Barack Obama et ses deux dindons

Pendant que Donald Trump, le président élu, fait part de ses états d’âme sur Twitter, Barack Obama, le toujours président, s’entoure de deux gros dindons, et le fait savoir en live-stream sur Facebook. Si, si. Deux dindons. Pour Thanksgiving. Ainsi donc, mercredi, veille de cette fête qui a toujours lieu le quatrième jeudi de novembre, l’actuel président a organisé une petite réception dans le jardin de la Maison Blanche pour son dernier «annual White House Turkey Pardon». Avec Tater et Tot. Les deux gros dindons. L’internaute pouvait même voter pour décider lequel bénéficierait du grand pardon. Et ne finirait pas dans un four, rempli de farce, avec quelques pommes de terre dorées autour.

 

Rassurez-vous, malgré la mise en scène, Tater et Tot sont bien les deux dindons les plus heureux des Etats-Unis, tous deux graciés par un président très en forme, qui a multiplié les pointes d’humour. Mais c’est Tot qui a officiellement remporté la mise. Les deux mâles ont dix-huit semaines, ont été élevés dans une ferme de l’Iowa, avant d’aboutir à Washington. Cette fois, le président n’était pas entourée de ses filles, exaspérées par son humour (c’est le papa qui le dit), mais par deux petits neveux. Et une ribambelle d’enfants venus pour le spectacle.

Et, non, il ne fera pas cadeau des bienheureux dindons à son successeur. Tater et Tot vont passer le restant de leurs jours dans un enclos de la Virginia Tech University, soignés par des étudiants et vétérinaires. Cette tradition d’accorder le pardon à un TOTUS – Turkey of the United States – remonterait à 1863. Le président Lincoln aurait été le premier à le faire. Mais c’est vraiment à partir de 1947 que la Fédération américaine de dindes offre chaque année un volatile au président. Harry Truman a donc été le premier à accepter le cadeau, mais il n’a pas épargné l’animal. Si l’on en croit CNN, la première cérémonie du grand pardon a vraiment été lancée en 1963 par John F. Kennedy. Mais elle n’est ensuite devenue une véritable tradition, année après année, qu’en 1989, grâce à George W. Bush.

Thanksgiving étant une des principales fêtes où les Américains avalent des kilomètres pour se réunir en famille, le showman Barack Obama n’a pas manqué de ponctuer son discours d’un message d’unité: «Nous avons tous des familles et de l’espoir pour un meilleur futur, ne le perdons pas de vue. Nous avons bien plus en commun que des choses qui nous séparent».

Pendant que Tater et Tot se remettent de leurs émotions présidentielles après avoir foulé la pelouse de la Maison Blanche, près de 45 millions de leur congénères finiront aujourd’hui dans les assiettes

L’hallucinant échange entre Donald Trump et le New York Times

Je savais bien qu’en vivant aux Etats-Unis j’allais devoir m’habituer à plein de choses. La taille des boissons à l’emporter, les «Oh, my god!» à tous les sauces, les précautions prises lors de la signature d’un bail – non, non, chère régie, je vous promets que je ne vous poursuivrai pas en justice à cause d’un enfant-qui-n’habite-pas-dans-l’appartement qui déciderait de snifer la peinture des murs. A plein de choses, sauf à un président qui tweete comme il respire, et joue à cache-cache (ou à poker menteur) avec les médias.
Mardi, tout avait commencé par ce tweet, posté sur le profil @realDonaldTrump (si, si: le vrai de vrai): «I cancelled today’s meeting with the failing @nytimes when the terms and conditions of the meeting were changed at the last moment. Not nice». Hop, un rendez-vous annulé avec un média qu’il a souvent critiqué, le tout balancé sur un réseau social! Le New York Times lui répond, se défend d’avoir changé quoi que ce soit, déclare ne pas avoir voulu que d’un rendez-vous en off. Puis, un nouveau tweet du futur président. Cette fois, pour dire, que, oui, peut-être, une nouvelle réunion serait agendée avec le quotidien, «qui en attendant continue de me couvrir (sic) de manière inexacte et sur un méchant ton». Et vlan! Un condensé des relations compliquées qu’entretient Donald Trump avec les médias en même pas 140 signes.
fullsizerender-11
La suite? La réunion a fini par avoir lieu. Et cette fois, ce sont les journalistes du New York Times, qui ne se sont pas privés de tweeter ses réponses en direct (retrouvez le live-tweet ici). Comme Julie Davis. Qui raconte qu’il a qualifié le NYT de «grand, grand joyau américain mondial». Il s’est aussi, lui le climato-sceptique, dit «ouvert» au sujet de l’accord de Paris sur le changement climatique (ah bon?), a affirmé que son gendre juif Jared Kushner pourrait l’aider à «faire la paix entre les Israéliens et les Palestiniens», que «la loi est totalement de mon côté, un président ne peut avoir pas de conflits d’intérets» ou encore que, non, son conseiller stratégique Stephen Bannon n’est pas raciste. Une interview tweeterisée donc, le tout entre du saumon, des morceaux de filets de boeuf et des cupcakes auxquels pas grand-monde n’a touché.
Lors de cet exercice atypique, Donald Trump n’a pas échappé à  une question sur le groupe d’extrême droite «alt-right», qui, samedi, fêtait sa victoire avec des saluts nazis. Une vidéo diffusant la scène a enflammé les réseaux sociaux. Sa réponse: «Je les désavoue et je les condamne». Il s’était vu reprocher par plusieurs tweetophiles, dont Mia Farrow, ex-femme de Woody Allen, de perdre du temps à s’acharner sur la comédie musicale Hamilton (cf précédente notule), sans rien dire à propos de ces saluts nazis. Voilà désormais chose faite, en direct depuis les locaux du New York Times, le journal qu’il aime tant détester, selon sa méthode de communication préférée.
Sauf que cette fois, ce n’est pas lui qui a tweeté, mais bien ce journal qui, dit-il, couvre son actualité de «manière inexacte». Euh, mais alors, cette information est-elle fiable? Est-ce bien une vraie condamnation, Monsieur le Président élu? Réponse dans un prochain tweet?

De la comédie musicale plein pot

Ce qu’il y a de fascinant chez les médias américains, télévisions en tête, c’est leur capacité à parler d’un même événement en boucle, à coups de commentateurs politiques et invités. Y compris (surtout?) lorsqu’il s’agit d’événements mineurs, ou anecdotiques. On explique, on décortique, on raconte, on re-raconte. Dernier exemple en date: l’«affaire» Hamilton. Vous n’avez pas suivi? Il y est question de Broadway, de Mike Pence hué et de tweet présidentiel vengeur.

En résumé, le futur vice-président Mike Pence n’a pas passé une très bonne soirée vendredi. Alors qu’il assistait à la comédie musicale «Hamilton», qui fait fureur à Broadway, il a été hué et interpellé par les acteurs. A la fin du spectacle, le comédien Brandon Victor Dixon s’est adressé à lui , lui demandant de «travailler pour les valeurs américaines et pour chacun d’eux». Il a lu un message au nom de toute la troupe, qui disait notamment: «Nous, la diversité américaine, avons peur de ne plus être défendus, comme nous avons peur que la planète, que nos enfants, que nos droits ne soient plus défendus».

Ce n’est pas cette scène qui a le plus agité les médias américains, mettant leurs plus grands commentateurs politiques sur le coup. Mais un tweet du président élu Donald Trump. Qui s’est insurgé contre la façon dont son «merveilleux» futur vice-président a été traité. Il exige des excuses.

Samedi, c’était pourtant un jour où Donald Trump avait mieux à faire, et du coup les journalistes aussi (le milliardaire new-yorkais rencontrait notamment Mitt Romney, qui, dit-on, pourrait être un des papables pour le poste de Secrétaire d’Etat). Mais les Américains sont comme ça: ils aiment aussi s’emballer pour des micros polémiques, déclenchées par des petites déclarations bien senties. Et là, avec un président-tweeteur, qui tweete comme il respire, ils vont être servis.

Trump, un casse-tête pour les Service secrets

Les Services secrets sont à cran. La sécurité de Donald Trump, qui prendra officiellement ses fonctions à la tête des Etats-Unis le 20 janvier, n’est pas une mince affaire. Il suffit de faire un tour du côté de la majestueuse Trump Tower de 58 étages – elle s’érige en pleine 5e avenue à Manhattan – pour s’en rendre compte. C’est là qui vit Donald Trump, lové dans un clinquant penthouse qui occupe les trois derniers étages. C’est aussi là que se réunit son équipe de transition, en train de constituer sa nouvelle administration.
img_8424
Samedi soir, Donald Trump a changé mes plans. Alors que j’essayais de me rendre chez Patsy’s, le restaurant italien préféré de Frank Sinatra, il a fallu changer de trajectoire. La 5e avenue, une des plus prestigieuses de la ville, était en partie bloquée par la police, entre la 56e et la 57e rue. Pour contenir les protestataires anti-Trump et les amateurs de selfies qui cherchent à s’agglutiner devant ce nouveau symbole du pouvoir.
Check-points et policiers en grappe. Avec des membres de l’unité antiterroriste armés jusqu’aux dents. Le New York Post n’hésite pas à dire que Midtown pourrait devenir, sur le plan du trafic,  «un cauchemar pour ces quatre prochaines années». Et s’il fallait vraiment bloquer des rues à proximité de la Tour de façon quasi permanente, ce sont des boutiques de luxe, comme Gucci et Tiffany, qui pourraient en souffrir. Les habitants de la Tour noire font aussi grise mine. Et les touristes, habilités à entrer dans l’enceinte, doivent montrer patte blanche.
img_8544
Mais depuis ce mardi, une autre question, qui concerne également les Services secrets, agite les médias américains. L’équipe de transition aurait demandé que les trois enfants aînés de Donald Trump, ainsi que Jared Kushner, le mari d’Ivanka, puissent avoir accès aux secrets les mieux gardés de l’administration américaine. Du jamais vu et jamais fait. La demande soulève de nombreuses questions, alors que ses enfants doivent reprendre ses affaires. Et pourrait, si elle se concrétisait, violer la loi de 1967 contre le népotisme. Alors que la polémique prend forme, l’équipe de transition a tenu à préciser qu’aucun formulaire nécessaire à une telle démarche n’a pour l’instant été signé.

«Wake up, America!»

J’avoue avoir eu la chair de poule. Samedi, à Manhattan, ils étaient encore là à manifester, à quelques centaines de mètres de la Trump Tower, préservée par un périmètre de sécurité. Sans relâche depuis un certain mardi soir, qui s’est soldé par l’élection de Donald Trump.

Une jeune fille en larmes est soutenue par sa mère. Une autre femme est venue avec sa petite de six ans, qui a elle-même dessiné sa pancarte. Ils sont là, à vouloir faire entendre leurs voix, en scandant «Not my president». Ou «No fear, no hate!». Ou encore: «Stronger together». Et, en boucle, «Wake up, America!». Des jeunes surtout, dont certains confient vivre un vrai cauchemar depuis plusieurs jours. Les policiers les ont éloignés de la fameuse Tour où vit le milliardaire. Les rues sont bloquées et ils ne peuvent désormais manifester que là où on leur dit d’aller. Mais les policiers restent respectueux.

Depuis plusieurs jours, ces manifestants, motivés et énergiques, scandent, hurlent, manifestent, expriment leur colère, et font désormais partie du paysage. Je sens que ces quatre prochaines années comme correspondante vont être passionnantes à couvrir.

De la taille de la dinde à l’élection d’un Donald

Dès l’arrivée à l’aéroport JFK de New York, on m’avait avertie. «Faites attention à ne pas devenir folle!», s’était exclamé le douanier, un grand sourire aux lèvres en comprenant que j’étais une journaliste qui allait désormais traiter, pendant quatre ans, de politique américaine. Je vais essayer. C’était plus d’une semaine avant l’élection de Donald Trump. Mais très vite, j’ai été prise par un tourbillon d’énergie incroyable, touchée par une sorte de vertige permanent, frappée par la gentillesse des gens, fascinée par les scènes de vie dans les métros new-yorkais, où l’on croise un certain nombre de sympathiques huluberlus.

Mes premiers jours ont été intenses. Près de trois heures de subway quotidiennes – mon choix d’Airbnb dans une cave de Flatbush East n’a pas été des plus réussis… – et vingt-deux appartements visités. Pour les logements, c’est de la folie. L’offre est pléthorique. Et, oui, il est possible d’arriver à New York un samedi et d’emménager dix jours plus tard . Un exercice qui permet de se frotter au monde des «brokers» et autres agences, de visiter autant des appartements dans des brownstones, avec beaucoup de charme, mais un rien désuet, que des immeubles proposant de nombreuses «amenities». De la salle de gym, au barbecue sur le toit, en passant par les «spa» pour chiens. 

images

Et là, on s’aperçoit que nos critères ne sont pas vraiment ceux des Américains. Pour moi, c’est surtout la lumière et la situation qui me semblent importantes. Mais, à deux reprises, on a tenté de me vendre un appartement à cause de son four. Oui, un four. «Vous pouvez mettre une très grande dinde dans ce four!», a tenté de me persuader Victoria. Un Monsieur très distingué dans un appartement donnant sur Prospect Parc en plein coeur de Brooklyn, était lui encore plus fier de son coup, en me montrant son four version deux en un: «Vous voyez, pendant que vous ferez dorer votre dinde, vous pourrez en même temps faire cuire les légumes qui l’accompagnent, dans le deuxième petit four au-dessus». Ah.