14 juin 2019 – 8 mars 2020 : avons-nous crié assez fort?

Tout le monde a encore en tête les belles images de la formidable mobilisation du 14 juin 2019 qui a vu la vague violette se répandre dans toutes les rues de nos villes et faire entendre les nombreuses revendications légitimes des citoyennes et citoyens qui ne veulent plus vivre dans une Suisse inégalitaire !

La vague violette de l’été dernier s’est poursuivie jusque dans les urnes de l’automne et elle a emporté avec elle un nombre record d’élues au Conseil national, où les femmes occupent, pour la première fois dans notre histoire, plus de 40% des sièges. Et, au Conseil des Etats, même si leur nombre n’est pas encore aussi élevé, les femmes sont tout de même 30%, record historique battu !

Parmi les nombreuses tâches que le nouveau parlement avait à remplir lors de sa première session, en décembre dernier, figurait la désignation des membres des diverses commissions et délégations et le moins qu’on puisse dire est que l’égalité ne devait sans doute pas faire partie des préoccupations principales des parlementaires puisque, même là où il y a des obligations, celles-ci n’ont pas été respectées.

Ainsi en va-t-il de la composition de la délégation suisse au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : sur les 12 membres (titulaires et suppléan-t-e) que compte la délégation suisse, on compte seulement 2 femmes, ce qui est contraire à toutes les règles prévalant dans cette organisation qui place les droits humains au centre, droits humains dont l’égalité fait éminemment partie.

Ainsi, depuis 2007 déjà, l’Assemblée parlementaire a adopté une position de principe suivant laquelle les parlements nationaux doivent s’assurer que les délégations nationales à l’Assemblée comprennent un pourcentage de femmes au moins égal à celui que compte leurs parlements nationaux « en se fixant comme objectif une proportion de 30 % au minimum, tout en gardant à l’esprit que le seuil devrait être de 40 % ». Cette adéquation entre le pourcentage de femmes siégeant au sein du Parlement national et celui de la délégation figure même dans le règlement de l’Assemblée. Selon cette règle, la délégation suisse devrait donc compter au moins 4 femmes ! Il en manque donc clairement 2 ! Mais comme le règlement de l’Assemblée ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect de cette préconisation, le parlement suisse a décidé de passer outre, en toute connaissance de cause !

Et tant pis pour notre image dans cette enceinte européenne, tant pis pour l’exemplarité dont nous aimons à nous prévaloir, tant pis si nous faisons même pire que lors de la législature précédente (où la délégation suisse comptait 3 femmes, ce qui était déjà trop bas mais toujours plus proche des objectifs fixés par le Conseil de l’Europe) !

En cette veille du 8 mars 2020, cet exemple ne fait malheureusement que confirmer que le parlement se moque de la volonté populaire exprimée aussi bien dans la rue que dans les urnes. Nous n’avons, apparemment, pas crié assez fort !

Mais nous ne lâcherons rien ! Et nous y arriverons, à l’égalité qui profite, faut-il encore le rappeler, autant aux femmes qu’aux hommes, à l’ensemble de la société ! A Berne comme à Strasbourg !

 

Liliane Maury Pasquier

Sage-femme, Liliane Maury Pasquier a une longue expérience politique : après le législatif communal de Veyrier et le Grand Conseil genevois, elle siège au Conseil national, de 1995 à 2007, qu'elle préside en 2002. Depuis 2007, elle siège au Conseil des États et dans la délégation au Conseil de l'Europe. Depuis 2018, elle préside l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

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