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Soigner les conditions de travail pour recruter et fidéliser le personnel

2%. C’est le taux de chômage actuel en Suisse. Il varie d’un canton à l’autre (un peu plus de 3% dans le canton de Vaud). Ce faible pourcentage n’enlève rien aux difficultés auxquelles se heurtent les chômeuses et chômeurs de plus de 50 ans pour trouver du travail ou de jeunes diplômés pour entrer sur le marché de l’emploi. Reste que ce taux de chômage a rarement atteint un niveau aussi bas et qu’il nous est envié par la plupart des autres pays.

Difficultés de recrutement

Par ailleurs, selon une enquête conjoncturelle de ce printemps 2023 publiée par la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI), les difficultés de recrutement sont un problème pour plus d’une entreprise sur deux (contre 29% en 2021).

Volatilité

À ces facteurs conjoncturels s’ajoutent un changement de mentalité. Le maintien au sein de la même entreprise durant 10, 15 ou 20 ans se fait rare. Au fil de 40 ou 45 ans de carrière, il devient usuel de changer 7 ou 8 fois d’entreprise. Il est peu probable que cette tendance s’inverse.

L’importance de bonnes conditions de travail

Dans ce contexte, les comparaisons se multiplient. Évidemment, le salaire a son importance. Sans doute plus encore en période de renchérissement où tout augmente: primes d’assurance maladie, électricité, charges locatives, alimentation, prix des abonnements de transports ou des opérateurs, etc. En période d’inflation, un salaire qui n’est pas indexé est un salaire qui diminue. Le salaire a d’abord pour fonction de mener une existence correcte. Il est aussi un marqueur de reconnaissance pour le travail accompli.

Temps partiel

Face à la nécessité de compter sur deux salaires pour entretenir une famille, la question de la conciliation entre activité professionnelle et vie privée devient incontournable. Le manque considérable de places en garderie (dans le canton de Vaud par exemple, le taux de couverture en accueil de jour n’est que de 23% avec des délais d’attente allant jusqu’à deux ans) implique le recours au temps partiel pour quantité de parents. D’autres choisissent de réduire leur taux d’activité pour passer plus de temps avec leurs enfants ou pour leurs activités de loisirs ou leurs engagements. La plupart des personnes ne vivent pas pour travailler, mais travaillent pour vivre. Le coût humain, social et financier des maladies et accidents professionnels (estimés entre 5 et 14 milliards/an pour la Suisse en se limitant aux coûts directs) nous conduit à accorder au travail une fonction moins exclusive. Le travail est un facteur de réalisation. Il en existe d’autres. Et ce choix du temps partiel, celui de passer un peu plus de temps pour voir grandir ses enfants par exemple, doit aussi être défendu. L’Etat ne saurait s’immiscer dans ces choix, malgré les tentatives de priver de subsides aux primes d’assurance maladie les personnes travaillant à temps partiel (voir notamment la motion du 02.05.2023 du Conseiller national Philippe Nantermod « Réduction des primes d’assurance maladie. Le travail doit payer »).

Temps de travail et temps de récupération

Tout employeur ouvert au temps partiel se démarquera. Les vacances ont leur importance aussi. Face à des activités professionnelles intenses au rythme soutenu, le minimum légal de quatre semaines de vacances annuel est trop faible pour se ressourcer, reprendre des forces, gérer la garde des enfants durant les nombreuses semaines de vacances scolaires. Le temps de travail aussi est scruté par les personnes en recherche d’emploi. La récupération des heures supplémentaires, hors fonction dirigeante élevée, est un droit de la loi sur le travail qui n’est pas toujours respecté. Est-ce que mon temps de loisir est protégé? Dois-je m’attendre à répondre à mon employeur pendant mes vacances? Le droit à la connexion aussi mérite d’être protégé.

Les travailleuses et travailleurs ont le choix et des aspirations. Dans un contexte de forte concurrence, l’employeur qui investit dans de bonnes conditions de travail mettra de meilleures chances de son côté pour engager du personnel compétent et le conserver.

Jean Tschopp

Juriste de formation, Jean Tschopp est l’auteur d’un livre sur l’accès aux ressources et aux matières premières (Statut et droits collectifs des peuples autochtones, Stämpfli, 2013). Titulaire d’un doctorat en droit international de l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), il est depuis 2012, député socialiste au Grand conseil vaudois et vice-président de Groupe depuis 2016. Parallèlement, Jean Tschopp exerce comme responsable conseil (service juridique) à la Fédération romande des consommateurs (FRC)

3 réponses à “Soigner les conditions de travail pour recruter et fidéliser le personnel

  1. Changer sept ou huit fois d’entreprise? Est-ce si nouveau? Dans certaines professions, en particulier celles liées à la connaissance – journalisme, enseignement et recherche, par exemple -, il n’est pas rare de changer plus de vingt fois d’employeur dans une vie professionnelle. Dans ces métiers, ce n’est pas la stabilité, ni la pérennité du poste qui sont les critères déterminants, mais l’expérience acquise. On peut en effet fort bien sortir de fonction comme on y est entré: sans avoir rien appris. Le rond-de-cuir courtelinesque n’a-t-il pas la vie dure?

    Et que dire de tous les postes qui, si ceux qui les occupent n’existaient pas, n’auraient jamais eu besoin d’être créés?

    Ce qui laisse songeur, n’est-ce pas le fait que si autrefois changer de place réputée “fixe et stable” était considéré comme une sorte de maladie honteuse, aujourd’hui la mobilité est devenue la norme? Au point que les réfractaires au changement sont désormais les nouveaux pestiférés.

    Mais qu’est-ce qu’un poste “fixe et stable”? On peut être à la fois très mobile et constant dans la poursuite de ses objectifs. A l’inverse, on peut rester accroché à son poste comme un naufragé à sa bouée ou taper sur le même clou pendant toute une vie – par manque d’esprit d’initiative. On peut aussi s’appuyer sur les médiocres pour mieux éviter de se faire évincer par les esprits novateurs et finir par s’élever un peu à force d’avoir beaucoup rampé. De ceux-là on peut dire avec le poète:

    “Ils sont arrivés, oui, mais dans quel état!”
    – Jean Villard Gilles

  2. C’est dommage que les politiques persistent en disant que le taux de chômage est de 2 ou de 3% alors qu’il s’agit du taux des chômeurs qui encaissent encore des indemnités. Selon les chiffres du BIT il serait plus exact dans votre BLOG de vous référer à 4% et 6% au lieu des 2 et 3%. Bientôt le remplacement du personnel suisse par du personnel étranger et frontalier va prendre fin, quand les taux de couverture des caisses de pension tomberont grâce à la baisse des bourses, en dessous de 90%. Car les entreprises resteront obligées de donner les 100% du capital à chaque employé congédié. Si les performances des caisses en 2023 ressembleront à celles de 2022, les remplacements des anciens employés par des nouveaux deviendront rares. Voir mon article à ce sujet dans la TdG

    1. Le taux réel est effectivement plus élevé, vous avez raison, bien que faute d’indicateur, nous ne puissions malheureusement appliquer les recommandations du Bureau International du Travail et le mesurer précisément. S’agissant du taux de chômage de 2% ou 3%, il comprend toutes les personnes inscrites dans des Offices régionaux de placement qu’il s’agisse de personnes qui perçoivent des indemnités du chômage ou n’en touchent pas, selon la définition du Secrétariat d’Etat à l’économie: https://www.seco.admin.ch/seco/fr/home/wirtschaftslage—wirtschaftspolitik/Wirtschaftslage/Arbeitslosenzahlen.html

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