Comment l’homo-consommatus est devenu un être fractionné

La segmentation est une technique marketing bien connue… et très aliénante. On ne va pas vendre du vernis à ongle à une mécanicienne sur auto (quoique…!) ou un anti-histaminique à quelqu’un en pleine forme. Pour vendre, il est nécessaire d’adapter son discours à son public, pour mieux l’atteindre. Le principe est simple à comprendre. Là où le bât blesse, c’est quand la segmentation conduit à la fragmentation de tout et de tous, à l’infini. A contrario, le mode de vie qui vise à réduire ses déchets passe automatiquement par un exercice permanent de simplification quant à la façon de consommer. En soi, le mode de vie Zero Waste s’oppose à la fragmentation et engendre une réunification de l’homo/femina consommatus (ou homo-femina-economicus).

La segmentation du marché, cela s’applique à deux concepts: diviser le marché et ses consommateurs en segments, afin de mieux définir le public auquel on destine un produit et ainsi, affiner sa façon de s’adresser à lui afin qu’il se sente concerné… et achète le produit en question. Le second concept consiste à diviser une catégorie de produits (prenons l’exemple d’une crème cosmétique pour la peau) en sous-groupes spécifiques (crème pour les mains, crème pour le corps, etc.).

L’une comme l’autre sont problématiques. Voyons pourquoi. (suite…)

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Pas assez efficace, le nettoyage sans déchets?

Changer ses habitudes. C’est le passage obligé quand on se rend compte des kilos de déchets inutiles que l’on produit chaque semaine. Les alternatives sont nombreuses. Certains se lanceront volontiers dans des préparations “maison”. Les recettes Do-it-yourself (DIY) sont légion sur internet et les réseaux sociaux. Mais on ne s’improvise pas formulateur ou formulatrice parce qu’on aurait, enfant, épuisé toutes les possibilités de la boîte du “Petit chimiste” reçue à Noël…! D’autres préfèreront acheter des produits de nettoyage ou cosmétiques en vrac tout prêts, au poids ou au litre.

S’il est bien une question récurrente, c’est celle du nettoyage, que ce soit de la vaisselle ou du linge. L’association ZeroWaste Switzerland se décline dans de nombreux cantons et ses ambassadeurs gèrent aussi les pages correspondantes sur Facebook principalement, sur Instagram parfois. On voit souvent passer cette question: tel produit, telle recette, ça ne lave pas aussi bien que le produit Z acheté en supermarché. Telle recette fonctionne très bien chez X, et laisse des traces blanches chez Y. Tout le monde se questionne sur le bon dosage des ingrédients de base (cristaux de soude, acide citrique, gros sel, percarbonate de soude…). On  se lamente de la dureté de l’eau de sa région…

Alors que bien souvent, le noeud du problème est ailleurs.

 

Du T.A.C.T, vous en avez ?

Dans son excellent bouquin “Greenwashing – fabriquer ses propres produits ménagers” (Editions La Plage), Cécile Berg  – docteur en chimie pharmaceutique, un gage de crédibilité – nous rappelle l’essentiel: pour laver correctement, toutes les formules jouent sur quatre facteurs (résumé par l’acronyme T.A.C.T):
– le temps
– l’agitation
– la chimie
– la température

En résumé, si on fait tremper (temps), mieux ça lave. Si on frotte (agitation), c’est plus efficace, etc. Le concept est simple à comprendre…! On l’aura deviné, les produits du commerce jouent essentiellement sur la chimie, au mépris de l’environnement… et de notre santé. On applique le produit, on attend une ou deux minutes, on rince et tout est propre, sans frotter. Magique! Mais le produit en question est souvent très toxique, pour soi et pour la nature. Il y a longtemps, j’ai cru mourir étouffée après avoir sprayé un nettoyant pour salle de bain dans la douche: les gaz du produit m’ont fait suffoquer et j’ai bien cru ne pas pouvoir atteindre la fenêtre pour reprendre une respiration normale. Depuis cette petite expérience assez traumatisante, j’ai commencé à me poser des questions sur la composition de ces sprays aux couleurs fluo censés nous faciliter la vie (et pas nous l’ôter prématurément)!

Pour en revenir aux principes T.A.C.T, il suffit souvent de laisser tremper et de frotter quand on utilise des produits DIY ou achetés en vrac, à la composition simple. Car pour ce qui est de la chimie, très peu d’ingrédients suffisent à tout faire. Par conséquent, si vous constatez que cela ne lave pas comme le produit X ou Y très chimique du supermarché, c’est sans doute que vous avez négligé le quatrième élément: la température. Votre eau de lavage n’est peut-être tout simplement pas… assez chaude!

Laver à froid: la fausse bonne idée écologique

Eh oui, la publicité des fabricants de chimie nous ont “vendu” le concept de lavage (vaisselle, linge) à basse température. Ce serait ainsi plus écologique car on consomme moins d’électricité. Oui, certes, mais qui dit basse température, dit chimie augmentée pour que cela fonctionne. On économise quelques centimes d’électricité, mais on pollue allégrement. Quel gain !

Donc oubliez cette fausse idée soi-disant écologique et choisissez un programme plus chaud avec votre poudre pour lave vaisselle ou votre lessive à base de savon de Marseille, de feuilles de lierre ou de cendres faite maison.

Au niveau chimie, les recettes de la poudre pour lave-vaisselle sont aussi simples et très économiques. Cécile Berg en donne deux dans son ouvrage. La première utilise du borax, qui se vend environ CHF 20.- par kilo en droguerie (en vrac). La seconde est plus économique et utilise du bicarbonate.

Recette mini-budget de poudre à lave-vaisselle

  • 1 verre et demi de bicarbonate de soude
  • 1 verre et demi de cristaux de soude déshydratée
  • 1/2 verre de gros sel

Utiliser 1 cs de ce mélange sel-bases, puis…
A conserver séparément (et à rajouter au moment de lancer la machine):

  • 1/2 verre d’acide citrique (à raison d’1 cc par machine)

[Mise  à jour: une seconde recette utilisant du borax est donnée par Cécile Berg dans son livre. Il semble que ce minéral ne soit pas en vente libre en Suisse, car classifié H360: il peut nuire à la fertilité et au foetus à haute dose. Cette recette est donc retirée de cet article. Merci à Aline pour son avertissement !]

J’ai essayé quantité de recettes, avec toujours l’impression que ce n’était pas vraiment propre à la longue, que les verres étaient voilés (malgré le vinaigre en rinçage, malgré une eau adoucie). Pire, un film s’était collé à la vaisselle.

Jusqu’au moment où je me suis rappelée le principe T.A.C.T. J’ai donc sélectionné le programme chaud. Et là, miracle, toutes les recettes sont hyper efficaces !

Acide et base: à mélanger au bon moment

Autre question récurrente: pourquoi ne pas mélanger l’acide citrique au reste des poudres ? Les cristaux de soude sont anhydres et basiques. Ils captent donc facilement l’eau environnante pour se réhydrater. Et en cuisine, comme en lessiverie, ce n’est pas l’eau qui manque! Et comme la soude sous cette forme est basique, elle va réagir avec l’acide citrique (ou tout autre acide): ça commence à gonfler, puis à mousser. La réaction effervescente achevée, le produit ne sera plus du tout efficace. C’est bien dommage, car cette réaction est intéressante pour décoller la saleté. Au prochain plat de lasagnes à nettoyer, essayez de saupoudrer du bicarbonate de soude, basique, sur les restes (qui auront d’abord été mis à tremper), puis sprayer dessus du vinaigre blanc (acide): vous verrez comme cette effervescence décrasse !

Acide et base, ça fait “pschtt”: pour faire rigoler vos enfants, réalisez une “limonade” minute en ajoutant un peu de bicarbonate de soude (basique) dans un verre d’eau additionné d’un jus de citron (acide)… Le même principe est à la base des galets pour WC ou “potty bombs” qui détartrent, nettoient et désodorisent. Mais là, il faut quand même manier la brosse…

Acide et base, ça fait “pschtt” et c’est bien sûr intéressant pour nettoyer, mais dans le lave-vaisselle, pas en dehors! D’où l’intérêt de procéder au mélange sel-bases et acide au moment de lancer la machine. Ou bien de ne préparer que de petites quantités de poudre à la fois.

Oui, on peut changer ses habitudes et ne plus utiliser tous ces produits chimiques du commerce traditionnel, vendus à grands renforts de publicité et d’arguments plus que discutables. On le peut, sans faire de compromis sur l’exigence de propreté moderne et sans produire de déchets inutiles. Pour le bien de l’environnement et de sa santé.

 

[update: Suite au commentaire d’Aline ci-dessous, je me dois de mettre en garde toute personne qui souhaite fabriquer ses produits ménagers. Même si les ingrédients de base sont naturels, ils se manipulent toujours avec précaution. On évitera aussi de dépasser les doses prescrites. Toujours procéder dans un local bien ventilé, porter des lunettes et des gants et ne pas respirer les vapeurs ou les poussières des produits. Bien entendu, il ne faut pas non plus laisser traîner les ingrédients ou les mélanges et les ranger hors de la portée des enfants.

Evitez aussi d’acheter des produits sur internet. D’une part parce qu’il n’y a aucune garantie sur la qualité des produits et leur origine, mais surtout, vous ne bénéficierez pas des conseils de prudence et d’usage des professionnel-le-s de la pharmacie ou de la droguerie.]