No Billag, no future

Automne 2019, un dimanche pluvieux. Le peuple suisse vote aujourd’hui sur le congé paternité. La campagne de votation a été inexistante en Suisse latine : les chaînes étrangères, désormais seules à émettre en Suisse romande et au Tessin, ont royalement boudé l’enjeu. Les chaînes privées alémaniques en ont certes un peu parlé – auf Deutsch -, mais par le biais de débats entre les membres d’une association patronale et ceux d’un parti politique conservateur, tous opposés à ce congé ! Rien de surprenant quand on sait les préférences politiques des milliardaires qui contrôlent ces chaînes. J’ai tout de même été contactée par l’animatrice du talk-show « politique » de One TV, une émission intitulée « Tous pourris ? ». Vous comprendrez, je pense, que j’aie refusé l’invitation… À la radio, où quelques chaînes commerciales romandes survivent pour l’instant, l’émission « For fun » a remplacé « Forum » et les sujets politiques ne semblent pas y avoir leur place.

« Temps présent » ? C’est du passé !
Depuis l’abrogation de la redevance radio-TV, votée le 4 mars 2018, tout a fichu le camp, et rapidement. Pire qu’au lendemain d’un certain 9 février, il n’y avait cette fois pas de plan B. La SSR s’est effondrée très vite, de même que toutes les chaînes TV romandes locales et la plupart des chaînes radio. En Suisse latine, la production télévisuelle indigène est morte et en Suisse alémanique, elle est truffée de contenus « à deux balles », aussi rentables que médiocres. Exit la diversité des cultures et des opinions, adieu la qualité de l’information et la formation éclairée de l’opinion ! Comment, sans regard percutant sur nos réalités, maintenir vivante notre démocratie directe ? « Temps présent » ? C’est du passé ! « Les coups de cœur d’Alain » ? Moribonds ! « À bon entendeur » ? Salut ! Au revoir à ce qui tissait une bonne partie de notre identité culturelle commune !

Tant pis pour Federer
Désabusée, j’allume la télé : c’est jour de match de Federer. Je tombe sur TéléSanté, une chaîne française cofinancée par les assureurs et la pharma, qui donne surtout à voir d’interminables pubs pour des médicaments et produits d’assurance. Mince, j’avais oublié : les grandes compétitions sportives ne sont plus accessibles gratuitement sur petit écran. Et j’ai renoncé à l’abonnement aux pages sportives des chaînes privées, bien plus cher que feue la redevance – qui aurait baissé cette année à 365 francs par an -. Bon, je peux encore m’offrir un abonnement de base, contrairement à ma voisine, ex-employée de la RTS au chômage depuis un an, comme quelque 4’000 personnes rien qu’en Suisse romande. D’ailleurs, si la mentalité égoïste de l’utilisateur-payeur contamine d’autres secteurs, l’assurance-chômage disparaîtra à son tour, privée de la contribution des personnes en emploi ! Tant pis pour Federer, j’irai au cinéma… Mais pas pour y voir un film suisse : le cinéma helvétique, comme la musique et les grands événements sportifs, souffre lui aussi de la mort de la redevance…

Le son du réveil me tire de ce cauchemar. Car ouf, c’en était un, scène apocalyptique, No Billag, no future ! Scénario catastrophe, mais pas exagéré : car sous prétexte de suppression de la redevance, c’est bien notre démocratie, notre diversité culturelle et notre cohésion sociale que l’initiative No Billag menace de supprimer. Je me lève et, ô joie, j’allume « La Matinale ».

Liliane Maury Pasquier

Sage-femme, Liliane Maury Pasquier a une longue expérience politique : après le législatif communal de Veyrier et le Grand Conseil genevois, elle siège au Conseil national, de 1995 à 2007, qu'elle préside en 2002. Depuis 2007, elle siège au Conseil des États et dans la délégation au Conseil de l'Europe. Depuis 2018, elle préside l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

7 réponses à “No Billag, no future

  1. Tissus de fantasmes irréalistes, erronés et gauchistes. Comme si les Suisses romands étaient des incapables assistés et que sans subventions nous allions nous faire bouffer par les Suisses allemands, les méchants riches et les horribles étrangers. Lorsque l’on voit la qualité du contenu sur d’autres support par exemple des chaînes sur Youtube… on a le droit de se pose la question si payer une telle redevance et à ce prix est justifiée! Cela ne veut pas dire que je suis contre une redevance (à un prix raisonnable)… mais certainement contre des propos réducteurs du genre “pas de TV” = plus de démocratie! Pas de billiag = pas de contenus romands… No billiag, new future !

    1. C’est tout de même incroyable , dès que l’on défend l’idée d’un service public national, on se fait traiter de “gauchiste”, étant entendu que pour celui qui prononce ce jugement, il s’agit d’une tare abominable …

  2. Bonjour, Chère Madame, je comprends votre désarrois car sans la rts plus de propagandes gratuites pour la gauche. Vous avez le même discours alarmiste de 1992 lorsque vous prédisiez l’effondrement de la Suisse en cas de refus de l’EEE.
    Soyez imaginative et essayé de capter votre électorat avec des IDEES.
    Bonnes salutations.

    1. La RTS fait de la propagamde gratuite pour la gauche? Cet argument traditionel de l’UDC est complètement irrecevable! Regardez simplement les castings invités d’une émission comme Infrarouge et vous constaterez par vous mêmes que droite , gauche et centre sont représentées de façon équilibrées. Idem pour le TJ. Alors, soyez correct et arretez de propager ce vieil argument fallacieux.

  3. Le titre illustre assez bien le parti pris de l’article pour lequel je vois deux gros problèmes:
    1) c’est un comble de faire un article autant à gauche pour défendre la redevance pour des médias publics qui se doivent d’être neutres (et dont beaucoup de gens se plaignent justement d’être trop à gauche).
    2) je trouve surtout dommage de se limiter à peindre un scénario catastrophe sans parler de l’évolution de consommation des médias, des ajustements nécessaires et d’écouter les doléances des personnes pour “No Billag”. Politique de l’autruche ?

  4. Chère Madame, vous avez le mérite de bien dominer votre sujet et de nous proposer une vision pertinente de l’avenir dans l’hypothèse de moins en moins vraisemblable d’un oui. La société civile est en marche pour le non et cela se vérifie partout sauf naturellement sur les réseaux sociaux qui servent régulièrement de refuge à la vacuité, l’ironie hargneuse et la méchanceté …

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