La BNS crée un risque systémique

La Banque nationale suisse (BNS) pourrait décider prochainement de réduire bien davantage les taux d’intérêt (déjà négatifs) sur le marché interbancaire helvétique, afin de réduire quelque peu la force du franc suisse sur le marché des devises, qui représente un handicap pour la branche touristique et bien des entreprises tournées vers l’exportation de produits suisses.

Le cas échéant, cette décision de la BNS pourrait comporter une crise de liquidité sur le marché interbancaire national, dans la mesure où les banques ayant des liquidités excédentaires rechigneraient à les prêter aux banques déficitaires en Suisse, étant donné que les taux d’intérêt sur le dit marché sont (devenus encore plus) négatifs. Si cela s’avère, il faut craindre alors l’éclatement d’une crise immobilière, parce que le secteur bancaire helvétique pourrait réduire rapidement le volume des nouvelles créances hypothécaires, voire augmenter considérablement les taux d’intérêt sur les nouvelles hypothèques résidentielles, compte tenu de ses difficultés de refinancement sur le marché interbancaire au plan national.

Par ailleurs, l’augmentation du taux d’intérêt prélevé aux bailleurs de fonds sur le marché interbancaire suisse pourrait induire ceux-ci à se détourner de l’économie nationale pour prêter davantage au reste du monde, notamment à travers les marchés financiers globalisés, qui à première vue sont censés offrir une meilleure perspective par rapport au rendement attendu selon la catégorie de risque considérée. Si cet effet de détournement s’avère, la BNS en sera la cause essentielle, au lieu de contribuer à assurer la stabilité financière comme lui impose de faire texto l’article 5, alinéa 2, lettre e de la loi fédérale qui encadre ses propres activités.

Au lieu de persévérer dans l’erreur, la BNS devrait comprendre qu’elle doit œuvrer pour trouver des solutions viables aux problèmes du franc fort au lieu d’être elle-même un facteur majeur de ces problèmes. Il en va de l’intérêt général du pays – qui doit orienter la politique monétaire de la BNS, comme l’indique d’ailleurs la loi fédérale en la matière. Nul n’est censé ignorer la loi, a fortiori lorsque son infraction peut entraîner des effets systémiques négatifs qui seront très difficiles à résorber par la suite.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.