En toute méconnaissance de cause

 

L’Erythrée et l’Ethiopie ont signé lundi à Asmara une déclaration conjointe formalisant leur rapprochement et stipulant que les deux pays ne sont plus en guerre. Les deux présidents se sont tendrement embrassés. La réaction de Berne a été immédiate : le statut de 3200 réfugiés érythréens sera revu et certains priés de regagner leur pays. On leur filera 1000 CHF pour les encourager.

 

Le principe du gouvernement local est simple : les habitants sont la propriété de l’Etat. Mobilisés dans un service militaire de durée extensible allant jusqu’à dix ans, voire au delà, ils constituent en fait une main d’œuvre gratuite. Pour s’assurer d’une réserve de recrutement, les citoyens sont interdits de quitter le pays avant d’avoir 50 ans, c’est-à-dire de devenir inutilisable. Un déserteur de l’armée érythréenne, rencontré par hasard, nous a dit (sans garantie) que posté sur la frontière, son seul rôle consistait à abattre les fuyards dans la grande tradition des Vopos est-allemand. On peut avoir la faiblesse de le croire.

 

Bien entendu il n’y a pas de presse libre, les organisations humanitaires sont interdites de séjour, les opposants moisissent en prison. Ce pays suit les exemples illustres de dictatures classiques. Les embrassades avec l’Ethiopie ne vont pas, par une subite conversion, changer le régime en une semi-démocratie à l’africaine. On peut comprendre que les habitants de ces tristes contrées éprouvent l’envie de s’enfuir et redoutent d’y retourner.

 

On ne doit pas supposer que les volontaires pour le retour seront accueillis avec des brassées de fleurs. On ne peut même pas exclure qu’ils se retrouvent dans quelque camp de rééducation forcée. A Berne on n’en sait rien, d’autant qu’il n’y a pas d’ambassade suisse à Asmara. Mais on est d’abord soucieux de dégonfler les effectifs pléthoriques des réfugiés érythréens, qui seraient à 99% des réfugiés économique, selon l’estimation tout à fait sérieuse du consul honoraire d’Erythrée en Suisse.  En somme leur tort principal serait de croire qu’ils vivront mieux chez nous que chez eux. Berne va donc leur démontrer qu’ils se sont trompés.

Jacques Neirynck

Jacques Neirynck est ingénieur, ancien conseiller national PDC et député au Grand Conseil vaudois, professeur honoraire de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), d'origine belge, de nationalité française et naturalisé suisse. Il exerce la profession d'écrivain.

13 réponses à “En toute méconnaissance de cause

    1. Cela me paraît clair. On ne peut renvoyer quiconque dans un pays qui semble un véritable bagne. Plus tard, quand on découvrira toute la vérité sur le régime, on utilisera l’excuse classique : on ne savait pas. Si l’on ne sait pas grand chose sur un pays refermé sur lui-même, on peut supposer que le dictateur n’a pas la conscience tranquille pour refuser à ce point d’autoriser une presse libre et la visite de journalistes étrangers. En fait à Berne, on ferme les yeux. C’est une façon élégante de ne pas voir.

  1. La Chine ne fait guère mieux en mettant en prison quiconque critiquant le régime. Alors, proposez-vous d’accueillir des millions d’opposants chinois ?
    Pour l’instant, le monde entier ne fait que baisser ses frocs devant l’empire du milieu !
    J’ajoute que les pays musulmans continuent de considérer les femmes comme des êtres inférieurs, alors invitez donc toutes les femmes à rejoindre notre merveilleux pays tellement vertueux des droits de l’homme.
    Par contre , nous laissons les multinationales gérer à leur guise leurs affaires dans le monde sans se soucier de l’impact humain ou environnemental !
    Alors, commençons de nettoyer devant notre porte avant de faire la leçon aux autres.

    1. Personne ne propose d’accueillir tous les réfugiés politiques du monde par la méthode ordinaire, c’est-à-dire en autorisant nos ambassades à leur délivrer des visas plutôt que de les laisser se dépêtrer dans des errances clandestines et dangereuses. La règle n’est pas applicable et le problème est insoluble. Nous sommes contraints par la situation de mettre nos valeurs au placard. C’est grave mais il ne faut surtout pas prétendre le contraire.
      Cependant cela ne signifie pas qu’il faille nier la réalité et prétendre que le problème propre à l’Érythrée n’existe plus et que nous pouvons renvoyer chez eux, contre leur gré, des réfugiés déjà arrivés chez nous. Nous sommes assis entre deux chaises. C’est inconfortable.
      Ce qui manque c’est une politique claire de la Suisse et une coordination avec l’UE. C’est notre problème principal. C’est celui-ci qui disloque l’Europe en suscitant des partis national-populistes qui deviennent de plus en plus menaçants.
      La politique est l’art difficile de réconcilier le souhaitable avec le possible. Garder 3 200 réfugiés en Suisse est possible. Il serait souhaitable d’accueillir tous les réfugiés du monde, mais c’est impossible. Cela ne veut pas dire que ce ne serait pas souhaitable ou bien que ces réfugiés n’ont pas de justes raisons de fuir leur pays.

      1. Vous avez raison de souligner un point fondamental, si au siècle passé beaucoup se sont dédouanés après coup des horreurs commises par les dérives populo-nationalistes, en disant. “on ne savait pas”, ce ne sera plus possible aujourd’hui. On sait, et on a vu, à quoi ce genre d’idéologie conduisait. Alors, restons vigilants et ne faisons pas l’autruche!

  2. Je regrette mais vous êtes empêtré dans la contradiction de votre position morale. Vous dites: “Il serait souhaitable d’accueillir tous les réfugiés du monde, mais c’est impossible.” C’est un raisonnement faux par excellence. Il ne peut pas être souhaitable, en aucune façon, d’accueillir tous les réfugiés du monde. Car ce serait nécessairement la destruction de notre propre pays et, par dessus le marché un enfer pour ces réfugiés sans nombre eux-mêmes. Donc il est faux intellectuellement de poser le problème en ces termes. M. Hubert Giot a mis le doigt sur cette vérité en vous demandant si vous proposiez d’accueillir plus d’un milliard de Chinois.

    Les autorités qui ont la charge de gouverner les nations ont une responsabilité première envers leurs propres peuples, dont ils n’ont absolument pas le droit de mettre en danger la cohésion ni la paix civile par l’accueil inconsidéré de réfugiés, même si ces derniers étaient tous en grave danger. Les dirigeants ont le devoir de faire primer l’intérêt de leurs propres peuples sur le souci d’humanisme universel. C’est cela la noblesse de leur tâche. Celà ne doit pas être présenté comme un constat d’échec. C’est le sans frontièrisme qui est un échec. L’argument idéaliste s’avère un impasse, de même que la théorie inventée au XVIIIe siècle selon laquelle il existerait un “Homme” abstrait universel et que cette idée abstraite posséderait, en tant que telle, des “droits”, comme s’il existait une cité universelle. En effet les seuls droits qui vaillent sont ceux qui sont sanctionnés par un état.

    Le rêve d’une cité universelle a toujours existé. Il a toujours été une illusion cruelle et un mensonge. À chaque fois que l’on a cru s’en rapprocher, comme celà à été le cas ces dernières années avec le mirage de la “gouvernance globale” qui a semblé atteignable, la réalité s’est chargée de rappeler aux hommes qu’il n’en était rien. En l’occurrence ce fut cette crise migratoire. Il est incompréhensible qu’un intelligence brillante comme la vôtre se refuse à réfuter des illusions auxquelles elle a cru. Pourquoi ne pouvez-vous pas admettre qu’il faut poser le problème philosophiquement de la manière inverse? en partant des peuples avec leurs intérêts légitimes et non de l’Humanité qui, cette fois c’est prouvé, n’existe pas.

    1. L’Humanité, c’est prouvé, n’existe pas?! Alors il faut réviser toutes les avancées des sciences comme la biologie. la génétique, etc., et en revenir aux théories raciales du XIXème siècle dont la “remise au goût du jour” par une certaine idéologie au XXème siècle a causé tant de dégâts.

  3. L’homme blanc croit qu’il est responsable de tout ce qui se passe sur Terre. Il pense avoir le pouvoir de changer tout ce qui ne lui plait pas mais, à la fin, il est triste de constater qu’il est impuissant.

  4. L’Humanité en tant que communauté politique susceptible d’une gouvernance globale, nouveau nom pour l’utopie de la République Universelle, cette Humanité là n’existe pas. C’est certain.

    Il existe en revanche, mais elle n’a pas de signification politique universelle, l’espèce humaine Homo Sapiens, en ses nombreuses races et sous races capables de se croiser entre elles, comme il existe dans le genre equus l’espèce equus caballus et ses nombreuses races également miscibles: pur sang arabe, anglais, anglo-normand, trakhener, holsteiner, lippizan, lusitain, frison, ca allo dela Madonna (Einsiedler), franche montagne, percheron, etc.

    1. C’est bien ce que je disais, vous en êtes resté aux vieilles théories raciales du XIXe siècle, qui ont causé tellement de dégâts. Wikipédia: “Des études scientifiques, fondées depuis le milieu du XXe siècle sur la génétique, ont montré que le concept de «race» n’est pas pertinent pour caractériser les différents sous-groupes géographiques de l’espèce humaine car la variabilité génétique entre individus d’un même sous-groupe est plus importante que la variabilité génétique moyenne entre sous-groupes géographiques” (la France vient précisément de décider de supprimer pour cette raison toute référence à la “race” de sa Constitution). Il est symptomatique d’ailleurs, que les tenants de ce genre de théories, aux relents nauséabonds, n’ont généralement pas le courage d’exprimer leurs idées à découvert sur les différents forums, mais se cachent systématiquement derrière des pseudos.

  5. Monsieur Neyrinck, vous êtes Belges d‘origines, vous avez si je suis bien informé, participez à colonialisation de l‘Afrique comme beaucoup d‘autres, qui comme vous veullent aujourd‘hui nous donner des leçons! Si je suis bien informé, l’Afrique que vous avez aidez à colonialiser vit depuis des dizaines d’année de génocides, de guerres de clans, la terreur la plus complète. Leurs présidents/dictateurs sont corrompus et criminels.
    Vos propos sont bien suspects, la situation humanitaire dans la corne d‘Afrique par rapport à celle des autres pays d‘Afriques semble presque „enviable“ en vue des horreurs qui se passent ailleurs!

    1. Dans le cadre de la coopération, je l’avoue, j’ai donné des cours d’électricité à de jeunes Africains Je ne parvenais pas à m’en sentir coupable, mais plutôt fier. Maintenant, je m’incline devant votre connaissance de l’Afrique et votre sensibilité si fine. Il est possible que le calcul des circuits électriques mène ceux qui le maîtrisent à la corruption et au génocide. Je vous promets d’y réfléchir. Mieux vaut tard que jamais. Merci de votre éclairage.

  6. Une donnée demeure tout à fait ignorée, c’est celle de la croissance folle du genre humain sur cette Terre:
    Du temps de Jésus, il y a deux mille ans de cela, l’humanité comptait quelque 600.000.000 d’âmes. Vers 1850, on arrivait à 1.000.000.000. Dans les années quarante, j’ai appris à l’école qu’on était 2,250.000.000 à se partager le monde. Septante ans plus tard, 7 milliards et quelque. On ne peut pas continuer comme ça …
    Une solution durable du problème de l’immigration pass donc évidemment par un contrôle des naissances dans les pays d’émigration plus ou moins volontaire. Comment procéder, je ne sais pas, mais le fait est et demeure que les populations sont pauvre, parce qu’elles ont beaucoup d’enfants, et ont beaucoup d’enfants, parce qu’elles sont pauvres.

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