Taxer les flux ou les stocks?

La théorie économique dominante, d’inspiration néoclassique, confond les flux et les stocks, étant donné qu’elle considère comme un flux des grandeurs qui, en fait, sont des stocks, et vice-versa.

Cela est grave car une théorie qui repose sur des concepts erronés ne peut pas donner lieu à des politiques économiques appropriées afin de résoudre des problèmes de la réalité contemporaine.

Toutefois, il y a des erreurs encore plus graves, à l’instar de la Banque nationale suisse (BNS), qui a imposé une taxe sur les stocks de francs suisses (sous la forme des dépôts que les banques ont auprès d’elle), au lieu de taxer les flux de francs suisses sur le marché des devises.

En clair, le taux d’intérêt négatif que la BNS prélève sur une partie non négligeable des dépôts des banques auprès de l’autorité monétaire est un mauvais instrument pour enrayer la surévaluation du franc suisse. Il frappe, indirectement, l’ensemble des déposants en Suisse (y compris, notamment, les caisses de pension) dont la très grande majorité n’est aucunement à l’origine de la dite surévaluation mais en subit souvent les conséquences négatives.

Une bien meilleure mesure pour réduire la force du franc suisse serait celle d’annoncer – et ensuite d’introduire rapidement – une taxe sur les achats de francs suisses dépassant un certain seuil, qui frapperait en particulier les transactions à haute fréquence sur le marché financier. Cela aurait le double mérite de faire déprécier les taux de change du franc suisse et d’apporter des recettes fiscales à la Confédération qui pourraient alors être (en partie) redistribuées aux petites et moyennes entreprises qui, en Suisse, souffrent vraiment (et malgré leurs efforts) de la force du franc.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.