Par ici le programme !

Les programmes politiques sont-ils devenus ringards ? J’appartiens à une vieille formation politique, le Parti socialiste, qui a pour habitude d’accoucher de longs programmes. Notre programme 2017 pour les élections vaudoises s’est étalé sur une consultation interne de neuf mois. Sa version finale comporte 105 mesures et couvre la plupart des thématiques.

« Tout dire avant pour tout faire après »

Afficher ses priorités, s’engager auprès de l’électorat : cette transparence permet aux électeurs d’exercer leur pouvoir de contrôle. Le mandat électif est un contrat de durée déterminée qui engage un élu auprès des électeurs qui lui ont accordé leur confiance. Portée à son paroxysme, cette transparence atteint ses limites. Au moment de la primaire des Républicains, Nicolas Sarkozy avait promis : « Tout dire avant pour tout faire après ». Naturellement cette promesse n’engageait que ceux qui y croyaient. De nouveaux enjeux émergent année après année et il est évidemment impossible de présenter une solution clé en mains, avant d’avoir identifié le problème.

Vision

 Dans le canton de Vaud, le ticket UDC-Vert libéral pour le second tour au Conseil d’Etat, fait ouvertement campagne sans programme, se contentant d’énumérer quelques priorités. Isabelle Chevalley, Verte libérale a attaqué la candidate socialiste Cesla Amarelle, au motif qu’elle savait qu’elle ne pourrait mettre en œuvre l’ensemble du programme commun avec sa colistière Verte Béatrice Métraux. L’adoption d’un programme ne signifie évidemment pas qu’en cas de victoire, il pourra être mis en œuvre sans réserve, à fortiori dans un gouvernement collégial avec un parlement d’une autre sensibilité politique. En lieu et place de programme, le candidat UDC Jacques Nicolet véhicule « une vision » pour le canton. Pour caricaturer ses adversaires, l’ancien chancelier allemand Willy Brandt avait eu cette phrase « quand j’ai une vision, je vais chez le médecin ». Si une vision est nécessaire pour se projeter vers un horizon moins immédiat, elle ne saurait se substituer à un programme.

Stratégie d’évitement

L’absence de programme ne se limite pas à notre coin de pays. En France, Emmanuel Macron a retardé le plus longtemps possible la communication de son programme pour finalement lui préférer un projet. Cette stratégie délibérée a entretenu le mystère autour de ses priorités, tout en lui épargnant des critiques. Au final, son projet est étonnement resté vague sur bien des sujets, à commencer par l’environnement, qui constitue pourtant l’un des enjeux majeurs des années à venir. Pour l’électorat qui place sa confiance dans des candidats au nom de visions éthérées, la désillusion ou la confusion pourraient s’avérer plus grandes encore. Si la mission première du politique consiste à adopter des mesures susceptibles d’améliorer la vie des gens, en démocratie, la communication d’un programme reste encore la façon la plus transparente de faire campagne.

Jean Tschopp

Juriste de formation, Jean Tschopp est l’auteur d’un livre sur l’accès aux ressources et aux matières premières (Statut et droits collectifs des peuples autochtones, Stämpfli, 2013). Titulaire d’un doctorat en droit international de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), il est depuis 2012, député socialiste au Grand conseil vaudois et vice-président de Groupe depuis 2016. Parallèlement, Jean Tschopp exerce comme responsable conseil (service juridique) à la Fédération romande des consommateurs (FRC)