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Reconversion vers les métiers de la transition écologique

Durant ces vingt prochaines années, nos approches professionnelles devront se modifier en profondeur. La transition écologique ne se limite pas à des incitations à des comportements respectueux de l’environnement ou à des investissements dans les énergies renouvelables aussi indispensables soient-ils. Pour relever le défi de réduction de 50% de nos émissions de CO2 d’ici 2030 (par rapport au niveau de 1990) et de neutralité carbone en 2050 qui engage notre pays aux termes de l’Accord de Paris, il faut pouvoir repenser notre rapport au travail dans tous les secteurs d’activité sans exception.

Transition ou transformation?

Le mot « transition » n’est d’ailleurs pas le plus approprié. L’atteinte de la neutralité carbone n’a rien d’automatique. Elle ne se décrète pas. Dans son dernier rapport de 2018 sur l’environnement, le Conseil fédéral indique qu’en Suisse l’empreinte moyenne de gaz à effet de serre/personne est 23 fois supérieure à ce que les limites planétaires peuvent supporter. Un défi sans précédent s’impose à nous. Nous parlons d’une transformation écologique. L’ampleur des efforts nécessaires peut être vertigineux. Parmi les plus jeunes en particulier, mais pas seulement, un phénomène social d’eco-anxieté s’observe. Il faut en faire quelque chose. Plusieurs démarches existent pour repenser son orientation professionnelle, on peut citer notamment « Slow ta carrière » proposant des ateliers pour donner du sens et trouver sa voie professionnelle dans les limites planétaires. À la prise de conscience doit succéder une mise en mouvement. Nous sommes toutes et tous des acteurs du changement et nous ne sommes pas seuls.

Quels sont les métiers de la transition écologique ?

Une vision romantique et réductrice véhiculée par certains peut donner le sentiment que nous devrions tous retourner vers les métiers de la terre. Premièrement, nous n’avons pas tous des prédispositions ou affinités pour travailler à la ferme. Deuxièmement, ne serait-ce que pour préserver nos ressources, il n’y a aucune raison objective à tous nous reconvertir dans l’élevage ou l’agriculture.

En réalité, les secteurs professionnels favorables à la reconversion écologique sont innombrables: énergies renouvelables, agriculture de conservation, foresterie, régénération des sols, assainissement énergétique des bâtiments, transports publics et mobilité douce, accompagnement et conseil, formation, information et médias, finance durable, légal et institutionnel, recherche et séquestration de CO2, revalorisation des déchets, recyclage. Et cette énumération ne prétend pas à l’exhaustivité. Plus que des métiers en tant que tels, il y a des approches professionnelles à repenser en terme de durabilité et d’économie circulaire (voir le livre de Sophie Swaton de 2020 « Le revenu de transition écologique: mode d’emploi »). Dans un contexte où le secteur du bâtiment en raison d’isolations déficientes génère 26% des émissions internes de CO2, les ouvriers du bâtiment ont un rôle de premier plan à jouer dans la nécessaire transformation écologique. Peinant à recruter, la filière du bâtiment doit offrir de meilleures conditions de travail pour rendre ces métiers plus attractifs et pour faciliter les évolutions de carrière. Notre imaginaire aussi doit évoluer pour voir les ouvriers du bâtiment occupés à poser de nouvelles couches d’isolation comme des acteurs incontournables du combat contre le dérèglement climatique. Plus largement, la construction doit évoluer vers des matériaux moins dépendants du béton, vers des matériaux recyclés moins polluants ou vers le bois, comme le demande dans le canton de Vaud l’initiative populaire « Sauvons le Mormont ».

Comment y parvenir?

Comment accélérer cette reconversion? L’urgence climatique empêche de cibler l’effort de la nécessaire transition exclusivement sur les générations qui entrent sur le marché du travail. Quantité d’employés ne demandent qu’à se réorienter vers un métier plus durable. Seulement quand on a une famille à charge, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Des bourses sont nécessaires sous conditions de ressources pour les personnes qui n’ont pas les moyens de se lancer dans une nouvelle formation vers un métier durable. En un mot: nous avons besoin d’une écologie sociale. C’est la demande que j’ai faite dans une motion du 01.06.2021 portée par le Groupe socialiste au Grand Conseil vaudois: une motion soutenue par la gauche et le centre, mais combattue par un Parlement à majorité de droite. Au vote, le 30.11.2021, il a manqué trois voix à cette motion pour passer la rampe. Ce n’est pas la fin de l’histoire et nous reviendrions à la charge. Mais par-delà les déclarations d’intention et les postures électoralistes (les élections dans le canton de Vaud ont lieu le 20.03.2022), les crispations des partis bourgeois font encore trop souvent échec à la nécessaire transition écologique. Nous devons emmener tout le monde sur la voie de la transition écologique. Elle ne doit pas être le privilège de quelques-uns, sinon nous échouerons.

La transition écologique n’a rien d’évident. Cette nécessaire transformation s’incarne dans des trajectoires professionnelles de femmes et hommes déterminés à être des acteurs du changement. Nous avons à soutenir cette dynamique sans réserve par tous les moyens possibles. Le temps presse. Attendre nous coûtera trop cher. Ne tardons pas.

Jean Tschopp

Juriste de formation, Jean Tschopp est l’auteur d’un livre sur l’accès aux ressources et aux matières premières (Statut et droits collectifs des peuples autochtones, Stämpfli, 2013). Titulaire d’un doctorat en droit international de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), il est depuis 2012, député socialiste au Grand conseil vaudois et vice-président de Groupe depuis 2016. Parallèlement, Jean Tschopp exerce comme responsable conseil (service juridique) à la Fédération romande des consommateurs (FRC)