On aurait aimé que les réformateurs de l’orthographe insistent sur la nécessité de garder invariables les substantifs utilisés comme adjectifs, par exemple tabou. Rien n’est plus agaçant que ces gens qui écrivent une idée “taboue”, comme de la boue. Et on lit ça même sous la plume de journalistes.

    En conclusion cette réforme me paraît ontestable dans beaucoup de cas, mais valable dans d’autres. Ce n’est pas fondamnetalement mauvais. Mon conseil au jeune politicien Ziehli et à son parti est de ne pas trop s’exciter sur cette nouvelle orthographe qui n’est pas une révolution athropologique. Il faut concentrer vos efforts sur les tentatives d’imposer l’écriture inclusive et enccore pire épicène. Là il y a un vrai enjeu de société et la droite aura l’opinion avec elle si elle attaque bille en tête. Il y a là une possibilité d’obtenir une victoire politique et idéologique contre la Communauté des états socialistes latino américains (Cesla) .

    1. Nouvelle orthographe ou pas, il y a beaucoup de fautes dans votre texte !

      1. Bonjour. Si je ne peux pas exclure une faute d’inattention (je n’ai jamais eu la prétention de maîtriser la langue) et que je reconnais volontiers certaines formulations tarabiscotées, j’aimerais bien que vous m’indiquiez ces prétendues fautes qui ne sont pas dues à la nouvelle orthographe. Le but de cet article est précisément de mettre en exergue les nouvelles variantes orthographiques qui attendent les élèves.

  5. En déconstruisant la langue, on arrive à en vider le sens, la puissance, en bref à supprimer l’outil de communication… À se demander les raisons réelles derrières ces réformes, montrant toutes un nivellement par le bas de l’éducation des prochaines générations.

    Peut-être faut-il arrêter de vouloir à tout pris une égalité à tous les niveaux – il y a des différences de “fonctionnement”, différents schémas mentaux, différents intérêts.
    Ou va-t-on aussi “rectifier” les mathématiques, sous prétexte de les rendre plus abordables, plus accessibles ? Ou la physique, voire la chimie?

    Toutes ces modifications, ces “simplifications” sont dans la droite lignée du “novlang” tel que décrit par George Orwell dans son livre 1984. Peut-être faudrait-il le faire lire en lieu et place de ces simplifications… J’attends avec impatience les versions “rectifiées” de Candide et autres récits du genre, tiens.

    Triste monde, où l’intelligence se fait rare, et où tout est mis en œuvre pour la cacher, l’amoindrir.

    1. Petit dialogue extrait de “1984” de George Orwell :

      « – Ce que je voulais surtout vous dire, c’est que, dans votre article, vous avez employé deux mots qui sont périmés. Mais ils ne le sont que depuis peu. Avez-vous vu la dixième édition du dictionnaire novlangue ?-
      – Non, répondit Winston. Je ne pensais pas qu’elle eût déjà paru. Nous nous servons encore, au Département des Archives, de la neuvième édition. (…)
      – Quelques-unes des nouvelles trouvailles sont très ingénieuses. La réduction du nombre de verbes. C’est cette partie qui vous plairas je pense. »

  6. Les fautes d’orthographe qui sautaient aux yeux à la lecture d’une lettre, d’un article journalistique, d’un billet posé sur la porte, permettaient de se faire une idée de son auteur, sans avoir obligatoirement le souci d’objectivité. Cet indice de niveau d’instruction permettait de se sentir à l’aise pour mieux prendre ses distances, se sentir à l’aise pour ne pas entrer en matière. Ceci dans quantité de situations où intervient la communication écrite.

    Billet sur la porte : « Madame veuillé respecter les régles d’immeubles les plantes en pot sont interdit sinon elles seront débarassé sans autre avertisment ! »
    Réaction : « Haha !.. L’imbécile… »

    Autre billet sur la porte : « Madame merci baucout pour le chocola ! »
    Réaction : « C’est le petit de la nouvelle voisine, il est adorable ! »

    Avec l’orthographe plus libre, saurons-nous moins à qui nous avons affaire ?.. Mais il n’y a pas que les faiblesses d’orthographe ou d’expression qui perdront de leur pouvoir d’influence, l’écriture simple tentera de détendre l’atmosphère en des lieux où la tenue de rigueur était exigée, puis plus libre mais encore apprécié, pour finalement estimer que « cela ne signifie rien du tout ». Les prétentieux pourront aller se rhabiller.

    Un jour où j’avais donné à lire un de mes courts manuscrits à deux couples de voisins, une semaine plus tard, devant l’entrée de l’immeuble, j’avais reçu un retour de l’un et de l’autre :
    « Oui, nous avons lu ta nouvelle. C’est très bien écrit… Euh… Pour nous c’est trop compliqué, on n’a rien compris ».
    Dès qu’ils étaient loin, le second couple s’est exprimé :
    « On a beaucoup aimé, cela nous a touchés, vous avez un vrai talent… »
    – Est-ce qu’il faut faire un effort pour comprendre ? Vous avez aimé l’histoire, qui est compliquée, mais auriez-vous préféré que cela soit écrit autrement pour être lu plus facilement ?
    – Non, nous on a compris. Eux, c’est parce qu’ils sont trop bêtes…

    Finalement, la bonne écriture ne devrait pas être celle qui est bête ou intelligente, mais celle qui dit de manière authentique, qui réussit à transmettre des émotions, un raisonnement, un savoir…

    « Merci le chocola était délicieu ! »
    Oui, tu as réussi à te faire bien comprendre.

    « Quelle ne fut pas ma grande tristesse lorsque je posai mes yeux sur quelques pages prises au hasard du petit livre jauni « À l’ombre des jeunes filles en fleur… » Quel ne fut pas mon bouleversement en me regardant dans la glace au bout du corridor après avoir remis l’ouvrage dans le carton de mes souvenirs d’adolescence. C’est à cet instant précis que le téléphone sonna, je pris immédiatement le courage de répondre…
    « Oui ma chérie, je suis très en retard mais n’ai pas oublié notre rendez-vous. Le temps entier n’est pas perdu ! Ce n’est apparemment pas une catastrophe… »
    Oui, on a compris l’impossible.

    1. Pourriez-vous, cher Dominic, arrêter de transposer votre propre vision du monde aux autres ? Et en faire des généralités? Si vous réagissez comme cela en présence d’une faute d’orthographe, vous devriez vous interroger et prendre des conseils. Si vous souhaitez nouer un contact avec votre voisine, nul besoin de vous épancher ici. Je vous propose de toquer à sa porte et de lui parler…

      Pour autant, faut-il réduire les exigences ? Non.

      Les femmes sont agressées en rentrant tard le soir ? Ben, voyons, élargissons les trottoirs…
      Les jeunes ne maîtrisent pas l’orthographe ? Ben, voyons, élargissons la tolérance ortthographique…

    2. « Les prétentieux pourront aller se rhabiller. »

      Je pense au contraire qu’ils n’auront jamais été aussi triomphants.

      Ceux qui auront les moyens intellectuels et / ou financiers d’échapper à ce nivellement par le bas, seront les dominants de demain.
      Nous sommes au contraire en train de mettre en place le futur l’apartheid intellectuel qui caractérisera la société à venir.

      Les chemins de l’enfer …

  7. Je dois rectifier une boulette dans mon commentaire. ‘Le bon usage’ est un chef d’oeuvre de l’intituteur et grammairien belge Maurice Grevisse. En revanche le ‘Dictionnaire des difficultés de la langue française’ est d’Adolphe V. Thomas, qui était le correcteur en chef du grand Larousse. Ce sont deux ouvrages de référence incontournables qui risquent bien de rester toujours très la mode car le public pourra s’y raccrocher pour résister aux aberrations inclusives et épicènes avec lesquelles les gauchistes se proposent de détruire la langue française.

    A part ça il y avait beaucoup de fautes dans mon texte, je précise que c’étaient des fautes de frappe dues à la fatigue et mon clavier défectueux, mais pas à ma méconnaissance de l’orthographe. Merci de votre indulgence.

  8. Un grand merci de vous être prêté à l’exercice 🙂

    J’estime que cette réforme est tout simplement lamentable et à mettre aux oubliettes

    Le 7 mai 2021, l’Académie française a publié une lettre ouverte et sa dernière phrase est très intéressante : “Dans un monde où la francophonie, principalement sur le continent africain, est appelée à un développement exponentiel, ce mode d’écriture dissuasif est susceptible de renforcer l’anglais comme langue véhiculaire.”

  9. Fort ridicule que d’éliminer et de dénaturer les éléments de la langue française juste parce que les jeunes ne savent plus écrire.

  10. On va bien rire quand les c.v. seront jetés à la poubelle en masse…

  11. Amusant comme une petite “réformette” de l”ortograf”‘ peut faire couler beaucoup d’encre. Franchement le monde continuera à tourner. Une langue qui n’évolue pas est condamnée à “disparaitre”. Ah ! voilà un mot qui a perdu son petit chapeau et il s’en porte très bien pour le plus grand bonheur des élèves.

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