«Dieselgate» et ordolibéralisme

Le «dieselgate» éclaté le mois passé suite aux révélations, qui ont fait le tour du monde, concernant les magouilles de Volkswagen – et sans doute de bien d’autres constructeurs d’automobiles à travers le monde, y compris donc aux États-Unis, au nom de la «compétitivité» – n’a rien d’étonnant. Depuis l’avènement de la financiarisation, le capitalisme a changé son mode de fonctionnement, mettant désormais les objectifs de rentabilité financière de n’importe quelle activité économique (ici la fabrication de voitures, là-bas l’octroi de crédits hypothécaires) au plus haut niveau des soucis professionnels des «top managers» (formés au sein des «meilleures» écoles de «business» au monde), sans égard au bien commun et à l’honnêteté au plan juridique et intellectuel.

Or, le brouhaha mondial qui a suivi l’éclatement du «dieselgate» a fait passer sous silence le véritable problème que celui-ci pose au modèle socio-économique allemand, basé sur l’ordolibéralisme, à savoir, l’idée que l’État doit se limiter à assurer les conditions–cadres par lesquelles les entreprises peuvent se livrer à une saine concurrence respectant le cadre légal.

Au-delà de ses dégâts d’image et de ses répercussions au plan légal, le «dieselgate» risque dès lors d’ébranler le modèle allemand à moyen terme. Une chose est d’ores et déjà sûre: Angela Merkel ne pourra pas continuer à refuser d’alléger la dette publique grecque en affirmant que les règles doivent être respectées. Alexis Tsipras pourra facilement lui faire remarquer que l’Allemagne n’a pas de leçons à donner sur l’ordre économique (prétendument) imposé par l’économie de marché. Il faut donc s’attendre à une nouvelle vague de tensions politiques au sein de l’Euroland – avec les effets que cela peut bien comporter sur le taux de change du franc suisse – dans un avenir rapproché. Attachez alors vos ceintures car la monnaie helvétique pourrait vite atteindre de nouveaux sommets par rapport à l'euro.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.