Pépites : quand la réalité change de dimension
Du Léman aux sommets des Alpes, de Kyoto à Zurich, de Pompéi à l’île de Pâques, Sylvie Blondel nous invite à effectuer un voyage dont la douceur et la légèreté ne sont que de trompeuses apparences. Avec un raffinement cruel Pépites, son dernier livre, un recueil de nouvelles paru aux Éditions L’Âge d’Homme, nous distille des instants de vie dont la sérénité n’est qu’une surface au fallacieux miroitement. On entre dans son livre en toute confiance, séduit par l’élégance de l’écriture et, mot après mot, l’on se retrouve, on ne sait pas comment, témoin de relations familiales péniblement banales, dans un accident d’avion, dans des amours impossibles et des ruptures abruptes, dans des viols ou des féminicides. Avec Sylvie Blondel pas de description trash. Juste un basculement de la réalité. Une altération des perceptions qui nous emmène dans des mondes étranges proches de la folie. On croit partir pour un périple autour du monde alors qu’en réalité elle nous entraîne dans l’inconscient de ses protagonistes or, ce que l’on y trouve, est souvent féroce.
Pépites : extraits
« Depuis mon plus jeune âge, j’aimais le sport. Ce qui me plaisait c’était le sprint : partir comme une flèche, tout donner pendant deux minutes et m’écrouler à bout de souffle. » La nuit verte
« Au petit matin, j’aime me rendre sur les berges pour prendre des photos des montagnes. Le Grammont noir ne m’inspire pas, je préfère les pentes bleu pâle alentour. En face, dans les hauts de Vevey, les vignes dorées sont nimbées de brume. » Café crime
« Il eut honte d’avoir été aussi excentrique. En vieillissant, il s’était un peu ouvert aux autres, il était moins imbu de lui-même : il souffrait de la solitude après son divorce. Un point commun avec Danaé.
Il aurait donné n’importe quoi pour une soirée d’amour, n’importe quoi pour serrer une femme dans se bras, n’importe quoi pour retrouver le désir.
L’apparition de Danaé, par les voies insondables d’Internet ou du destin, tombait à pic.
Il y vit sa dernière chance de bonheur. Il décida de lui rendre visite à Genève ou elle résidait. » Modification
« On choisit d’être hanté par le diable. Il aime à se loger au creux d’une âme vide ou plutôt avide de sensations troubles. Le diable vient toquer à la porte, jour après jour, sous différentes formes, jusqu’à ce qu’on affronte son démon intérieur. Marguerite était persuadée que son bonheur viendrait de l’extérieur sous une forme magique. » Le diable est ici
« Nous avions la même taille, raison pour laquelle le metteur en scène nous avait choisis. Nous formions un couple par la magie du théâtre, des jumeaux en somme.
Sur scène nous étions deux soldats encagoulés et pétrifiés. Gardiens du palais d’Hérode, visages couverts d’un bas nylon couleur chair, uniforme noir.
Te souviens-tu ? Nous étions deux soldats étouffant sous les projecteurs ». Quelque chose entre nous
« La vie est longue. Trop longue, mais je ne m’ennuie pas. Je suis bien ici. C’est l’essentiel. » La maison vide
« A un certain moment, la femme est nue. Elle se promène. S’étire gracieusement. Elle passe sans doute à la salle de bain, car la caméra n’a rien enregistré pendant au moins trente minutes. Elle s’est lavée et a nettoyé ses vêtements, les a longuement passés au sèche-cheveux rangés dans le placard. Masami ne devait pas sentir d’odeur suspecte ». Dévorer
« Mon passeport suisse et mes mains innocentes ne me dispensent pas d’ouvrir ma valise. Tout y est désordre après les secousses de l’avion. L’employé aux gants blancs examine mes affaires. Il émet des paroles étouffées sous son masque de coton blanc, il parle une sorte d’anglais saccadé, enseigné à l’école par des professeurs qui ne sont jamais sortis de leur pays. Je me fais répéter ses paroles et feins avoir compris. Je réponds à ses questions sur mes objets que je peine à reconnaître. J’explique une nouvelles fois les raisons de ma visite : c’est écrit en majuscules sur ma fiche d’entrée : visite amicale à une connaissance de Fukuoka. Un système de flicage qui ne me dit rien de bon.
Fukuoka est le chef-lieu des Yakuzas, la mafia japonaise, on attend longtemps avant de traverser la rue et il y a des embouteillages sans fin. Quel rapport ? Eh bien, les Yakuzas gèrent le marché des sémaphores, ils ont donc tout intérêt à installer des feux de signalisation tous les vingt mètres. On marche et on attend. Le feu est rouge. » Loin du réconfort
Sylvie Blondel : la biographie
Sylvie Blondel, romancière, est née à Lausanne. Après des études de lettres modernes à l’Université de Lausanne, elle devient professeur de français au gymnase. Un parcours jalonné d’autres activités, notamment le journalisme à Radio Suisse Internationale ainsi que le théâtre. Son recueil de nouvelles : « Le Fil de soie », éditions de l’Aire, 2010, s’inspire de ses voyages. En 2015, elle publie le roman : « Ce que révèle la nuit », PEARLBOOKSEDITION, qui relate la vie d’un astronome vaudois du 18e siècle. D’autres textes figurent dans des recueils collectifs : « Le livre des Suites » éditions l’Âge d’Homme, 2018 suivi de « Tu es la sœur que je choisis » éditions d’En bas, 2019. En 2021 paraît un nouveau recueil de nouvelles : « Pépites », aux éditions l’Âge d’Homme.
Remarque : le recueil de nouvelles « Le Fil de Soie » est disponible en livre audio (3 CD), sur demande, auprès de l’auteure.
Vous pouvez également retrouver Sylvie Blondel dans ce blog, en cliquant ici, dans une entrevue réalisée lors de la parution de son roman « Ce que révèle la nuit ».
Sources :
- Pépites, recueil de nouvelles, Sylvie Blondel, Éditions L’Âge d’Homme
- Association Vaudoise des Écrivains


Des livres et documentaires racontent les actions et la bravoure de cette grande dame, dont une série de bandes dessinées parues chez
« Le regard qu’ils portent sur cette histoire a une qualité essentielle : ils l’abordent du point de vue de l’enfant. Cette tradition du dessin simple, au vibrato sensible doté d’une probité impeccable, nous la connaissons bien : elle est de la lignée, puissante parce que poétique, éternelle parce que authentique et universelle, du Petit Nicolas de
sont également aventurés dans l’après-guerre pour nous raconter les exactions du régime communiste, ainsi que quelques décennies plus tard à la rencontre des enfants, devenus adultes, qu’Irena a sauvés. La trame, souvent entrecoupée de scènes de tortures, est allégée par des moments où Irena imagine son père, un homme bon décédé très jeune, près d’elle et fier de son engagement. Des instants de tendresse tout aussi poignants que les scènes les plus dures.








Mémoire des cellules, Marc Agron, roman, éd. L’Âge d’Homme


L’Horizon et après, Bernadette Richard
Sophie a grandi en province, entourée de rivières où elle péchait l’écrevisse avec les mains. Lors d’une soirée, elle rencontre Marcus. Rapidement, elle en tombe amoureuse. L’homme, un comédien reconnu qui vit à Paris, lui fait comprendre que ce coup de foudre est réciproque. Dans un premier temps, il se comporte en amoureux parfait. Ensemble, ils passent des moments merveilleux. Le charme opère. Envoûtée, Sophie, qui pourtant se méfiait de la passion amoureuse, change radicalement sa vie pour lui plaire. Elle en vient même à déménager, à changer de région, pour se rapprocher de lui. Mais Marcus montrera très vite sa face obscure, celle d’un manipulateur qui la sadise psychologiquement. Quand elle ose le confronter à ses mensonges et incohérences, il devient verbalement violent et humiliant. Les réactions irrationnelles, voire hallucinantes de son compagnon, mènent Sophie à la culpabilisation puis à la dépression.
Ce roman graphique raconte une histoire vraie. Celle qu’a vécue l’illustratrice et narratrice du livre. Relatée avec beaucoup d’humour, on s’y plonge comme dans un Tintin. D’autant que Sophie Lambda a eu l’excellente idée d’y introduire son ours Chocolat, une peluche gourmande qui s’adonne joyeusement à quelques vices dont l’ivrognerie. Spirituel, cocasse et plein d’à propos, Chocolat ne manque pourtant pas de sagesse puisqu’il tient le rôle de l’ange gardien ou de voix de la conscience. Bien qu’elle soit éducative, « Tant pis pour l’amour » est une BD distrayante et amusante.
Un passage de la BD m’a particulièrement interpellée : quand Sophie explique qu’il ne faut pas confondre sauver sa vie et sa santé mentale avec la lâcheté ou 
Illustratrice autodidacte, elle est née en 1986 à 
Dèdè est obligé d’abandonner sa ferme dans le Jura bernois après cinquante ans de labeur. En plein hiver, il part sur les routes accompagné d’un jeune âne. Avec son équipage, il espère descendre, à pied, dans le sud de la France en s’arrêtant de ferme en ferme pour y trouver assiette et logis selon la coutume des journaliers d’autrefois. Empreint de tradition et de souvenirs bienveillants, Dèdè s’imagine que les paysans lui ouvriront leur porte comme lui-même ouvrait la sienne quand il possédait sa propre demeure. Il doit déchanter. De nos jours les campagnes se sont repliées sur elles-mêmes. A peine si on les laisse, son âne et lui, malgré une température peu clémente, s’installer sous le toit d’une remise. Ces mœurs, nouvelles et hostiles, n’améliorent guère la mélancolie et les idées suicidaires qui le rongent depuis qu’il a été contraint de se séparer de tout ce qu’il aimait : son coin de terre, ses vieux murs, ses animaux, ses livres… Il rêvait d’accueils chaleureux, d’échanges humains et de partage, il ne trouve que des visages fermés et des battants clos. Quitter cette existence, qui peu à peu anéantit ses idéaux et lui refuse tout ce qu’il aime de la vie, le hante. Tout lui est-il vraiment refusé ? Non pas tout. Deux femmes traverseront sa route. La première, une personne mariée à un homme puissant avec qui elle s’ennuie, vénère son talent d’écrivain. Elle lui offrira admiration, échanges intellectuels, luxe et volupté. La seconde, une ouvrière qui travaille dans une boulangerie industrielle, lui apportera joie et fraîcheur, une manière d’appréhender la vie au jour le jour, de croquer l’instant sans penser au lendemain. Avec Roman de Gares, Jean-Pierre Rochat nous emmène dans le passé de Dèdè, dans la nostalgie du partage traditionnel qui se pratiquait dans les milieux ruraux ainsi que dans les idéaux de mai 1968 qui ont marqué sa jeunesse. Bercé par ses illusions, la découverte des campagnes du XXIème siècle s’avérera amère. Par bonheur, l’amour et le sexe sauveront Dèdè d’une mort à laquelle il songe trop souvent.
Jusqu’à peu, lorsqu’on pensait à l’autisme, on imaginait une personne mutique, fuyante, incapable de s’intégrer en société, parfois même entravée par un handicap mental. Cela peut être le cas mais pas forcément. L’autisme comprend un éventail de particularités cognitives d’intensité très variable, toutes regroupées sous le terme générique de Trouble du Spectre Autistique (TSA). L’autisme est un trouble neuro-développemental, d’origine biologique, avec un large spectre de spécificités. Il serait plus juste de parler des autismes plutôt que de l’autisme. Le niveau d’intelligence des personnes avec un TSA va d’une intelligence supérieure à une déficience intellectuelle sévère. Le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme sans déficience intellectuelle ni retard de langage même si, contrairement à une autre idée reçue, toutes les les personnes ayant ce syndrome ne sont pas surdouées ou fortes en mathématiques.
C’est de cette forme d’autisme dont a longtemps souffert Julie Dachez avant qu’un diagnostic ne soit posé sur les “étrangetés” qui la différenciaient de son entourage. De mettre un nom sur ses malaises lui a permis de se positionner dans la vie, de suivre des études adaptées et d’ainsi pouvoir se réaliser. A présent, elle est docteure en 

Au début de l’histoire l’on découvre Marguerite – l’un des pseudonymes de
Italie, été 1822. Le poète Percy Shelley traverse le golfe de Livourne à bord d’un petit voilier qu’il vient d’acheter. La mer est agitée. L’embarcation chavire. Le jeune écrivain meurt. Sa veuve n’a pas encore 25 ans. La douleur soudaine, brutale, anéantit la jeune femme déjà durement éprouvée par le décès de trois de ses quatre enfants. Elle entame alors l’écriture d’un cahier intitulé Journal d’affliction. Elle le tiendra jusqu’en 1844. Une œuvre bouleversante, écrite par une femme brisée qui consigne les souvenirs de son amour, de sa souffrance, de sa solitude. Ces pages sont considérées parmi les plus belles de la littérature romantique. Traduites par 



En 40 ans de créations, il est normal de changer de technique et de support, mais il y a aussi les modes. Dans les années 1970-1980, aux Etats-Unis, on a commencé à peindre les façades des immeubles, notamment à New-York, afin d’égayer la morosité de la ville. Du coup, tout le monde en voulait y compris à Neuchâtel, St-Imier ou La Chaux-de-Fonds. Même si j’ai une préférence pour l’art éphémère, comme les interventions ou les installations parce que j’y mets le monde dans lequel on vit, la peinture sur toile reste un moyen de pouvoir diffuser son art afin que les amateurs d’art puissent avoir une œuvre chez eux. Ce moyen de transmission date de la
A Paris, j’ai appris comment fonctionnait l’organisation d’évènements culturels d’une envergure européenne et au Grand-Cachot je me suis fixé des buts : exposer des gens qui n’ont jamais exposé, des personnes hors circuit. Les mettre côte à côte avec des choses inhabituelles et en même temps travailler avec des gens de la région, des montagnards, des agriculteurs de la vallée de la Brévine, puisque les personnes qui collaborent au fonctionnement du Grand-Cachot sont principalement des gens de la vallée ou du Locle. Des personnes fières que cette ferme, la plus vieille du canton, soit un lieu culturel qui depuis plus de 50 ans permet de porter un autre regard sur nos montagnes et de mettre en valeur ce qu’on a dans la région. D’autant, qu’autour de chaque exposition, il y a toujours quelque chose de musical. De temps en temps, des spectacles divers s’ajoutent, comme du cabaret, par exemple, pendant l’expo et sur les lieux de l’exposition. Le jour du vernissage, il y a un évènement musical et les week-ends suivants c’est différent. Lors du vernissage de L’Horizon et après, le comédien
Actuellement, je fais surtout du
J’ai plusieurs réponses car je n’ai pas de peinture absolue. Je pense d’abord à deux Goya : 
Cet ouvrage est l’aboutissement d’une initiative du quotidien indépendant Le Courrier. Ce journal genevois avait demandé à des écrivaines un texte littéraire: « Une parole de femme, pas forcément militante (car la littérature ne supporte pas que l’on l’enrégimente) mais portant « sur le sujet des discriminations liées au sexe » ». J’avoue qu’il m’a fallu du temps avant de me décider à ouvrir ce recueil que j’ai avalé d’une traite. Pas pour des questions idéologiques. Plutôt parce que je suis soupçonneuse. Je ne crois pas toujours ce que l’on me dit lorsqu’on tente de me vendre quelque chose. Je craignais d’avoir à lire une sorte d’essai militant, or je ne suis pas toujours d’humeur à lire un essai, encore moins un essai politique. Mais ce livre collectif s’astreint à ce qu’il annonce : des textes d’une grande force littéraire et poétique qui racontent des vies de femme sans tomber dans le militantisme ou l’esprit revanchard. Un livre dont je conseille particulièrement la lecture aux hommes qui souvent, malgré eux, ignorent les problèmes spécifiques que les femmes devons affronter. Quant à moi, comme le rôle que je me suis assigné dans ce blog n’est pas de jouer les critiques littéraires mais de présenter des livres et des auteurs qui me touchent, et que la distanciation commence aussi à me peser, je ne prendrai, en l’occurrence, aucune distance. J’avoue m’être reconnue dans plusieurs textes qui m’ont bouleversée.
Certaines personnes s’imaginent que les injustices ressenties par les femmes sont l’affaire de deux ou trois illuminées ou de quelques « harpies hystériques » comme disent beaucoup d’hommes croisés sur ma route. En réalité, les injustices faites aux femmes sont très fortement perçues par les fillettes qui ne comprennent pas le pourquoi de ces discriminations et qui se contentent mal « d’un parce que c’est comme ça ». Et ce, depuis toujours. J’ai entendu ma grand-mère dire qu’elle aurait aimé travailler comme un homme plutôt que d’être femme au foyer. Je me souviens de ma mère, me racontant sa contrariété ainsi que l’injustice qu’elle ressentait, lorsqu’elle avait une vingtaine d’années dans le Madrid franquiste de la fin années 1950, pas vraiment un endroit ou fourmillaient les idées féministes, quand ses frères cadets sortaient sans rendre de comptes à quiconque. Par contre, sa sœur et elle, largement ainées, avaient des horaires strictes et devaient fournir la liste des lieux et des personnes fréquentées. Mais à l’usure, elle a fini par plier – oh, de loin pas toujours, heureusement – et je me rappelle de mon incompréhension, quand je la voyais courir tous les midis pour préparer le dîner, après une matinée de travail et avant de repartir à la fabrique, pendant que mon père lisait le journal tranquillement installé dans son fauteuil. Mon sentiment d’injustice. Ma révolte d’être une fille plutôt qu’un garçon. De tous temps, les femmes, et surtout les petites filles que nous avons été, avons eu une conscience aiguë des dizaines d’injustices que l’on nous impose d’un « parce que c’est comme ça, parce que t’es une fille ». Beaucoup d’entre nous finissons par les intégrer. D’autres pas, et ce livre raconte des histoires dans lesquelles chaque femme peut se reconnaître à un moment ou l’autre. J’en conseille la lecture aux hommes pour qu’ils puissent mieux appréhender et comprendre l’univers de leurs mères, sœurs, compagnes ou filles, même si nous sommes toutes différentes et si nos expériences de vie sont diverses. Cependant, parmi ces textes, il y en a probablement un ou deux qui peuvent correspondre au vécu ou aux pensées de l’une de leurs proches.
Quant aux femmes disons que… le livre porte bien son titre. Chacune – ou presque – pourra se reconnaître dans l’une des histoires évoquées, chacune pourra se sentir la sœur d’une ou de plusieurs autrices.



