Le franc fort va-t-il peser sur l’attractivité des actions suisses ?

 Stéphane Monier, Chief Investment Officer, Banque Lombard Odier & Cie SA

 


Les actions suisses offrent des opportunités attrayantes en matière de sélection de titres, notamment pour les investisseurs recherchant des valeurs de qualité.

Quel impact aura la hausse du franc sur les actions suisses? Durant la majeure partie des quatorze dernières années, la Banque nationale suisse est intervenue pour l’affaiblir. En juin dernier, elle a indiqué sa volonté de laisser la monnaie s’apprécier dans le cadre de sa lutte contre les pressions inflationnistes. Au 1er septembre, le taux de change de l’euro/franc était de 0.98, ce qui représente une appréciation de 6% par rapport à la monnaie unique depuis le début de 2022.

Si un franc fort dope le pouvoir d’achat des importateurs, il réduit la compétitivité des entreprises exportatrices. L’économie suisse dépend très fortement du commerce extérieur. Les exportations de biens et de services représentaient 71% du PIB en 2021, trois quarts provenant du commerce des biens et un quart des services. L’Union européenne reste le principal partenaire économique de la Suisse, absorbant 43% de ses exportations. Les biens les plus exportées restent les produits pharmaceutiques et chimiques (52%), l’industrie mécanique et électrique (13%) et les montres (13%).

Baisse des exportations en vue

Si nous prévoyons une réduction de 1% à 1.5% de la croissance des exportations au cours de 2023, cela n’est pas dû à la force du franc, mais à la contraction économique de la zone euro. En effet, les industries exportatrices suisses affichent une faible élasticité des prix. Par ailleurs, les différentiels d’inflation avec les partenaires commerciaux sont en faveur de la Suisse. Ainsi, depuis 1999, le franc a progressé de 40% par rapport à l’euro en termes nominaux. Mais la monnaie suisse s’est affaiblie de 12% en termes réels, ce qui laisse une marge d’appréciation supplémentaire en termes nominaux.

Les entreprises suisses se sont progressivement adaptées à ce désavantage monétaire. Le franc fort les a poussées à innover et à exiger une prime pour leurs produits et leur expertise technologique. Nombre d’entre elles ont diversifié leur production pour créer une protection naturelle, délocalisant la production dans les marchés d’exportation. Depuis 2009, la Suisse a ainsi réussi à augmenter sa part dans le commerce mondial des biens de 1,4% à près de 1,7%.

Les implications en termes de compétitivité diffèrent selon les secteurs. Les biens de grande valeur, tels que les montres de luxe et les produits pharmaceutiques, restent relativement à l’abri des fluctuations des taux de change, tandis que les exportations de machines et de produits chimiques sont plus impactées. L’industrie du tourisme souffre également. Selon l’institut économique KOF, une hausse de 1% du franc se traduit par une baisse de 1,8% des nuitées dans certaines régions touristiques clés.

Croissance des bénéfices

La majeure partie des entreprises suisses devraient être en mesure de compenser la force du franc en augmentant leurs prix et en améliorant leur efficacité par le biais de l’automatisation. La preuve en est que la plupart des sociétés cotées ont annoncé pour le premier semestre des bénéfices supérieurs aux prévisions et des carnets de commandes solides.

La croissance historique des bénéfices des entreprises suisses a été stable comparativement à d’autres régions, mais cette stabilité a un prix. L’indice Swiss Market Index (SMI) se négocie actuellement à 16.4 fois les bénéfices prévisionnels, un niveau inférieur à sa moyenne historique, mais qui affiche une légère prime par rapport à l’indice MSCI World.

Potentiel de surperformance

Cette prime est en phase avec le potentiel de surperformance des actions suisses de qualité dans des conditions de marché difficiles. Grâce à leurs modèles d’affaires solides et leurs avantages concurrentiels, elles sont capables de défendre leurs marges et de continuer à verser des dividendes. Le profil sectoriel plus défensif du SMI devrait se montrer résilient en cas de récession, alors que l’indice des actions suisses de petite et moyenne capitalisation SPI EXTRA devrait moins bien performer en raison de son exposition à des secteurs plus cycliques, plus sensibles à la conjoncture. A mesure que la croissance ralentit, nous continuons à renforcer le biais qualité des portefeuilles de nos clients, notamment via des expositions plus élevées aux actions suisses de grande capitalisation.

Lombard Odier

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