WikiLeaks: les révélations qui font mal à Hillary Clinton

On comprend aujourd’hui pourquoi Hillary Clinton a refusé de publier ses discours prononcés auprès de plusieurs institutions financières de Wall Street. WikiLeaks a publié vendredi des extraits de ces allocutions. Bien qu’il s’agisse d’extraits et qu’on n’ait pas l’intégralité de la pensée exprimée par l’ex-secrétaire d’Etat, ils pourraient avoir un impact considérable sur la démocrate dans la course à la Maison-Blanche. Grassement payée (près de 600 000 dolllars au total pour ses discours à Goldman Sachs), elle y déclare qu’elle est foncièrement en faveur du libre-échange, qu’elle serait prête à équilibrer le budget fédéral et à augmenter l’âge permettant de toucher Social Security (retraites).

Elle dit rêver de “frontières ouvertes et de libre commerce” au sein de l’hémisphère occidental. Comme le souligne le New York Times, elle se réfère à Abraham Lincoln qui savait négocier en coulisses et tordre les bras des gens avec qui elle négociait. Elle juge nécessaire d’avoir toujours un regard  public et privé sur les problématiques. Elle reconnaît même que la fortune grandissante des Clinton l’a en quelque sorte “beaucoup éloignée” des préoccupations de la classe moyenne. Depuis qu’ils ont quitté la Maison-Blanche, les Clinton ont gagné environ 120 millions de dollars par des discours tenus ici et là.

Hillary Clinton déplore le fait qu’après la crise financière de 2008, il soit devenu toujours plus difficile pour des gens fortunés de travailler au sein du secteur public et du gouvernement. En automne 2013, dans un débat en présence de Lloyd Blankfein, un ami et le patron de Goldman Sachs, Hillary Clinton relève qu’il est trop simplificateur de faire porter le chapeau de la crise financière de 2008 au secteur bancaire.

Les extraits ont été obtenus par un piratage de la messagerie de l’actuel chef de la campagne de la démocrate, John Podesta. L’action serait imputable à des hackers russes.

©Stéphane Bussard Convention démocrate, Philadelphie
©Stéphane Bussard
Convention démocrate, Philadelphie

L’affaire pourrait fortement porter préjudice à Hillary Clinton. Motif? Elle met à nouveau en relief le problème de confiance dont souffre la démocrate auprès de l’électorat. Au cours des primaires démocrates, elle n’a cessé de déclarer qu’il n’y avait aucune banque qui était “too big to fail”. Elle s’est fortement opposée au Partenariat transpacifique, un traité de libre-échange entre douze pays de la zone Asie-Pacifique qui représentent 40% du commerce mondial et que le président Barack Obama a réussi à conclure. Or quand elle était encore secrétaire d’Etat, elle a parlé du traité comme de “l’étalon or” du commerce. Elle a viré à 180 degrés au cours des primaires pour faire face à son rival Bernie Sanders qui a tenu un discours très puissant contre Wall Street et contre les traités de libre-échange.

Sans l’électorat de Bernie Sanders, Hillary Clinton pourrait avoir beaucoup plus de mal à se faire élire le 8 novembre prochain. A moins que les problèmes de Donald Trump pèsent encore davantage dans une course à la Maison-Blanche pour le moins déconcertante.

 

2 réponses à “WikiLeaks: les révélations qui font mal à Hillary Clinton

  1. Il est curieux que vous vous fassiez ici l’écho du « Hillary Clinton Bashing » qui caractérise fréquemment la presse d’outre Atlantique et qui a été si justement dénoncé par le Prix Nobel d’économie Paul Krugman dans un article récent. En effet, les documents Wiki Leaks que vous citez ne contiennent pratiquement aucun élément nouveau concernant Hillary Clinton puisque les positions qu’elle prend en faveur du libre échange dans ses présentations au gens de Wall Street sont les mêmes que celles qu’elle a défendu publiquement préalablement. Elle a ensuite changé d’avis durant la campagne ce qui est son droit le plus strict et ce que font beaucoup de politiciens de tous les camps. Remarquez par exemple les changements de position de plusieurs candidats Républicains (dont Donald Trump) au sujet de l’avortement. En d’autres termes on peut dire comme pour une étude récente de l’AP au sujet de la Fondation Clinton : There is no there there. Par contre, le fait que des hackers instrumentalisés par Vladimir Poutine pénètrent la sphère privée de M. Podesta ainsi que la confidentialité des discussions de son organisation sans qu’un intérêt public majeur ne soit en jeu puisqu’il n’y a pas vraiment de révélations ne semblent pas vous inspirer. Je vous signale par ailleurs que les sites analytiques de sondage électoraux tels que 538.com constatent que les électeurs de Sanders se sont largement ralliés à Hillary Clinton. Je signale également que je n’ai personnellement aucun lien quelconque avec la campagne de Mme Clinton que je ne connais pas par ailleurs.

    1. Monsieur, merci de votre message et de votre intérêt. Il n’est pas question de faire, comme vous le suggérez, du “Clinton-bashing”. Pour avoir suivi aussi bien Hillary Clinton que Bernie Sanders lors des primaires, je peux vous confirmer que les propos qu’elle tient à Wall Street et dont on a des extraits par WikiLeaks ne correspondent pas à la campagne qu’elle a menée pour battre Bernie Sanders. Comme vous le soulignez, on peut tout à fait changer d’avis. Mais prenons le seul Partenariat transpacifique. Elle l’a défendu ardemment quand elle était encore secrétaire d’Etat, puis soudain, sous la pression de Bernie Sanders, s’y est opposée, précisant que les termes du traité de libre-échange avaient changé et n’étaient plus aussi bénéfiques aux Etats-Unis. Les termes ont un peu changé, mais ils sont en l’occurrence plus favorables pour les Etats-Unis! 538 a effectivement sondé les partisans de Bernie Sanders et près de 85% d’entre eux semblent vouloir soutenir Hillary Clinton. Mais j’en connais aussi qui n’iront pas voter et on entend plusieurs d’entre eux, depuis vendredi, qui disent déjà ne plus vouloir aller voter. Je n’ai personnellement pas inventé les problèmes de confiance dont souffre Hillary Clinton au sein de l’opinion publique. Et le New York Times lui-même, qui soutient Clinton, a mis en évidence l’ambivalence de la candidate au sujet de Wall Street.
      Cela dit, vous avez raison. Il faut mettre ces problèmes en perspective. Face à un Donald Trump, H. C reste une candidate très compétente et hautement qualifiée. Ses problèmes d’éthique ne devrait pas l’empêcher d’exercer au mieux la fonction de présidente. Quant à WikiLeaks et la Russie, je peux vous rassurer. J’ai écrit de nombreux articles pour dénoncer cette ingérence inacceptable dans les affaires intérieures américaines. Bien à vous.

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