Pas assez efficace, le nettoyage sans déchets?

Changer ses habitudes. C’est le passage obligé quand on se rend compte des kilos de déchets inutiles que l’on produit chaque semaine. Les alternatives sont nombreuses. Certains se lanceront volontiers dans des préparations “maison”. Les recettes Do-it-yourself (DIY) sont légion sur internet et les réseaux sociaux. Mais on ne s’improvise pas formulateur ou formulatrice parce qu’on aurait, enfant, épuisé toutes les possibilités de la boîte du “Petit chimiste” reçue à Noël…! D’autres préfèreront acheter des produits de nettoyage ou cosmétiques en vrac tout prêts, au poids ou au litre.

S’il est bien une question récurrente, c’est celle du nettoyage, que ce soit de la vaisselle ou du linge. L’association ZeroWaste Switzerland se décline dans de nombreux cantons et ses ambassadeurs gèrent aussi les pages correspondantes sur Facebook principalement, sur Instagram parfois. On voit souvent passer cette question: tel produit, telle recette, ça ne lave pas aussi bien que le produit Z acheté en supermarché. Telle recette fonctionne très bien chez X, et laisse des traces blanches chez Y. Tout le monde se questionne sur le bon dosage des ingrédients de base (cristaux de soude, acide citrique, gros sel, percarbonate de soude…). On  se lamente de la dureté de l’eau de sa région…

Alors que bien souvent, le noeud du problème est ailleurs.

 

Du T.A.C.T, vous en avez ?

Dans son excellent bouquin “Greenwashing – fabriquer ses propres produits ménagers” (Editions La Plage), Cécile Berg  – docteur en chimie pharmaceutique, un gage de crédibilité – nous rappelle l’essentiel: pour laver correctement, toutes les formules jouent sur quatre facteurs (résumé par l’acronyme T.A.C.T):
– le temps
– l’agitation
– la chimie
– la température

En résumé, si on fait tremper (temps), mieux ça lave. Si on frotte (agitation), c’est plus efficace, etc. Le concept est simple à comprendre…! On l’aura deviné, les produits du commerce jouent essentiellement sur la chimie, au mépris de l’environnement… et de notre santé. On applique le produit, on attend une ou deux minutes, on rince et tout est propre, sans frotter. Magique! Mais le produit en question est souvent très toxique, pour soi et pour la nature. Il y a longtemps, j’ai cru mourir étouffée après avoir sprayé un nettoyant pour salle de bain dans la douche: les gaz du produit m’ont fait suffoquer et j’ai bien cru ne pas pouvoir atteindre la fenêtre pour reprendre une respiration normale. Depuis cette petite expérience assez traumatisante, j’ai commencé à me poser des questions sur la composition de ces sprays aux couleurs fluo censés nous faciliter la vie (et pas nous l’ôter prématurément)!

Pour en revenir aux principes T.A.C.T, il suffit souvent de laisser tremper et de frotter quand on utilise des produits DIY ou achetés en vrac, à la composition simple. Car pour ce qui est de la chimie, très peu d’ingrédients suffisent à tout faire. Par conséquent, si vous constatez que cela ne lave pas comme le produit X ou Y très chimique du supermarché, c’est sans doute que vous avez négligé le quatrième élément: la température. Votre eau de lavage n’est peut-être tout simplement pas… assez chaude!

Laver à froid: la fausse bonne idée écologique

Eh oui, la publicité des fabricants de chimie nous ont “vendu” le concept de lavage (vaisselle, linge) à basse température. Ce serait ainsi plus écologique car on consomme moins d’électricité. Oui, certes, mais qui dit basse température, dit chimie augmentée pour que cela fonctionne. On économise quelques centimes d’électricité, mais on pollue allégrement. Quel gain !

Donc oubliez cette fausse idée soi-disant écologique et choisissez un programme plus chaud avec votre poudre pour lave vaisselle ou votre lessive à base de savon de Marseille, de feuilles de lierre ou de cendres faite maison.

Au niveau chimie, les recettes de la poudre pour lave-vaisselle sont aussi simples et très économiques. Cécile Berg en donne deux dans son ouvrage. La première utilise du borax, qui se vend environ CHF 20.- par kilo en droguerie (en vrac). La seconde est plus économique et utilise du bicarbonate.

Recette mini-budget de poudre à lave-vaisselle

  • 1 verre et demi de bicarbonate de soude
  • 1 verre et demi de cristaux de soude déshydratée
  • 1/2 verre de gros sel

Utiliser 1 cs de ce mélange sel-bases, puis…
A conserver séparément (et à rajouter au moment de lancer la machine):

  • 1/2 verre d’acide citrique (à raison d’1 cc par machine)

[Mise  à jour: une seconde recette utilisant du borax est donnée par Cécile Berg dans son livre. Il semble que ce minéral ne soit pas en vente libre en Suisse, car classifié H360: il peut nuire à la fertilité et au foetus à haute dose. Cette recette est donc retirée de cet article. Merci à Aline pour son avertissement !]

J’ai essayé quantité de recettes, avec toujours l’impression que ce n’était pas vraiment propre à la longue, que les verres étaient voilés (malgré le vinaigre en rinçage, malgré une eau adoucie). Pire, un film s’était collé à la vaisselle.

Jusqu’au moment où je me suis rappelée le principe T.A.C.T. J’ai donc sélectionné le programme chaud. Et là, miracle, toutes les recettes sont hyper efficaces !

Acide et base: à mélanger au bon moment

Autre question récurrente: pourquoi ne pas mélanger l’acide citrique au reste des poudres ? Les cristaux de soude sont anhydres et basiques. Ils captent donc facilement l’eau environnante pour se réhydrater. Et en cuisine, comme en lessiverie, ce n’est pas l’eau qui manque! Et comme la soude sous cette forme est basique, elle va réagir avec l’acide citrique (ou tout autre acide): ça commence à gonfler, puis à mousser. La réaction effervescente achevée, le produit ne sera plus du tout efficace. C’est bien dommage, car cette réaction est intéressante pour décoller la saleté. Au prochain plat de lasagnes à nettoyer, essayez de saupoudrer du bicarbonate de soude, basique, sur les restes (qui auront d’abord été mis à tremper), puis sprayer dessus du vinaigre blanc (acide): vous verrez comme cette effervescence décrasse !

Acide et base, ça fait “pschtt”: pour faire rigoler vos enfants, réalisez une “limonade” minute en ajoutant un peu de bicarbonate de soude (basique) dans un verre d’eau additionné d’un jus de citron (acide)… Le même principe est à la base des galets pour WC ou “potty bombs” qui détartrent, nettoient et désodorisent. Mais là, il faut quand même manier la brosse…

Acide et base, ça fait “pschtt” et c’est bien sûr intéressant pour nettoyer, mais dans le lave-vaisselle, pas en dehors! D’où l’intérêt de procéder au mélange sel-bases et acide au moment de lancer la machine. Ou bien de ne préparer que de petites quantités de poudre à la fois.

Oui, on peut changer ses habitudes et ne plus utiliser tous ces produits chimiques du commerce traditionnel, vendus à grands renforts de publicité et d’arguments plus que discutables. On le peut, sans faire de compromis sur l’exigence de propreté moderne et sans produire de déchets inutiles. Pour le bien de l’environnement et de sa santé.

 

[update: Suite au commentaire d’Aline ci-dessous, je me dois de mettre en garde toute personne qui souhaite fabriquer ses produits ménagers. Même si les ingrédients de base sont naturels, ils se manipulent toujours avec précaution. On évitera aussi de dépasser les doses prescrites. Toujours procéder dans un local bien ventilé, porter des lunettes et des gants et ne pas respirer les vapeurs ou les poussières des produits. Bien entendu, il ne faut pas non plus laisser traîner les ingrédients ou les mélanges et les ranger hors de la portée des enfants.

Evitez aussi d’acheter des produits sur internet. D’une part parce qu’il n’y a aucune garantie sur la qualité des produits et leur origine, mais surtout, vous ne bénéficierez pas des conseils de prudence et d’usage des professionnel-le-s de la pharmacie ou de la droguerie.]

 

Valérie Sandoz

Valérie est engagée sur la réduction des déchets à titre privé depuis des années. Elle est l'auteur de plusieurs guides, donne des conférences, des cours et anime des ateliers. Géographe et ethnologue de formation, elle interroge notre façon de consommer et partage ses découvertes. Adepte du «fait maison» (conserves alimentaires, lacto-fermentation, cosmétiques, produits de nettoyage, etc.), Valérie anime un blog personnel consacré à la cuisine sans gluten, à la réduction des déchets et du gaspillage et à un mode de vie simple et joyeux.

7 réponses à “Pas assez efficace, le nettoyage sans déchets?

  1. Bonjour, vous ne pouvez pas recommander d’utiliser du borax alors que l’on sait maintenant qu’il est cancérigène. A ma connaissance les sels de bore sont aussi mauvais pour l’environnement. On ne trouve à priori pas de borax en libre service en Suisse heureusement. Mais vu que certaines personnes commandent en ligne ce serait mieux de ne pas conseiller son usage.

    1. Chère Aline,
      Il est important en effet d’être au clair avec les ingrédients utilisés. En ce qui concerne le borax, il y a confusion entre acide borique et borax, sel minéral alcalin.

      Pour y voir clair, Adria Vasil, du blog Ecoholic (http://adriavasil.com/cleaning-cloths-and-borax) a entrepris de démêler les choses. Voici ce que cette journaliste environnementale a découvert:
      “Voilà quelques années (2008), l’Union européenne a déclaré que l’acide borique/borax était toxique pour le système reproducteur à des niveaux élevés, mais n’étaient pas des perturbateurs endocriniens (qui peuvent déclencher des problèmes même à des concentrations assez basses). À ce moment, ils ont publié un autre rapport qui évalue le risque réel pour les consommateurs et les experts ont dit que les concentrations présentes dans les détergents / savons / produits de nettoyage étaient sécuritaires. Puis les choses ont changé. Ils ont fini par mettre l’acide borique (mais pas le borax) sur la liste des perturbateurs hormonaux potentiels. »
      La liste des perturbateurs endocriniens de l’UE peut se lire sur le site du Ministère de l’environnement et de l’alimentation du Danemark (http://eng.mst.dk/chemicals/chemicals-in-products/endocrine-disruptors/the-eu-list-of-potential-endocrine-disruptors/). C’est bien l’acide borique qui est mentionné en catégorie 1. Mais pas le borax sous forme de sel.
      A noter aussi que quantité de pesticides, de produits détergents, de nettoyants pour piscine, de crèmes pour le visage (!), de gouttes pour les yeux et même la pâte gluante à jouer Slime contiennent de l’acide borique…

      La fondation David Suzuki dit les choses clairement ainsi: “La liste (des perturbateurs endocriniens de l’UE) contient des produits chimiques qui posent problème, comme les toxines PCB et le BPA, sur lesquelles des centaines de recherches ont trouvé des effets perturbateurs hormonaux. L’acide borique n’a pas le même historique en termes de perturbateurs hormonaux. ” (https://fr.davidsuzuki.org/blogues/le-borax-stop-ou-encore/).

      A ma connaissance, aucun effet cancérigène ne peut être reproché au borax. Si vous avez une source à consulter, je suis preneuse.

      Comme tous les ingrédients, même les plus anodins en apparence, c’est la dose qui fait le poison, comme disait Paracelse (“Tout est poison et rien n’est sans poison; la dose seule fait que quelque chose n’est pas un poison.” 1537). Que l’on manipule de l’acide citrique, du sodium coco sulfate (que l’on obtient par relargage, soit en “lavant” le savon à base d’huile de coco avec de l’eau saturée en sel) ou du percarbonate de soude, entre autres poudres, chacun-e doit être très prudent: opérer dans un endroit bien ventilé, ne pas inhaler quoi que ce soit, porter des lunettes de protection et éventuellement des gants, ne rien laisser traîner à la portée des enfants, etc. Soit tout ce que l’industrie chimique nous dit déjà de faire quand on utilise ses produits industriels tout prêts achetés en supermarché.

      Je confectionne mes propres savons, aussi ai-je dû montrer patte blanche pour acheter de la soude caustique NaOH en pharmacie. Le borax aussi s’achète sans problème en droguerie. Ce n’est pas en libre service à proprement parler, parce que mon droguiste me connaît et sait pour quel usage j’en achète. Et en effet, je déconseillerais aussi de ne rien acheter sur internet, car on ne peut pas bénéficier des conseils des professionnels et que l’on est jamais sûr de la qualité de ce qu’on y trouve. Je vais ajouter une note sur ce sujet, merci pour la remarque importante!

      1. Bonjour, comme demandé je site mes sources.
        Vous avez ici toutes les infos utiles
        http://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox/fiche.html?refINRS=FICHETOX_287

        Une fois dans l’eau le borax libère de l’acide borique. Donc le problème reste le même.

        Je n’ai jamais dit qu’il est perturbatezr endocrinien mais il est bien classé par plus de 1000 fabricants européen comme reprotoxique. Ma source: inventaire C&L de l’ECHA. Un produit avec cette classification (H360) est interdit à la vente aux privés en Suisses. Vous incitez donc indirectement et involontairement à contourner la loi.
        Je suis désolée d’insister mais je trouve cela important. On essaie d’oroenter les gens vers des alternatives moins dangereuses. Alors pourquoi les inviter à manipuler des substances aussi problématiques ?

        Ce n’est pas parce que le borax est autorisé dans certains produits commerciaux qu’il est sans danger, vous le savez bien.

        Je vous demande de retirez cette recette qui est illégale en Suisse. Je suis encore une fois désolée d’être si catégorique. Mais ayant travaillé dans le contrôle fédéral et cantonal des produits chimiques je ne peux pas laisser oasser de tels conseils.

        Merci d’avance pour votre compréhension.

        1. Merci Aline pour ces précisions.
          Il ne faut pas se méprendre sur cet article. Le but n’est pas d’inciter qui que ce soit, j’ai seulement reproduit deux recettes d’un ouvrage rédigé par une docteure en chimie pharmaceutique. Il est vrai que le livre est français (mais en vente en Suisse) et que la législation y est sans doute différente.
          Je vais donc ajouter une mise en garde à cette recette.
          Mon propos était surtout de revenir à un certain bon sens: la température de l’eau de lavage compte bien plus que la chimie. Or la tendance des fabricants d’appareils ménagers est de prévoir des programmes de lavage à froid: ils vous incitent à utiliser des produits ménagers bourrés de chimie lourde!
          D’après mes premières recherches, ce même borax est un additif alimentaire autorisé selon l’ordonnance sur les additifs, OAdd, c’est une substance admise pour la fabrication des encres d’emballages (RS 817.023.21) … en matière de substances dangereuses, il n’y a pas beaucoup de logique !

  2. Merci Valérie pour cet article. En effet, le livre de Cécile Berg est passionnant!
    J’aimerais juste ajouter que même si ce sont des produits “simples”, le bicarbonate, les cristaux de soude et le vinaigre sont quand même des produits chimiques industriels, à utiliser en respectant les doses. Je suis toujours effaré de certains blogs qui recommandent de verser un grand verre de bicarbonate et un demi-litre de vinaigre pour décrasser un siphon!
    C’est plus écologique que les produits du commerce, à condition d’y aller mollo…

    1. Oui, David, tu as entièrement raison!
      C’est pourquoi on ne peut que recommander aux personnes intéressées de suivre un atelier avec des personnes avisées et disposant des informations nécessaires.

  3. Exactement, c’est pourquoi cela a bien marché chez nous.
    Tu confirmes ce que je pensais.
    J’utilise depuis quelques années la recette du livre de Béa Johnson :

    800 grammes de cristaux de soude
    200 grammes d’acide citrique
    300 grammes de sel fin

    Cela marche bien avec une température au dessus et pour le voile blanc des verres qui est irréversible, j’ai trouvé la solution : essuyer les verres à leur sortie de la machine et depuis plus de voilage à l’horizon !

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