Pauvre Europe!

Le feuilleton grec est ridicule. Les «institutions» créancières de l’État grec n’ont aucunement besoin d’être remboursées dans les délais et pourraient sans faute rallonger les échéances, permettant au secteur public grec de montrer (les premiers résultats de) sa bonne volonté à sortir la population de la profonde ornière provoquée par la crise ainsi que par les mesures d’austérité qui l’ont suivie et aggravée à bien des égards.

Or, il n’en est rien: les dites «institutions» (aucunement démocratiques) veulent visiblement faire d’une pierre deux coups. D’une part, elles vont tout mettre en œuvre pour induire le peuple grec à remplacer le gouvernement dirigé par Alexis Tsipras, qui n’arrivera pas à tenir ses promesses de mettre fin à l’austérité. D’autre part, elles continueront à exercer sur la Grèce une pression insupportable, afin que les bailleurs de fonds ayant largement contribué à cette tragédie pour le peuple grec n’aient pas à supporter toute leur part de responsabilité, qui n’est nullement négligeable et doit faire l’objet d’une commission d’enquête indépendante sur la dette publique grecque. L’appel lancé à cet égard par la société civile a reçu le soutien du parlement grec et déjà récolté l’adhésion de quelque 700 personnalités de renom au plan mondial.

Si les dirigeants des «institutions» mettant sous pression la Grèce ont (encore) un brin de l’idéal européen des pères fondateurs de l’Europe communautaire, ils devraient comprendre tout seuls que leur attitude, au-delà d’être abominable, est contraire à cet idéal et viole même les principes de solidarité et de respect des droits fondamentaux inscrits clairement dans le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Au lieu de continuer à rappeler à la Grèce que «pacta sunt servanda» sans rien entreprendre, les «institutions» doivent en donner l’exemple et faire preuve de bon sens afin de contribuer au bien commun, pour sortir la zone euro de sa propre crise veillant à l’intérêt général avant toute autre chose.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.