14 juin 2019 – 8 mars 2020 : avons-nous crié assez fort?

Tout le monde a encore en tête les belles images de la formidable mobilisation du 14 juin 2019 qui a vu la vague violette se répandre dans toutes les rues de nos villes et faire entendre les nombreuses revendications légitimes des citoyennes et citoyens qui ne veulent plus vivre dans une Suisse inégalitaire !

La vague violette de l’été dernier s’est poursuivie jusque dans les urnes de l’automne et elle a emporté avec elle un nombre record d’élues au Conseil national, où les femmes occupent, pour la première fois dans notre histoire, plus de 40% des sièges. Et, au Conseil des Etats, même si leur nombre n’est pas encore aussi élevé, les femmes sont tout de même 30%, record historique battu !

Parmi les nombreuses tâches que le nouveau parlement avait à remplir lors de sa première session, en décembre dernier, figurait la désignation des membres des diverses commissions et délégations et le moins qu’on puisse dire est que l’égalité ne devait sans doute pas faire partie des préoccupations principales des parlementaires puisque, même là où il y a des obligations, celles-ci n’ont pas été respectées.

Ainsi en va-t-il de la composition de la délégation suisse au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : sur les 12 membres (titulaires et suppléan-t-e) que compte la délégation suisse, on compte seulement 2 femmes, ce qui est contraire à toutes les règles prévalant dans cette organisation qui place les droits humains au centre, droits humains dont l’égalité fait éminemment partie.

Ainsi, depuis 2007 déjà, l’Assemblée parlementaire a adopté une position de principe suivant laquelle les parlements nationaux doivent s’assurer que les délégations nationales à l’Assemblée comprennent un pourcentage de femmes au moins égal à celui que compte leurs parlements nationaux « en se fixant comme objectif une proportion de 30 % au minimum, tout en gardant à l’esprit que le seuil devrait être de 40 % ». Cette adéquation entre le pourcentage de femmes siégeant au sein du Parlement national et celui de la délégation figure même dans le règlement de l’Assemblée. Selon cette règle, la délégation suisse devrait donc compter au moins 4 femmes ! Il en manque donc clairement 2 ! Mais comme le règlement de l’Assemblée ne prévoit pas de sanction en cas de non-respect de cette préconisation, le parlement suisse a décidé de passer outre, en toute connaissance de cause !

Et tant pis pour notre image dans cette enceinte européenne, tant pis pour l’exemplarité dont nous aimons à nous prévaloir, tant pis si nous faisons même pire que lors de la législature précédente (où la délégation suisse comptait 3 femmes, ce qui était déjà trop bas mais toujours plus proche des objectifs fixés par le Conseil de l’Europe) !

En cette veille du 8 mars 2020, cet exemple ne fait malheureusement que confirmer que le parlement se moque de la volonté populaire exprimée aussi bien dans la rue que dans les urnes. Nous n’avons, apparemment, pas crié assez fort !

Mais nous ne lâcherons rien ! Et nous y arriverons, à l’égalité qui profite, faut-il encore le rappeler, autant aux femmes qu’aux hommes, à l’ensemble de la société ! A Berne comme à Strasbourg !

 

Poursuivons sur notre lancée !

Ce dimanche 20 octobre s’est déroulé le 1er tour des élections fédérales. Les résultats ont démontré une claire volonté des citoyen-ne-s d’avancer vers une Suisse où il fasse bon vivre, pour toutes et tous. Cette élection a aussi vu l’accession de nombreuses femmes au Conseil national ! Quelle fierté !

A Genève, Lisa Mazzone et Carlo Sommaruga arrivent en tête du 1er tour du scrutin pour le Conseil des Etats. Dans le canton de Vaud, Adèle Thorens et Ada Marra font également la course en tête, alors qu’en Valais Mathias Reynard est tout proche de briser le monopole PDC à la chambre haute. Quant à Marina Carobbio Guscetti, elle pourrait devenir la première femme de gauche à accéder au Conseil des Etats pour le canton du Tessin. Côté Suisse-alémanique, des candidat-e-s de l’Alternative devraient elles et eux aussi continuer à siéger au Conseil des Etats comme Roberto Zanetti à Soleure, Paul Rechsteiner à Saint-Gall, Hans Stöckli à Berne, ou y accéder pour la première fois, comme Regula Rytz également à Berne ou Maya Graf à Bâle-campagne.

Même si plusieurs candidat-e-s issus des rangs de la gauche pourraient accéder au Conseil des Etats, la situation reste tout de même inquiétante. Sur les 46 sièges que compte la chambre des Cantons, 24 ont déjà été attribués à l’issue du premier tour: 8 PDC, 7 PLR, 3 PS, 3 UDC, 2 Verts et un indépendant. Seul-e-s 5 élu-e-s de gauche occupent, pour le moment un siège contre 18 issus de la majorité bourgeoise et un indépendant – Thomas Minder – qui, faut-il le rappeler, siège au sein du groupe UDC.

Nous avons dit, le 20 octobre dernier, que nous souhaitions un monde différent de celui qui a été défendu par la majorité UDC-PLR qui a empêché tout progrès au Conseil national depuis 2015. Nous devons donc nous mobiliser fortement pour que les candidat-e-s de l’Alternative accèdent au Conseil des Etats lors du 2e tour des élections. Si nous échouons, le Conseil des Etats pourrait bien reprendre le rôle de blocage détenu par le Conseil national au cours de la présente législature et la Suisse ne parviendrait alors pas à avancer sur de nombreuses thématiques aussi importantes qu’urgentes comme la réforme des retraites, l’égalité entre les femmes et les hommes, le congé parental et, bien sûr, la transition écologique.

Pour toutes ces raisons, nous devons, lors du second tour de l’élection au Conseil des Etats dans nos cantons, voter pour des personnalités qui sauront pleinement défendre cette Suisse ouverte, solidaire, égalitaire et écologique dont nous avons tant besoin !

Changeons toutes et tous les mentalités…et les couches !

Après le Conseil des Etats, le Conseil national a validé le principe d’un congé paternité de deux semaines. Il s’agit d’un pas dans la bonne direction mais cette mesure est loin d’être suffisante.

Quelques semaines après la grève des femmes, qui a mobilisé les foules en Suisse en faveur d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes, je crois important de rappeler à quel point la revendication pour un congé paternité et celle pour un congé parental s’ancrent dans le concret et profitent à l’ensemble de la société. En effet, ce n’est qu’en offrant une chance aux hommes de prendre leur place, dès le début, auprès de leur enfant, de tisser avec lui les liens du quotidien, que l’on pourra œuvrer à une plus grande implication des pères, ce qu’ils souhaitent le plus souvent. Cette implication paternelle profitera aux pères mais aussi aux enfants et aux mères. Des mères qui, en plus de pouvoir mieux se remettre de la grossesse, de l’accouchement et souvent aussi de l’allaitement – qui représentent une période psychiquement et physiologiquement éprouvante –, mettront en place avec leur partenaire une répartition des tâches plus égalitaire. Toute la société en bénéficiera au final, car la possibilité, pour les femmes comme pour les hommes, de concilier carrière professionnelle et vie de famille contribue à l’épanouissement de chacune et de chacun et profite, in fine, à l’économie.

Toutefois, en refusant un réel congé parental – c’est-à-dire un système qui octroie un congé aux nouveaux parents à se répartir au sein du couple, tout en assurant un nombre minimal de semaines à chacune et chacun –, la majorité bourgeoise du Conseil national et du Conseil des Etats nie les aspirations et les besoins de la population suisse. A contrario, le Parti socialiste se bat en faveur d’un modèle de congé parental de 38 semaines qui octroierait 14 semaines de congé à la mère, 14 semaines au père et 10 semaines à se répartir au sein du couple.
Je suis, bien évidemment, en faveur d’un congé parental de 38 semaines. Toutefois, je soutiens l’idée que la mère doit bénéficier d’un congé de 16 semaines. La mère doit récupérer d’une épreuve physique de longue haleine – grossesse, accouchement, allaitement – et elle a besoin, pour cela, d’un congé maternité plus long que les 14 petites semaines arrachées de haute lutte il y a quelques années. Les 22 semaines restantes seraient à répartir entre les parents, en fixant un minimum de semaines devant impérativement être prises par le père, pour qu’il puisse vraiment s’investir dès le début dans la prise en charge des enfants.

Tant mon parcours personnel que mon expérience professionnelle de sage-femme m’ont convaincue de l’importance d’offrir un congé maternité plus long qu’actuellement ainsi que d’offrir aux pères la possibilité de nouer, dès le départ, un lien profond avec leur enfant. Ce lien se tisse dans le concret, il se tricote dans les brassières, il est fait du parfum des bains comme des odeurs de couches. Il s’approfondit dans chaque câlin et, même, dans chaque nuit blanche. C’est dans les meilleurs moments, comme dans les plus difficiles, c’est en tout cas au quotidien que le père et l’enfant posent les bases d’une relation de qualité, une relation qui durera toute la vie.
Le père doit donc pouvoir, d’entrée de jeu, trouver ses marques auprès de l’enfant et prendre ainsi confiance en ses capacités. On sait que, dans toute rencontre, la première impression est déterminante: il s’agit donc de ne pas la manquer.

Cette mesure serait une véritable avancée pour notre pays qui, rappelons-le, reste très en retard en matière de congé parental ! Ouvrons donc la voie dès aujourd’hui à un congé parental dont toutes les familles de ce pays ont un urgent besoin et préparons nos stylos pour signer l’initiative populaire qui devrait prochainement être lancée, premier pas nécessaire, dans notre pays, pour obtenir ce congé essentiel pour notre avenir !

La Suisse au cœur du Conseil de l’Europe !

Cette semaine, le Parlement fédéral a eu l’honneur d’accueillir la réunion du Bureau de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Le Bureau, que je préside en tant que Présidente de l’APCE, est composé des Vice-président-e-s de l’Assemblée, des Président-e-s de ses Commissions ainsi que des Président-e-s des Groupes politiques de l’Assemblée. Le Bureau définit l’agenda de nos sessions, décide sur les propositions de résolution ou de recommandation déposées par les membres de l’Assemblée – qu’il renvoie aux Commissions compétentes – et discute des questions importantes relatives au fonctionnement de l’Assemblée. Il tient également des échanges de vues réguliers avec le Secrétaire général et la Secrétaire générale adjointe sur l’actualité politique du Conseil de l’Europe, l’état de ratification de nos Conventions, ainsi que sur la coopération avec nos Etats-membres. C’est donc un ordre du jour particulièrement chargé qui s’est présenté à nous : nous nous sommes concentrés sur la préparation de la quatrième partie de la session de 2019 qui se tiendra à Strasbourg du 30 septembre au 4 octobre 2019.

En marge du Bureau, nous avons organisé une rencontre conjointe entre l’Assemblée parlementaire et le bureau du Comité des ministres – les représentant-e-s des gouvernements des Etats membres – afin de discuter de la mise en place d’une nouvelle procédure conjointe de réaction aux situations dans lesquelles un Etat membre du Conseil de l’Europe ne se conformerait pas à ses obligations statutaires. Cette nouvelle procédure, voulue par l’Assemblée et par le Comité des ministres, permettra de renforcer la légitimité et l’impact de l’organisation dans la défense des valeurs auxquelles nos Etats membres ont souscrit – les droits humains, la démocratie et l’Etat de droit. La participation à cette réunion de Mme Amélie de Montchalin, Secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargée des affaires européennes, qui représente la présidence française du Comité des Ministres, a été particulièrement importante.

L’actualité politique du Conseil de l’Europe est également marquée par plusieurs défis importants.

Nous célébrons cette année le 70e anniversaire du Conseil de l’Europe, organisation créée en 1949 sur les décombres de la Seconde guerre mondiale avec pour objectif d’unir les peuples et les Etats européens autour des valeurs de la paix, de la dignité humaine, de la démocratie et de l’Etat de droit. Au fil de ces 70 années, le Conseil de l’Europe a accompli un exploit que je n’hésiterais pas à qualifier d’unique : il a construit un cadre juridique commun et uniforme de protection des droits humains de toutes les personnes qui se trouvent sur notre vaste Continent, regroupant 47 Etats membres et 830 millions d’Européennes et d’Européens. Il s’agit du système de la Convention européenne des droits de l’homme.

Toutefois, nous devons constater qu’aujourd’hui les valeurs que notre organisation défend – ainsi que l’idée même d’une Europe unie – sont de plus en plus remises en question par des discours populistes et souverainistes, par des atteintes graves aux droits humains fondamentaux – le droit à la vie, l’interdiction de la torture, la liberté d’expression, de manifestation et d’association – des inégalités et des discriminations de toute sorte, ainsi que des conflits au sein et entre nos Etats membres.

Face à ces défis, nous devons faire preuve de responsabilité et de vision politique. Nous devons faire en sorte que le Conseil de l’Europe et notre Assemblée parlementaire continuent d’être une plateforme de dialogue, afin de discuter, de façon franche et ouverte, des situations de manquement aux valeurs que nous défendons. Face aux conflits internationaux et aux blocages politiques internes qui empêchent les Européennes et les Européens d’exercer pleinement leurs droits et leurs libertés fondamentales, nous devons construire des ponts, encourager des discussions et soutenir la recherche des compromis.

Les discussions que nous menons sur la mise en place d’une nouvelle procédure conjointe de réaction aux manquements par les Etats membres aux valeurs et aux normes que nous défendons s’inscrivent pleinement dans cette optique.

Les récentes décisions du Comité des ministres et de l’Assemblée, qui ont permis au Parlement de la Fédération de Russie de reprendre sa participation aux travaux de l’Assemblée, sont également importantes. Désormais, nous pouvons discuter – entre 47 Etats membres – des questions hautement politiques qui continuent de nous diviser : le conflit en Ukraine et ses conséquences en termes de droits humains, du respect des droits humains en Russie. Nous pouvons également – entre 47 Etats membres – travailler sur une réponse commune et pan-européenne aux grands défis actuels comme, par exemple, la solidité de nos institutions démocratiques, la gestion des flux migratoires, les objectifs de développement durable. Nous avons ici une opportunité de contribuer à renforcer la position de l’Europe en tant qu’acteur politique solide sur la scène internationale et au niveau mondial.

C’est dans cet esprit de dialogue et de coopération que nous avons mené nos travaux et j’aimerais une fois de plus réitérer ma fierté, en tant que Suissesse et en tant que Conseillère aux Etats, d’avoir pu accueillir mes collègues de l’Assemblée parlementaire au Palais fédéral.

70 ans du Conseil de l’Europe : d’hier à aujourd’hui

Je reproduis ici la version française du discours que j’ai prononcé le 16 mai 2019 à Helsinki, en tant que présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, à l’occasion de la commémoration du 70ème anniversaire du Conseil de l’Europe.

Afin de marquer la commémoration du 70ème anniversaire du Conseil de l’Europe, je voudrais me concentrer sur deux mots : HIER et AUJOURD’HUI.

HIER

Il y a 70 ans, nous étions un continent dévasté par le plus terrible conflit de l’histoire de l’humanité, une société profondément blessée par des pertes colossales en vies humaines et une profonde méfiance.

Nous dérivions loin de nos références morales. Parmi celles et ceux qui ont été témoins de l’inimaginable – l’Holocauste -, beaucoup avaient perdu toute confiance dans les valeurs fondamentales de l’humanité. Certain·e·s ont même soutenu que la Seconde Guerre Mondiale était la fin de la civilisation.

C’est contre cette image de destruction, de souffrance et de désarroi moral que nous avons vu s’élever notre phénix : le Traité de Londres et la création du Conseil de l’Europe.

« Que l’Europe advienne ! », a dit Winston Churchill dans son célèbre discours à Zurich, en 1948. « Nous ne pouvons pas nous permettre de traîner, au cours des années à venir, les haines et les vengeances nées des blessures du passé… Que règnent la justice, la miséricorde et la liberté ! ».

Imaginez ce que ces mots signifiaient à l’époque !

Pour moi, en tant que politicienne, la portée symbolique de la création du Conseil de l’Europe résidait dans sa mission politique : rétablir la confiance entre les peuples, relancer le dialogue et la coopération entre les nations et créer une base solide pour une paix et une unité durables entre les pays.

Pour moi, en tant qu’être humain et en tant que femme, le sens de la création du Conseil de l’Europe était de fournir aux Européennes et aux Européens une référence morale et de protéger et promouvoir les droits de chacune et chacun, sans discrimination, sur notre continent.

Comme Winston Churchill et ces femmes et hommes qui ont soutenu le projet européen seraient fières et fiers si elles et ils pouvaient voir comment cette organisation est devenue la « maison européenne commune » de 830 millions de citoyennes et citoyens et un véritable forum multilatéral pour la coopération entre 47 États membres.

Auraient-elles et ils pu imaginer un accord sur plus de 200 conventions – dont beaucoup sont particulièrement novatrices – ou la mise en place de mécanismes juridiques uniques pour protéger les droits sociaux ainsi que les personnes les plus vulnérables, comme les détenus, les victimes de violences domestiques et les enfants maltraités ?

Les principaux rédacteurs de la Convention européenne des droits de l’homme, Pierre-Henri Teitgen et David Maxwell-Fyfe, auraient-ils pu imaginer que la Cour européenne des droits de l’homme et son ancienne Commission auraient traité plus de 840’000 requêtes depuis 1949 ?

À l’époque dite des « heures sombres » de l’Europe, en 1940 et 1941, qui aurait pu imaginer la création d’un mécanisme institutionnel multilatéral de coopération, avec le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire, pour défendre les droits humains, la démocratie et l’État de droit ?

Beaucoup d’entre vous se rappellent exactement où elles et ils étaient en 1989 lorsque le mur de Berlin est tombé. Vous connaissez le rôle joué par le Conseil de l’Europe à la suite de l’extension de l’espace juridique paneuropéen commun à 830 millions de personnes. 415 millions de femmes en Europe ont ainsi pu se rapprocher de l’égalité avec 415 millions d’hommes. Mais si vous regardez les sept premières photos sur le site web du 70ème anniversaire du Conseil de l’Europe, vous verrez 57 hommes et aucune femme. Dans cette salle aujourd’hui, vous pouvez faire votre propre décompte pour constater les progrès réalisés et ce qu’il reste à accomplir.

AUJOURD’HUI

Aujourd’hui, la mission politique est aussi pertinente qu’elle l’était il y a 70 ans.

Aujourd’hui, l’idéal de l’unité européenne est hélas mis à rude épreuve avec le recul des libertés et des droits fondamentaux, la montée inquiétante de tendances nationalistes, populistes et autoritaires, ainsi que l’apparition de nouvelles lignes de division et de conflits sur notre continent.

Aujourd’hui, face à ces défis, nous pouvons et devons rappeler les principes de base qui constituent les fondements de ce qui est devenu notre « maison européenne commune ».

Je suis profondément convaincue que ce qui nous unit – notre histoire commune et notre ferme volonté de faire de l’Europe un lieu de vie pacifique et prospère – est plus fort que les désaccords, les divisions et les conflits auxquels nous sommes confronté·e·s.

Mais ce n’est pas seulement une question d’hier et d’aujourd’hui, c’est aussi une question d’avenir.

Comme le disait Winston Churchill à Zurich il y a 71 ans, « les peuples n’ont qu’à le vouloir et tous réaliseront le désir de leur cœur… ».

Si nous voulons réaliser les nôtres, nous devons assumer nos responsabilités et défendre nos droits, nos libertés et notre Europe. L’Europe aura alors un brillant avenir, pour les 70 prochaines années et pour les nombreuses générations à venir.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe lance l’initiative «Sexisme, abus sexuels: #PasDansMonParlement»

À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a lancé l’initiative «Sexisme, abus sexuels: #PasDansMonParlement». Son but: engager une mobilisation contre la généralisation du harcèlement et du sexisme à l’encontre des femmes dans les parlements.

Cette initiative fait suite à une étude menée par l’Union interparlementaire (UIP) et l’APCE, publiée en octobre de cette année, qui révèle que les actes de sexisme, d’abus et de violence à l’encontre des femmes sont répandus dans les parlements partout en Europe. Ainsi, 85% des femmes parlementaires ou travaillant au sein d’un parlement ayant participé à cette étude ont été victimes d’agressions physiques ou de violences psychologiques dans le cadre de leur fonction. Ce chiffre particulièrement élevé est alarmant et requiert que des actions soient prises rapidement. Comment imaginer un engagement des femmes en politique si ces dernières sont quasi assurées de subir le sexisme ou des violences ?

Avec cette initiative, l’APCE vise donc à mettre en lumière cette réalité que vit la quasi-unanimité des femmes – élues ou travaillant – dans nos parlements. Elle rappelle également aux femmes et aux hommes politiques leur responsabilité à faire passer clairement ce message : les comportements sexistes, le harcèlement et la violence sexuelle sont totalement inacceptables dans nos parlements – comme partout dans nos sociétés – et doivent être combattus sans exception. Cette étude propose également des solutions concrètes pour remédier à ces situations de sexisme et de violence. Elle débouche sur plusieurs recommandations, notamment celle de mettre en place des mécanismes confidentiels de dépôt de plainte et d’enquête, ainsi que d’imposer des sanctions disciplinaires aux auteurs de tels actes. Ce travail que mène aujourd’hui l’APCE, aux côtés de l’UIP, doit trouver un écho positif dans tous les parlements européens et nécessite d’être repris partout où cela est nécessaire. Ce n’est qu’à cette unique condition que nous pourrons créer des lieux de travails égalitaires et sûrs pour toutes et tous, ce qui, j’en suis persuadée, permettra d’augmenter le nombre de femmes en politique !

Enfin, ce message de tolérance zéro peut également être repris dans d’autres milieux professionnels où chacune et chacun peut le décliner à l’infini, jusqu’à ce qu’il n’ait plus lieu d’être : #PasDansMaVille, #PasDansMonUniversité, #PasDansMonEquipe, etc. !

NON à une initiative trompeuse et dangereuse

L’initiative dite « pour l’autodétermination » est à la fois trompeuse et dangereuse. Trompeuse, parce que les prétendus «juges étrangers» de la Cour européenne des droits de l’homme qu’elle a dans son viseur ne sont pas externes à la Suisse: notre pays fait partie du Conseil de l’Europe depuis cinquante-cinq ans, dispose à ce titre d’une juge à la Cour strasbourgeoise et a adhéré librement à la Convention européenne des droits de l’homme. En cas d’acceptation de l’initiative, les juges suisses ne pourraient en revanche plus juger chaque cas de manière pondérée et réfléchie : elles et ils seraient contraint·e·s de faire primer le droit suisse, même si celui-ci entrait en contradiction avec une convention que notre pays a pourtant ratifiée.

La tactique de l’UDC consistant à changer sans cesse le qualificatif de son initiative – qu’elle nomme aujourd’hui « pour la démocratie directe » – a pour but de camoufler ce qu’elle vise réellement : à savoir, isoler la Suisse et la forcer à dénoncer des textes fondamentaux pour la protection de ses citoyen·ne·s, tels que la Convention européenne des droits de l’homme. Contrairement à ce qu’affirme l’UDC, notre démocratie semi-directe fonctionne et n’est pas en danger : les objets soumis au peuple sont variés et nombreux. La viabilité de ce système exige par contre une information politique qui soit claire, transparente et correcte. La rhétorique de l’UDC, qui vise à induire le peuple en erreur, est au contraire nuisible à notre démocratie !

Surtout, cette initiative est dangereuse parce qu’en attaquant le Conseil de l’Europe, ses instruments de base et le droit international, elle s’attaque en fait aux droits humains des habitant·e·s de la Suisse. Plusieurs arrêts rendus par la Cour à l’encontre de notre pays ont en effet permis de renforcer ces droits. Par exemple, celui qui a donné à des proches de victimes de l’amiante le droit à un procès équitable et a conduit la Suisse à allonger les délais de prescription. C’est aussi cette Cour qui, plusieurs années auparavant, avait permis de mettre la pression sur la Suisse pour qu’elle accorde enfin le droit de vote aux femmes.

Pour toutes ces raisons, le 25 novembre prochain, rejetons cette initiative qui, bien plus qu’à s’«autodéterminer», reviendrait, pour la Suisse, à s’«auto-miner»!

Conseil des États : une de partie, dix de retrouvées ?

Il y a 23 ans, j’ai eu l’honneur d’être élue conseillère nationale sur la liste femmes du Parti socialiste genevois. Une liste qui, comme son nom l’indique, avait été créée pour favoriser l’élection de femmes, nettement sous-représentées au parlement fédéral. Las, cette question reste aujourd’hui d’actualité et nécessite l’engagement de tous les partis.

Oui, une certaine inquiétude règne quant au nombre de femmes qui seront élues en 2019 sur les listes de gauche, notamment au Conseil des États. Mais la responsabilité d’une meilleure représentation des femmes en politique n’incombe pas uniquement aux partis de gauche. Pour rappel, seules deux femmes PDC occupent actuellement un siège de sénatrice, et une seule PLR  – qui pourrait être prochainement élue au Conseil fédéral et céder son siège à un homme… –. Les quatre conseillères aux États socialistes sont ainsi plus nombreuses que leurs homologues bourgeoises, alors que le groupe socialiste ne représente qu’un quart de la chambre des cantons ! Quant au Conseil national, les groupes socialistes et verts y comptent plus de 58% de femmes, contre quelque 21% pour les groupes PLR et UDC.

Sans un engagement fort des partis de droite pour renforcer la représentation des femmes en politique, la situation ne s’améliorera guère. Le PLR et l’UDC ont encore prouvé récemment que pour eux, l’égalité entre femmes et hommes ne mérite pas débat, en refusant d’entrer en matière sur la question de l’égalité salariale. Malgré quelques voix divergentes au sein de ces deux formations, un immense travail reste à réaliser. L’élection de deux membres du Conseil fédéral sera l’occasion pour les partis de droite de démontrer qu’une présence accrue des femmes en politique et aux positions dirigeantes n’est pas qu’une simple promesse. Il est temps de passer des paroles aux actes !

Mon départ du Conseil des États en 2019 ne signe pas la fin de mon combat pour une véritable égalité. Je poursuivrai mon engagement au sein de mon parti, afin de favoriser les candidatures féminines à tous les échelons politiques. Le Parti socialiste a été précurseur en ce domaine et continue à se battre pour une représentation égalitaire – cause qui peut d’ailleurs être portée aussi bien par des femmes que par des hommes -. Mais le PS ne peut mener ce combat seul. Tous les partis doivent entendre la population, qui exige de réelles mesures pour appliquer la Loi sur l’égalité ! Une loi votée en 1995… l’année de mon entrée au parlement.

Un peu de Suisse à Strasbourg… et réciproquement

Le 25 juin, j’ai eu l’immense honneur d’être élue à la présidence de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Un honneur mais aussi un défi, dans un contexte particulièrement délicat de séisme institutionnel.

Je pense bien sûr aux allégations de corruption qui ont touché, insidieusement, un organe pourtant chargé de promouvoir la démocratie (lire à ce propos mon article dans Le Temps du 8 mai 2018). L’Assemblée a depuis adopté une véritable stratégie de lutte contre ce fléau. Sous ma présidence, elle poursuivra la reconquête de son honneur et sa mue vers une transparence totale.

Si ce séisme permet au final de construire des fondations plus saines pour l’Assemblée elle-même et pour d’autres institutions nationales ou internationales, alors celui-ci n’aura pas été vain. Mieux, il aura contribué à renforcer les valeurs du Conseil de l’Europe, lesquelles ne sont pas à vendre, pas plus que le Conseil de l’Europe ne s’achète par le biais de cadeaux ou d’autres promesses indues.

Ces valeurs ont plus que jamais besoin d’être promues, portées, vécues, sur le continent européen et au-delà. Car les vents contraires ne soufflent pas qu’à l’interne de cette institution. La montée des extrémismes, des violences et de la répression, dans un contexte migratoire et sécuritaire très tendu, requiert que nous réaffirmions haut et fort la primauté des droits humains, de la démocratie et de l’État de droit.

Il s’agira aussi de résister aux coups de boutoir souverainistes portés par certains États membres du Conseil de l’Europe, notamment contre la Convention Européenne des Droits de l’Homme. La Suisse elle-même devra voter prochainement sur l’initiative visant à consacrer la primauté du droit constitutionnel national sur le droit international, avec le risque d’affaiblir la protection des droits fondamentaux de ses citoyen·ne·s.

Ma présidence sera celle d’une Suissesse, imprégnée de dialogue et de recherche de solutions constructives. Et, de même que j’apporterai un peu de Suisse à Strasbourg, j’amènerai un peu de Strasbourg en Suisse. J’espère y faire mieux rayonner le Conseil de l’Europe, souvent méconnu, et renforcer les liens qui unissent historiquement, culturellement, profondément notre pays à cette institution. La Suisse n’est-elle pas, après tout, le berceau des Conventions de Genève, de la Croix-Rouge et du Conseil des droits de l’homme ?

Ma présidence sera aussi celle d’une femme, pour la quatrième fois seulement à l’Assemblée. C’est avec la conviction qu’une véritable démocratie ne peut oublier la moitié de l’humanité et que les femmes doivent être dignement représentées, y compris dans les hautes fonctions, que je ferai de la promotion de l’égalité l’une de mes priorités.

Je me réjouis de ce mandat aussi exigeant que passionnant au sein d’un Parlement qui réunit des représentant·e·s de 47 pays du continent européen, autour de valeurs si proches et si cruciales. Le terme d’ « assemblée » prend ici tout son sens : c’est, plus qu’une réunion, une union, riche de ses pluralités, autour de l’Europe que nous aspirons à construire ensemble. Une Europe unie, où le respect de la dignité humaine est le pilier de la société.

Future loi sur le tabac: un écran de fumée

Réchauffée, mais plus tiède qu’avant: c’est ainsi que l’on peut qualifier la nouvelle mouture de la loi fédérale sur les produits du tabac (LPTab). La consultation sur ce qui est encore un avant-projet s’est achevée fin mars. Pour rappel, une première mouture – déjà plutôt tiède, pourtant – avait été renvoyée au Conseil fédéral, en 2016, par les chambres fédérales. La majorité du parlement voulait en effet réduire les interdictions de publicité pour les produits du tabac et se contenter d’en interdire la vente aux mineur·e·s.

Mais prétendre qu’une telle interdiction de vente suffira à protéger les jeunes du tabagisme, c’est comme fermer la porte d’une maison qui brûle en espérant arrêter l’incendie: ce sera aussi peu efficace! Car tant que sera attisé le désir des jeunes à l’égard du tabac – par le biais de publicités dans la presse payante, au cinéma et sur affiches, par le truchement de rabais alléchants et de sympathiques hôtesses, par la voie du sponsoring de grandes manifestations par l’industrie du tabac -, le sinistre du tabagisme ne sera pas maîtrisé. Autant de moyens publicitaires qui restent autorisés dans le nouvel avant-projet de loi…

Or, il y a bel et bien le feu: les dégâts du tabagisme constituent une urgence et leur prévention, un intérêt prépondérant de santé publique. Chaque année en Suisse, 9’500 personnes décèdent des suites de la consommation de tabac. Ces décès, qui représentent 15% de l’ensemble des morts, sont dus à des maladies cardiovasculaires (39%), des cancers (42%) ou des maladies respiratoires (19%). Ce qui signifie qu’un grand nombre de personnes vivent avec une maladie chronique causée par le tabac. Les coûts humains sont énormes, les coûts économiques aussi. Le tabagisme coûte à la société suisse quelque 10 milliards de francs par an, sous forme de perte de qualité de vie et de coûts de la santé.

Sachant que plus de la moitié des fumeurs et des fumeuses commencent avant 18 ans, les fabricants ont tout intérêt à parler aux jeunes et faire en sorte qu’ils passent directement de la sucette à la cigarette. C’est pourquoi la LPTab, sous l’influence d’un parlement inféodé à l’industrie du tabac, n’est plus qu’un écran de fumée qui, prétendant protéger la jeunesse, perpétue les moyens de la détruire. Autres objectifs partis en fumée : ceux de réduire la consommation globale, de lutter contre les maladies non transmissibles et de contribuer à la maîtrise des coûts de la santé.

Avec cette nouvelle mouture de la loi, la Suisse ne peut plus espérer ratifier la convention de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), qu’elle a signée… en 2004. La Suisse qui est tout de même l’État-hôte de l’OMS ! En réponse à mon interpellation à ce sujet, le Conseil fédéral déclarait que l’élaboration du message sur cette ratification faisait partie des objets du programme de la législature 2011-2015 devant aider à combattre l’augmentation des coûts de la santé. C’était en 2013…

Il est plus que temps de doter la Suisse d’un dispositif crédible de contrôle des produits du tabac et de mesures efficaces de protection et de prévention! Des mesures qui, avec la LPTab, risquent de faire long feu. C’est plutôt de l’initiative populaire lancée par le monde de la prévention et demandant l’interdiction de toute forme de publicité adressée aux jeunes – une interdiction qui a largement fait ses preuves – que viendra, espérons-le, l’étincelle salvatrice!