Le devoir de désobéissance civile

 

 

Quelques jeunes gens s’en sont pris au Crédit Suisse pour promouvoir la cause de protection du climat. Relaxés puis condamnés en Vaud, puis relaxés à Genève, leur tribulation témoigne de la perplexité du pouvoir judiciaire. Les magistrats se souviennent du mythe d’Antigone, à l’origine de la littérature occidentale dans la tragédie de Sophocle. Antigone viole la loi de Thèbes en se référant à une loi non-écrite d’origine divine et elle est exécutée. C’est le débat fondamental entre la légalité et la légitimité qui inspire toute la réflexion de l’Occident. Il a été illustré par des figures historiques comme Socrate, Jésus de Nazareth, Jeanne d’Arc, Giordano Bruno, Galilée, Gandhi, Martin Luther King, Nelson Mandela, Andrei Sakharov, Alexandre Soljenitsyne, Julian Assange. Tous ont payé leur désobéissance de leur vie ou de leur liberté.

 

« La désobéissance civile est le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé inique par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique. » Il existe non seulement un droit, mais aussi un devoir de désobéissance civile quand un Etat prescrit aux citoyens des obligations contraires aux Droits de l’homme.

 

Ainsi lors de l’occupation nazie, les fonctionnaires de l’Etat français avaient-ils le droit -et aujourd’hui nous estimons le devoir- de ne pas appliquer les lois antisémites promulguées par Vichy, dès le 3 octobre 1940, avant toute intervention de l’occupant. Après la libération certains qui n’avaient qu’obéi à leurs supérieurs ont été sanctionnés, tandis que certains, qui avaient désobéi, ont été approuvés, à commencer par Charles de Gaulle. En Suisse, Paul Grüninger, commandant de la police du canton de St-Gall,  s’est engagé personnellement pour sauver des centaines de réfugiés juifs du renvoi en Autriche. Cette action lui a valu d’être élevé par Israël au rang de Juste parmi les nations. Démis de ses fonctions par le canton et condamné en 1940, il n’a été réhabilité pleinement qu’en 1996, bien après sa mort.

Existe-t-il un devoir analogue au sein d’une Eglise en matière de morale ou de doctrine ?  Les 95 thèses de Luther furent le prototype d’une résistance spirituelle à ce qui était une pratique de simonie, la vente d’indulgences pour financer la construction de la basilique Saint-Pierre. Il en résulta un schisme, explicable par l’intrication des pouvoirs temporel et spirituel selon la règle cujus regio ejus religio.

L’actualité en donne une autre illustration, à la jonction du civil et du religieux, comme il convient dans cette tension éternelle entre deux droits. Le pape François vient de se prononcer pour une union civile entre les couples homosexuels, afin que ceux-ci bénéficient de la protection légale accordée à tous les couples dans divers domaines. Simultanément le Conseil national accepte à une majorité écrasante le projet de mariage pour tous et le droit pour les couples lesbiens au don de sperme, c’est-à-dire un droit à l’enfant. La seule nuance qui subsiste est au niveau du vocabulaire. Le pape utilise soigneusement le terme d’union civile pour éviter le mot mariage. Mais on en est au niveau de la terminologie, qui n’intéresse que des théoriciens déconnectés de la réalité vécue.

On revient de très loin et on n’en revient pas partout. Il reste 72 Etats au monde, c’est-à-dire la majorité, dans lesquels l’homosexualité est encore punie, jusqu’à la peine de mort ou la prison à perpétuité. L’homosexualité a été considérée comme un trouble mental jusqu’en 1990 par l’OMS. Le Catéchisme de l’Eglise catholique de 1992 stipulait que « les personnes homosexuelles sont appelées à la chasteté » car « les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnes »

De même, la Manif pour tous du 13 janvier 2013 rassembla pourtant à Paris près d’un demi-million de personnes, concordant avec la condamnation de la loi autorisant le mariage entre homosexuels par les cardinaux Vingt-Trois et Barbarin. Il faut noter qu’à l’époque – il y a à peine sept ans- toutes les confessions abondèrent dans le même sens : catholique, protestante, évangélique, juive, musulmane. Une sorte d’unanimité œcuménique avait promu l’homophobie au rang d’impératif de la foi religieuse, alors qu’aujourd’hui les lois civiles la considèrent comme un délit. Le livre Sodoma de Frédéric Martel a démontré, au terme d’une enquête sur le terrain, que la Cité du Vatican comporte de nombreux prélats au niveau le plus élevés qui pratiquent l’homosexualité, tout en s’en dissimulant par la multiplication de propos homophobes.

Aujourd’hui, on aboutit à la situation paradoxale où le pape lui-même entre en résistance spirituelle à l’égard des décrets de ses prédécesseurs et en opposition frontale à son entourage. Il rejoint la société civile qui a développé des positions analogues aux siennes au sujet de l’homosexualité, de la peine de mort et du divorce. D’une certaine façon, le christianisme en tant qu’inspiration culturelle a débordé les frontières de l’institution ecclésiale, représentée par les clercs. Plutôt que de se lamenter rituellement sur une prétendue déchristianisation de l’Europe, on devrait comprendre que l’Evangile inspire désormais la société civile, en avance sur les Eglises.

Il reste que la désobéissance civile, d’inspiration religieuse ou philosophique, est une arme à brandir avec discernement. Il existe par exemple un mouvement anti masque en opposition avec les lois tentant d’enrayer l’épidémie. Cette défense très particulière de la liberté se heurte au principe général selon lequel celle de chacun s’arrête là où commence la liberté d’autrui, celle de continuer à vivre. Il y a donc matière à pesée d’intérêt. On ne voit pas qui d’autre que l’ordre judiciaire pour l’exercer. Encore les magistrats ne feront-ils rien d’autre que de se conformer à l’opinion publique, qui est en Suisse le véritable souverain.

PS. Mon dernier roman vient de sortir “La carrière de craie”, Editions l’Harmattan. Se commande dans les bonnes librairies.

 

 

 

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

61 réponses à “Le devoir de désobéissance civile

  1. Dans un contexte démocratique comme le nôtre, la désobéissance civile n’a pas sa place sauf pour faire connaître un mouvement. La politique, les votations sont des outils démocratiques suffisant. La désobéissance civile comme mouvement politique pour s’imposer à une majorité, ce n’est pas de la démocratie.
    L’environnement (guerre, dictature, …) légitime ou pas la désobéissance civile.

    Dans les cas de nos juges, il s’agit moins de justice que de convictions politiques, ou d’empathie avec une jeunesse. Finalement, à la Ponce Pilate, ils laissent au TF le soin de trancher.

    Si les juges au TF n’ont pas la capacité de trancher sur une question avec une majorité nette, c’est qu’il s’agit d’opinion et non de justice. L’opinion des quelques juges, ne doit pas diriger le pays. L’opinion étant une réflexion personnelle, politisée ou pas, c’est donc au citoyen qu’il en revient de décider, à minima, au CF, aux chambres. Ce retour au politique d’une question qui divise chez les juges, devrait être automatique.

    Je suis d’accord avec votre conclusion. La désobéissance civile est basée sur une opinion, cette opinion peut être légitime ou pas, mais ce n’est pas à une opinion personnelle de faire la loi. La légitimité de la désobéissance civile est fragile.

    1. Vous dites n importe quoi. Les Droits de l’ Homme prévalent sur votre conception de la démocratie et la désobéissance civile est l’arme justifiée pour les protéger. Bien que Le TF et le CF, les malmènent et les ignorent régulièrement, ce n’est pas signe de souveraineté, mais de faiblesse éthique.

  2. Est-ce qu’un juge UDC peut statuer sur une demande d’asile ?

    Est-ce qu’un juge Vert peut statuer sur un délit de désobéissance civile climatique ?

    Après le désordre de l’affaire Donzallaz par l’UDC, je rêverais de savoir ce que les Verts ont dit à la présidente verte de la Cour d’appel pénal de Genève et au président Vert de la Cour pénal du TF !

    A votre avis, est-il possible qu’un parti comme les Verts s’immisce sur des décisions judiciaires… comme l’UDC l’a fait ?

    1. La séparation des pouvoirs est un des fondement de la démocratie. La Suisse est tellement sûre de ses institutions qu’elle élit les juges fédéraux en fonction de leur appartenance politique, ce qui est contradictoire et incohérent. Néanmoins cela ne donne pas lieu aux mêmes conflits publics que ce qui vient de se passer aux Etats-Unis à la Cour suprême. Je parlerais volontiers d’une résilience des institutions suisses : même abusées et en danger, elles résistent.

      1. Elles résistent???
        La cour d’appel vaudoise donne un verdict 100 % différent que celle genevoise. La différence: la composition politique de la cour? Ou le degré de résistance aux pressions extérieures ?? Ou la compétence juridique des magistrats ?

        Vous trouvez normal que des juges soient convoqués le mercredi 4 novembre par la Commission des affaires juridiques pour leur donner l’ordre de se taire pendant le débat sur l’instauration d’une commission d’experts pour juger de la compétence des candidats juges ??

        Vous trouvez normal qu’une juge verte puisse être élue au tf à 27 ans, puis qu’elle participe à seulement deux arrêts dans l’année qui suit son élection, alors que le tf est surchargé de manière endémique ??

        Moi, avocate, je ne trouve pas ça normal ! Nos clients en souffrent.

        1. Je ne trouve pas cela normal non plus. La résilience est la capacité d’une institution à ne pas s’effondrer lorsqu’elle est soumis à des pressions. Cela ne veut pas dire que ces pressions ne seront pas suivies d’effets ponctuels.

        2. Mais à Genève et dans le canton de Vaud les faits ne sont pas les mêmes. La représentation de la réalité par l’auteur genevois, qui lui a profité conformément à l’article 13 CP, n’est pas nécessairement celle des auteurs vaudois.

          On ne juge pas des faits mais des hommes pour des faits.

      2. La Cour européenne a dénoncé la justice suisse, dont les juges, non seulement sont élus en fonction de leur parti, mais en outre lui reversent une partie de leur salaire.

        Comme “séparation des pouvoirs”, on peut mieux faire!

        1. Source ?
          Merci d’arrêter vos fakenews. Outre votre penchant à harceler de commentaires machistes les blogueuses féminines du Temps, vous n’avez aucune crédibilité.

          1. Effectivement lors de la collecte de fonds pour une élection il est coutumier de demander de l’argent aux juges de son parti. Je trouve cela tout à fait anormal.

          2. “La Cour européenne a dénoncé”

            C’est quoi alors votre source?
            Vous avez une lecture parcellaire de votre intervention. Je ne suis pas intervenu sur les précédents messages concernant le financement des partis par les juges, mais sur le vôtre qui ajoute que la “Cour européenne” a dénoncé la suisse…

            Faites la transparence avec vos problèmes avec les juges suisses et arrêtez d’ajouter des fakenews dans des débats sérieux.

  3. Toutes ces considérations philosophiques tombent à propos et nous y adhérons.
    Plus concrètement et terre-à-terre : la place de ces jeunes activistes n’est-elle pas aux études et au travail ? Pensent-ils sérieusement que leurs contorsions et gesticulations auront une quelconque influence sur une grande banque, régie par des impératifs de rendement (à l’origine des rentes que vous et moi touchons) ? Ne nous sentons pas obligés d’imiter les comportements de nos voisins et amis.

    1. Je ne suis ni pour ni contre ces manifestations, mais je note qu’elles existent et qu’elles procèdent de ce mythe ancestral de la désobéissance civile remontant à l’Antiquité grecque. Mon dernier paragraphe indique à quel point l’usage doit en être réservé à des situations extrêmes, comme celle que j’évoque sous le régime de Vichy. La veille de la rafle du Vel d’Hiv en 1942, quelques policiers français ont averti les Juifs de fuir leur domicile. Dans ce cas il n’y a pas de doute c’était leur droit et leur devoir. Pour les actions à l’égard du Credit Suisse, on peut hésiter. Ce fut le réflexe des juges.

    2. Ma fois grâce à lui j’ai appris que la place financière suisse, dont le CS, finançait une production de gaz à effet de serre bien supérieure à la production matérielle de tels gaz par la Suisse. Une banque doit gérer un risque important : le risque de réputation.

      Je ne suis pas sûr que l’arrêt genevois soit infondé. Il n’est d’ailleurs pas impossible que les deux arrêts ne soient pas contradictoires, notamment à raion d’une erreur sur la représentation des faits retenus par la Cour genevoise. Je vous rappelle que l’on juge un homme pour des faits et non des faits.

      Il nous reste donc à lire l’arrêt dans son entier, qui est disponible sur internet et gratuitement.

      1. Merci de nous donner les numéros de dossier ou le lien de ces arrêts sur internet. Car à moins de travailler dans ces juridictions (c’est votre cas?), il est très difficile de trouver des arrêts anonymisés sur internet. Je n’ai pas réussi ce matin. Comment vous avez fait ?

        C’est un non-sens juridique de plaider l’erreur sur la représentation des faits. C’est même téméraire… j’aimerais donc vraiment lire cet arrêt genevois, au moins pour rire et bien débuter cette matinée..

        Bravo de défendre votre institution. Mais même sans l’avoir lu, je peux prédire à 103% une réforme par le tf “mémorable”. Dans la vraie vie, après l’arrêt du tf, les juges genevois devraient démissionner ou au moins être sanctionnés. Mais dans le monde judiciaire, ils vont juste recevoir un “bravo de ton courage, mais applique mieux la loi à l’avenir”…

        L’arbitraire est interdit, sauf pour les juges où cela devient un vague grief de recours comme un autre … 🙁

    3. L’auteur innocenté genevois est un honnêtre travailleur et pas un casseur proffessionnel.

      Il nous a rappelé que le CS, qui finance, est au CO2 ce que des richissimes suisses, qui finançaient, étaient à l’esclavage. En soulignant que ovus touchez des rentes de l’activité de financement du CS, vous êtres comme ceux qui rappelent de tout ce que de Pury a fait pour les citoyens ordinaires de sa Ville. Eux ils profitaient de l’esclavage et vous de la production du CO2.

      Et il s’agit de considérations juridiques. Pennez donc connaissance de l’arrêt genevois (gratuit sur internet) et faites en une critique.

      1. “Nous”

        Je le trouve où cet arrêt ??? Visiblement, vous êtes concerné par cet arrêt (“Nous”), mais pas moi. Merci donc de me donner un lien ou une marche à suivre pour le lire. “Gratuit sur internet” ne m’est d’aucune utilité. C’est vaste l’internet et le site du pouvoir judiciaire genevois particulièrement mauvais.

        1. Quelle arrogance et insistance d’inculte, d’oser exiger des références, alors que vous ne lisez même pas celles qu’on vous envoie, ni celles qu’on vous demande¨¨¨¨!

        2. Si vous ne pouvez pas le trouver, c’est sans doute que vous n’allez rien y comprendre. Ne perdez donc pas votre temps et continuer à proclamer votre foi politique.

          1. C’est la réponse type du gars qui réalise qu’il a violé son secret de fonction et veut faire comme si l’arrêt était public… Pour le reste, quelle arrogance pour un fonctionnaire payé par nos impôts.

            @ Wilhem: hein ???

          2. Damien vous m’avez accusé d’avoir commis un délit. C’est pas beau et c’est illégal que de ce faire. En plus, vous m’attribuez une fonction sans rien en savoir après avoir critiqué un arrêt dont vous n’avez pas pris connaissance. D’ailleurs vous causez de tout sans rien savoir.

          3. Mr Neyrinck:
            Vous êtes d’accord? CEDH est un troll qui soit a lu un arrêt qui n’est pas encore rédigé soit est un arracheur de dents… ?

            Vous m’autorisez à ne plus lui répondre ? 🙂

            Pareil pour Olivier W., qui ne veut toujours pas nous dire les motifs de son différend avec les juges suisses. Dis-nous d’où tu viens. Ah, le trotskisme…

          4. Mais non il est rédigé et accessible depuis des jours sur internet. Mais il vous est inutile puisque votre opinion est déjà faite. Il reste donc l’aternative d’arracheur de dent… Est-ce là une injure ?

  4. La décision de la chambre pénale de la Cour de justice de Genève est une décision purement politique. Il ne fait aucun doute qu’elle consacre une violation grossière des règles sur l”état de nécessité.

    Il s’agit là d’une inquiétante dérive puisque la majorité de juges qui ont statué n’ignoraient pas que les conditions de l’état de nécessité n’étaient pas réalisées.

    Demain, des juges d’une autre sensibilité politique acquitteront un prévenu poursuivi d’incitation à la haine au motif que l’immigration ou les requérants d’asile créent un état de nécessité.

    1. Pourquoi une violation grossière des règles de l état de nécessité? Je viens de lire l article de loi et je ne vois pas.

    2. Ah bon ? Peut-être que ce vous dites est exact, mais alors expliquez nous en quoi cet arrêt est juridiquement erronné.

      1. Si je comprends bien ” … que les conditions de l’état de nécessité n’étaient pas réalisées.”. La remarque fait ici référence à l’imminence du réchauffement climatique”? Et de votre avis, il n’y a pas imminence?

        1. Le Tribunal fédéral considère que l’acte incriminé « doit correspondre à un moyen […] à même d’atteindre le but visé » (ATF 129 IV 6, c. 3.3, JdT 2005 IV 215).

          Même en admettant que le réchauffement climatique constitue un danger imminent, les infractions commises, à savoir la violation de domicile et le dommage à la propriété, ne sont pas aptes à mettre fin au réchauffement climatique ou à empêcher de s’aggraver.

          Pour ce seul motif déjà, l’état de fait
          n ‘est pas réalisé.

  5. Après Antigoine et Socrate, au sujet de désobéissance civile, je mets directement Gandhi, dommage qu’il ne soit pas au moins cité. Par contre, je ne suis pas sûr que Jésus soit un exemple de désobéissance civile: “rendez à César…”, il n’a pas cherché à se conformer ou non à la légalité humaine. Ensuite, au sujet de la règle d’or ou du principe des Lumières selon lequel tout est permis hors ce qui nuit à autrui (“ma liberté s’arrête…”), c’est un principe de morale normative qui trouve sa limite précisément en ce qu’il est une norme a priori, détachée des conséquences pratiques et des circonstances particulières. Le radeau de la Mignonette est un bon exemple des limites de ce principe: au début Brown refuse de tirer au sort pour savoir qui serait mangé (comme dans la chanson “Il était un petit navire”), à la fin, n’ayant pas participé au crime, il mange quand-même et est sauvé d’une mort certaine (exemple tiré du livre de Sandel sur la Justice). C’est toute la différence entre “ne fais pas à autrui …” (morale normative, kantienne) et “fais à autrui ce qu’il voudrait qu’il te fasse” (morale conséquentialiste, celle de Jésus). Dans le cas des jeunes activistes contre Crédit Suisse, et comme le relève CEDH, il faut voir précisément quelles étaient leurs intentions, quels sont les effets sur la banque et quelles sont les conséquences pour la réputation des juges… Finalement, je ne suis pas d’accord de définir la désobéissance civile en rapport avec les droits de l’homme, comme si ceux-ci étaient la quintessence de la morale. Ils sont juste le reflet de la pensée des Lumières, en retrait même sur la déclaration française de 1789 qui faisait au moins référence à Dieu. Ils ont parachevé leur œuvre, de remplacer Dieu, source du droit et de la morale, par l’homme (voir à ce sujet le livre de Chantal Delsol, Le crépuscule de l’universel).

    1. Dans l’exemple choisi des lois antisémites, le gouvernement de Vichy revient à une pratique de l’Ancien régime, en particulier l’exclusion des Juifs de la fonction publique.
      “Depuis le concile de Latran de 1215 jusqu’au XVIIIe siècle, les Juifs sont sujets dans la plupart des pays d’Europe occidentale à de multiples discriminations : vêtements spéciaux comme le chapeau pointu ou la rouelle, interdiction de séjour comme c’est le cas en Espagne et dans la plus grande partie du royaume de France, taxes comme notamment en Lorraine1, droits limités en justice, accusations diverses, vexations publiques, etc. Dans certains pays comme l’Espagne et le Portugal, l’Inquisition pourchasse et fait brûler vifs les marranes, c’est-à-dire les juifs officiellement convertis au catholicisme, mais qui professent en cachette le judaïsme.”
      La pensée des Lumières sur ce point précis va plus loin que la pratique de la chrétienté. C’est en 1789 que les Juifs reçoivent la totalité des droits civils. Dieu comme source de la morale n’est qu’une référence indécise, des écrits comme la Bible ou le Coran, certes inspirés, mais écrits par des hommes aussi en fonction de leurs préjugés. Le Deutéronome ou le Lévitique seraient inapplicables aujourd’hui pour de multiples violations des Droits de l’homme. De même prendre le Coran comme norme de la morale et de la loi civile mène au conflit actuel.

      1. Vous n’allez pas me faire croire que les inquisiteurs ont agi en conscience. Ils ont agi avec les préjugés de leur époque, ce dont ils ont à rendre compte devant Dieu, lequel, précisément, a placé en l’homme une lumière naturelle, la conscience, pour discerner le bien du mal. L’Aufklärung au départ ne remet pas en question ce principe, tout comme au départ, les droits de l’homme, y compris ceux de 1948 (dont les premières versions sont inspirées du personnalisme chrétien – voir le livre de Grégoire Puppinck, Les droits de l’homme dénaturé), ne remettent pas en question Dieu comme source des droits. C’est le matérialisme et le scientisme, qui s’installent définitivement avec la ruine de la démocratie chrétienne (la fin du PSC, si vous voulez), ont fait la tombe du personnalisme chrétien et ouvert le champ au moralisme absurde et désespéré dans lequel nous baignons.

    2. Il est étonnant que vous puissiez avoir un doute sur la désobéissance de Jésus, qui fût aussi la cause des persécutions des premiers chrétiens. Tout d’abord Jésus est, selon André Malraux, le seul anarchiste qui ait réussi, remplaçant toute la loi de Moïse par le commandement de l’amour. Il s’en ai violemment pris à l’hypocrisie des gardiens du Temple, n’hésitant pas à violer leur loi et à les provoquer en produisant une guérison miraculeuse le jour du sabbat ou en chassant les marchands du Temple. Contestant aussi leur prétention à condamner selon sa parole à propos de la lapidation de la femme adultère: que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre. Il a été condamné pour blasphème par les autorités juives et pour sédition par Ponce Pilate.
      Il est vrai que parfois, le simple fait de marquer résolument sa différence ou de défendre une opinion est une cause de persécution. Cela n’est pas forcément fondamentalement différent de nos jours. Les chasses aux sorcières prennent d’autres formes. Toujours est-il qu’il existe un moment où la personne visée doit faire un choix entre sa conscience et ses conditions de vie.
      Je reste très surpris que parmi les nombreux commentaires, aucun ne relève les très nombreuses injustices et épisodes choquants de notre histoire sur lesquelles notre pays peine particulièrement à avoir un regard critique.

      1. C est bien ce que j ai essayé de sous-entendre par une longue liste historiques des actions non-éthiques des banques suisses, auxquelles on peut ajouter celles des pharmas. De plus si l ‘on veut vraiment défendre la notion de droit suisse, en citant des articles de loi comme si celle-ci portait en elle-même une justice supérieure, alors lisons les rapports de la commission d’historiens sur les internements administratifs. On pourra alors comprendre , d’où viennent les mentalités et l’interprétation du droit qui animent ceux qui crient aux scandales face aux actions des jeunes activistes. Le système juridique n existe pas dans un vacuum historique. Ce n’est que le produit de longues luttes idéologiques. Pour la justice divine il faudra encore attendre.

  6. Sommes-nous tous d’accord?
    – le pouvoir judiciaire était bourgeois au XXe siècle;
    – il est passé socialiste à la fin du XXe siècle;
    – et maintenant, il est une foire d’empoigne entre des juges (sans expérience, voire totalement incompétents) UDC et Verts, avec des socialistes et bourgeois ébahis…

    Il faut changer le mode de sélection des juges; c’est devenu une farce! Avec des partis plus soucieux de percevoir de l’argent de leurs juges que de rechercher de bons juges.

    La justice est aujourd’hui lente, aléatoire et arbitraire… TF compris. Il y a une dégradation de qualité phénoménale depuis le départ de Dick Marty de la présidence de la commission judiciaire, chargée de sélectionner les juges du tf.

  7. L’excellent film “Mission” de Roland Joffé montre très bien les conflits de conscience que pouvait avoir un prélat catholique à la Renaissance (dans l’ “Ancien Régime” comme vous dite).

    1. Le film est excellent mais il se termine par la destruction des missions jésuites. Le légat du Saint-siège s’est incliné devant le pouvoir politique.

  8. Le débat philophico historique roule très haut sur ce blog. On passe du concile du Latran au statut des Juifs de Vichy en passant par l’esclavage et le grand marchand neuchatelois David de Pury.

    S’agissant des références faites à la Shoah, je ne suis pas juif, mais il me semble que si je l’étais je me sentirais blessé qu’on vienne comparer “l’état de nécessité” prétendu dans lequel pensent se trouver des enfants gâtés mal élevés de Suisse romande, qui se croient permis de faire des dommages à la propriété dans les locaux du Crédit Suisse, sous prétexte que cette banque est impliquée, comme toutes les autres banques du monde, dans le négoce de pétrole, et les conflits de conscience dramatiques de ceux qui au péril de leur vie ont sauvé des Juifs pendant la guerre.

    Je ressentirais ça comme “eine Verharmlosung des national-sozialismus”, c’est à dire une relativisation grave du national socialisme et des crimes de la Shoah.

    Concernant David de Pury, c’était un fabricant et négociant de Neuchatel, qui avait d’abord été ruiné plusieurs fois, puis il était parti au Portugal où grâce à son habileté en affaires il avait pu se refaire une fortune dans le grand négoce. Il n’était pas vraiment un traficant d’esclaves, mais c’est vrai qu’il a accessoirement vendu des cargaisons d’esclaves, ce qui était parfaitement légal à l’époque.

    Rappelons que tous les pères fondateurs des USA étaient des propriétaires de plantations et propriétaires d’esclaves.

    Il ne s’agit pas de nier que ces faits sont immoraux dans notre perception actuelle, mais on doit quand-même attirer l’attention des belles âmes qui se trouvent malin de peinturlurer en rouge le joli monument de la place Pury à Neuchatel, que très probablement chacun d’entre eux possèdent au moins un T shirt fabriqué au Bangladesh par des enfants ou des adultes dont la condition est très exactement celle de l’esclavage. Ce sont des gens qui sont peut-être encore plus maltraités, en pratique, que les esclaves transportés aux XVIIIe siècles sur certains bateaux de David de Pury. D’autre part chacun de ces activistes au coeur sensible possède un iPad ou iPhone dans lequel il y a des composants qui ont également été produits en Chine par ce que l’on pourrait appelr des esclaves.

    Je pense donc que chacun devrait faire son propre examen de conscience avent de se laisser aller à des actes illicites en Suisse. Et je pense que de toute façon les juges doivent appliquer la loi.

    Acquitter, après la guerre, un policier parisien qui au péril de sa vie désobéit à l’ordre d’arrêter des Juifs, ou acquitter un ado suisse romand qui, sans courir aucun risque, s’amuse à barbouiller de peinture les locaux du Crédit suisse, pardon mais c’est une insulte pour la mémoire de ceux qui ont été déportés. Il est affligeant que des juges cantonaux, à Lausanne ou à Genève se laissent aller à pareils égarements. Vivement que le TF rectifie ça, sinon la Suisse sera la risée et la honte du monde entier.

    1. M. Neirynck rappelle des cas de désobéissance civile pour dessiner les contours historico-philosophiques de ce droit. Vous y lisez une insulte aux victimes de la Shoah et une relativisation des crimes nazis car vous êtes en mode comparatif, pas lui.

      Ensuite vous réduisez l’acte iconoclaste, qui s’attaque à l’histoire des gagnants, à des sales jeunes (avec des ipad etc…) qui peinturlurent un joli monument. De la même manière. Dans le même esprit: “enfants gâtés mal élevés de Suisse romande”….Ces remarques, elles se lisent en boucle sur tous les forums consacrés à cette affaire et elles sont toujours aussi inintéressantes et caricaturales, comme “les jeunes devraient être à l’école au lieu de manifester”… et finalement vous asséner le clou:” Je pense donc que chacun devrait faire son propre examen de conscience avent de se laisser aller à des actes illicites en Suisse. Et je pense que de toute façon les juges doivent appliquer la loi”… Vous voulez rire? Avez- vous sincérement étudié en détails les agissements des banques, de la haute finance et des actionnaires? Ce que signifie un régime néolibéral technocrate? Si l’on devait faire la liste des crimes pour lesquels ils n’ont jamais été inquiété, je suis curieux combien de temps cela prendrait. Et l’on n’est plus au niveau d’un t-shirt du bangladesh, de posséder un ipod etc… Pour ma part, je pense que les agissements de ces jeunes ont été extrêmement polis, voir gentillets.
      Et non ce ne sont pas des paroles “de gauche”, “non-fondées”Je n’ai pas le temps de faire des recherches pour vous, mais simplement taper BNS et BlackRocks, reliser l’histoire des subprimes et comment elle se poursuit jusqu à aujourd’hui etc…..

      1. @GILLES

        Donc Gilles, vous confirmez bien ce que je disais. Pour vous les investissements du Crédit Suisse dans les hydrocarbures sont des crimes aussi graves que l’extermination des Juifs par les nazis, et les actes de jeunes Suisses que vous avez raison de décrire comme gentillets, qui barbouillent l’enseigne du Crédit Suisse, en s’exposant au pire à quelques jours amendes, sont des actes d’héroïsme aussi admirables que ceux des policiers qui ont avert les Juifs avant les râfles.

        Désolé cher Gilles, vous êtes complètement dans le cirage.

        J’ajoute, car j’ai vraiment envie de vous énerver, que personnellement je trouve ça très bien que le Crédit Suisse finance l’industrie pétrolière. Et en tant que Genevois je suis fier que notre ville soit devenue la capitale mondiale du négoce de pétrole. J’espère que le Crédit Suisse continuera à financer cette industrie car c’est une excellente industrie, contrairement aux subprimes que je condamne, et j’espère que Genève saura garder son statut convoité de leader dans ce marché, car ce n’est pas demain la veille que nous cesserons d’avoir besoin du pétrole et de ses dérivés.

        Et toc !

        Quant aux juges, ils doivent appliquer la loi, point barre.

        1. Si les juges doivent appliquer une loi qui ne laisse place à aucune appréciation de la peine, il est inutile de réunir un tribunal. La police peut appliquer directement la peine prescrite et obligatoire.
          Si dans le blog on cite deux exemples différents qui mènent l’un et l’autre à la désobéissance civile, cela ne veut pas dire dans mon chef que je les identifie et que l’on puisse contredire le blog en feignant que je l’aie fait.
          Enfin la transition climatique est une réalité dont ce commentaire prouve qu’elle est ignorée par une partie de la population à laquelle elle doit donc être rappelée par quelque action spectaculaire, par ailleurs sans dommage matériel pour la banque.
          Enfin il est de coutume que la jeunesse manifeste de façon un peu intempestive pour affirmer son existence et son souhait de pouvoir continuer à vivre.

        2. Cher Perplexe,
          M. Neyrinck a déjà eu la gentillesse de répondre en partie à votre message.
          Pour ma part, vous ne m’énervez pas, vous avez juste une compréhension biaisée de la lecture, de l’argumentation, de la justice, du droit, de l’éthique et du…futur. Je vous souhaite bon courage car la redescente sur terre face aux événements qui viennent va être rude.

        3. En quoi ne l’ont-il pas fait ? Où se trouve l’erreur commise par les juges ? Ce n’est pas parce que cela ne vous plaît pas que cela veut dire qu’il y ait erreur de la Cour.

        4. “…personnellement je trouve ça très bien que le Crédit Suisse finance l’industrie pétrolière. Et en tant que Genevois je suis fier que notre ville soit devenue la capitale mondiale du négoce de pétrole. J’espère que le Crédit Suisse continuera à financer cette industrie car c’est une excellente industrie.”

          Cette “excellente industrie” n’est-elle pas l’une des causes majeures de la plupart des guerres modernes? Dois-je en déduire que vous êtes favorable à, sinon complice de la mort et des souffrances de millions d’innocents et même fier de l’être? Pour ma part, Genevois de naissance et d’adoption qui a vécu sur place, et pas seulement assis dans mon fauteuil devant la télévision ou en feuilletant le journal, plus d’un de ces conflits meurtriers avec diverses organisations humanitaires, à l’une desquelles Genève ne doit pas moins sa renommée qu’au Crédit Suisse et à ses banques, permettez-moi de ne pas partager votre vision des choses.

          1. Il y a peut-être eu des guerres à cause du pétrole, mais si au lieu du pétrole il y avait eu une autre source d’énergie bon marché repartie dans d’autres zones géographiques, alors il y aurait eu d’autres guerres, ailleurs. Et si demain on trouve une nouvelle matiere première écologique et non polluante qui rende les mêmes services que le pétrole à moindre coût, il y aura des guerres pour cette matière première.

          2. La seule source d’énergie qui ne soit pas fossile est celle qui provient du soleil. Elle n’est la propriété d’aucun pays.

  9. Pardonnez moi d’être un peu pédant: mais le principe cujus regio illius religion n’existe pas. Ca n’est pas du latin. Le principe s’énonce: cujus regio ejus religio

  10. “Et je pense que de toute façon les juges doivent appliquer la loi.”

    Un juge n’applique pas la loi, il l’interprète.
    Comme un commentateur (du moins pour l’instant) est libre de s’exprimer sous multi-pseudos!
    Même s’il a tout loisir de se croire crédible.

    C’est la vie Lili 🙂

    1. Le juge doit appliquer la loi. C’est tout.

      Bien sûr il l’interprête toujours dans le cas d’espèce. Mais il n’a pas le droit de l’interprêter au point d’aller à l’encontre du texte de cette loi. Or c’est ce que ces juges ont fait.

      En plus ils ont donné une interprétation fausse du principe de l’état de nécessité. Pour qu’on puisse le justifier, il faut que l’acte illicite commis au nom de l’état de nécessité soit de nature à empêcher effectivement la conséquence redoutée. Par exemple, si un policier va avertir une famille juive que demain matin il y aura une râfle, ce policier viole la loi et la discipline de la police. Donc il commet un acte illicite. Mais cet acte illicite est légitimé par l’état de nécessité, parce qu’en avertissant cette famille il peut lui éviter effectivement la déportation. La famille peut faire ses bagages dans la nuit et se sauver. En revanche, si des adolescents sont excessivement préoccupés par l’urgence climatique, ils n’ont pas le droit de se prévaloir de l’état de nécessité pour aller peinturlurer la facade du Crédit Suisse, car il n’y a aucune chance que cette action puisse avoir pour conséquence d’éviter la conséquence redoutée, c’est à dire le réchauffement climatique. Pour cela il faut choisir d’autres moyens d’actions, licites.

      1. Multipseudo,

        C’est là votre point de vue. Il ne semble pas que cela soit celui de la Cour genevoise, qui de toute les façons a mis, à titre subsidiaire, l’accusé au bénéfice d’une erreur quant à l’appréciation des faits sous-jacents à l’adéquation de son action, ce que prévoit l’article 13 CP. Et toc.

        1. L’art. 13 CP ? Même un étudiant avec un seul cours de droit pénal sait qu’il n’est pas applicable à ces circonstances. Me réjouis de l’arrêt du tf qui va renvoyer ces “juges” à leurs études…

          Mais on parie qu’après la déculottée juridique du siècle, ils n’auront même pas le courage de démissionner et qu’ils ne seront pas davantage sanctionnés… #culturedelimpunité

          L’art 13? Mdr. Ça m’a fait ma journée. Merci pour cette bonne blague.
          Vive l’indépendance de notre justice. Lol.

          Allez, stp, la référence de l’arrêt afin que je puisse rire à me prémunir du covid.

          1. Art. 13 2. Intention et négligence / Erreur sur les faits

            Erreur sur les faits

            1 Quiconque agit sous l’influence d’une appréciation erronée des faits est jugé d’après cette appréciation si elle lui est favorable.

            Pour le reste vous vous débrouillez comme un grand.

          2. Tu défends sérieusement cette argumentation hallucinante???

            “Ainsi, à supposer qu’il y aurait eu un autre moyen de parvenir au même résultat, il faudrait retenir que l’appelant, comme la victime d’un tyran domestique, se trouvait dans une situation d’état de nécessité putatif, sous l’emprise d’une erreur de fait.”

            Maraîcher, féminicides, même combat ?? Sérieusement ??

            Ces juges sont sous traitement post Covid ??

  11. Si des juges interprètent la loi de manière divergente , cela peut signifier qu’elle est mal écrite ou peu claire , en particulier sur l’état de nécessité.
    Malheureusement , cet état ne peut être évalué de manière si manifeste, le climat de la Terre étant trop complexe pour le voir changer à l’échelle d’une vie humaine .
    C’est bien pourquoi la Suisse s’est engagée dans la transition énergétique pour 2050 et de ce fait désavoue les personnes qui nient cet engagement en le sabotant par des actions contre-productives .
    On n’est pas dans le cas où l’Etat niait complètement le changement climatique et par conséquent, rend les actions de désobéissance civile superflues !

    1. Les activistes disent qu’il faut agir avant 3 ans, pas 30 ans. C’est contre cet attentisme qu’ils manifestent.

      Je suis mort de rire car la cause est 100% juste, mais qu’ils n’assument pas leurs actes a cause du casier judiciaire. Donc, au fond d’eux, ils ne croient pas à la fin de notre économie/civilisation dans 3 ans. Et qu’ils ont un plan de carrière traditionnel et qui fait abstraction du dérèglement climatique.

      Et je ris également parce qu’ils se disent antisystème, mais retrouvent à chaque échelon du “système” une représentation majoritaire de leur camp politique. C’est comme les udc qui se plaignent du caractère bisounours du droit pénal suisse, alors que les juges pénaux du tf sont majoritairement udc et que c’est le premier parti de Suisse. #cohérence?

  12. Ma foi, si invoquer l’état de nécessité semble un peu tiré par les cheveux, cela ne l’est pas plus que d’invoquer la violation de domicile pour avoir voulu faire une partie de tennis dans le hall de l’UBS pendant les heures d’ouverture au publique. Ce qui est le plus dérangeant est cette absolue lourdeur et surtout ce manque d’humour qui caractérise nos banquiers. Ce en quoi ils nous font honte. Quel manque d’opportunisme! Si j’avais été l’un des leurs, j’aurais détourné l’événement pour en faire un spot publicitaire avec un slogan du genre: ” Avec UBS, donnez de l’ampleur à vos affaires”.
    Mais je ne serai jamais l’un des leurs.

  13. Voilà l’arrêt genevois publié cet après-midi sur l’état de nécessité:
    http://ge.ch/justice/donnees/decis/parp/show/2504994?meta=dt_decision%3A%5B01.09.2020+TO+*%5D&doc=

    Je suis mort de rire !!
    Ils ne connaissent pas la pétition?, le tract?, la manifestation? ou… l’initiative populaire ? Et le côté: il est un cassos et a assumé ses actes… MDR. Visiblement, ces deux conditions sont rares dans leur esprit de “juges” :)))

    Voilà le passage topique:

    “L’appelant, qui n’a aucune fortune et ne perçoit que des revenus minimaux, ne disposait pas d’un autre moyen pour interpeller La Banque, n’étant pas en position d’en devenir un client susceptible, par son comportement, de modifier sa politique. Il n’est pas non plus et pour le même motif actionnaire de La Banque et ne pouvait donc influencer sa prise de décision. L’action menée le 13 octobre 2018, soit l’apposition de mains rouges sur la façade d’un bâtiment de La Banque en plein centre-ville de Genève, s’inscrit ainsi pleinement dans une logique d’application et de mise en oeuvre des mesures préconisées par l’autorité politique pour infléchir la courbe du réchauffement climatique soutenue par la place financière et notamment par La Banque, et représente un moyen accessible à l’appelant dans sa situation pour atteindre ce but. Conformément à la décision initiale et à la logique qui présidait à son action, l’appelant, ce qui est essentiel, a reconnu son geste et en a assumé la responsabilité, sans tenter de se soustraire à d’éventuelles poursuites. Il n’a pas agi par volonté de détruire, mais bien pour amener La Banque, par ses actes et le dégât d’image qu’il a cherché à lui occasionner, à revoir sa politique d’investissements et à réfléchir à son rôle et à son influence sur les changements climatiques, dans la droite ligne des constations du CF qui soulignait la méconnaissance, par les acteurs financiers, de leur responsabilité dans ce contexte (supra D.e). Il n’a commis aucun dommage irréparable, se limitant à des souillures susceptibles d’être nettoyées facilement. On ne se trouve ainsi clairement pas dans une action égoïste ou destructrice. S’il en avait été autrement, et notamment si l’appelant n’avait pas assumé pleinement ses actes, il ne saurait se prévaloir de l’état de nécessité. En effet, la protection du patrimoine d’autrui reste une des garanties fondamentales d’un état de droit.

    De plus, et comme le souligne l’article du Temps du 25 septembre 2020, l’action des militants en octobre et novembre 2018 n’aura peut-être pas été vaine, puisqu’il ressort de cet article que c’est en 2019 que La Banque a finalement, semble-t-il, pris la mesure de l’importance de son rôle dans le réchauffement climatique.

    Les actes entrepris étaient donc bien de nature, sinon à écarter, du moins à contribuer à réduire le danger présenté par les investissements carbonés de La Banque.

  14. Merci d’avoir donné la référence du jugement. Le raisonnement y est effectivement surprenant, puisqu’on en arrive à utiliser la notion de “danger imminent putatif”, c’est-à-dire que cette situation existe “lorsque l’auteur, en raison d’une représentation erronée des faits, se croit en situation de danger imminent, alors qu’objectivement le danger n’existe pas, il agit en état de nécessité putatif. ” Comme ce jeune homme n’avait pas les moyens financiers de devenir client ou actionnaire de la banque, les juges estiment que ” à supposer qu’il y aurait eu un autre moyen de parvenir au même résultat (par des moyens politiques démocratiques accessibles en Suisse, ma remarque) il faudrait retenir que l’appelant, comme la victime d’un tyran domestique, se trouvait dans une situation d’état de nécessité putatif, sous l’emprise d’une erreur de fait.”
    Au fond, on lui donne raison d’avoir agi en dehors du cadre démocratique largement accessible à tous en Suisse, y compris à une personne modeste et n’ayant pas ou peu de moyens financiers !
    Conclusion (un peu absurde, j’en conviens mais qui découle du raisonnement des juges) : un pauvre a plus le droit de violer la loi qu’un riche…

Les commentaires sont clos.