Prendre de la hauteur pour cadrer le travail à distance

La quasi-généralisation du télétravail pendant la pandémie a permis à de nombreuses entreprises de poursuivre leurs activités. Hors ces circonstances exceptionnelles, ce mode de fonctionnement a toutefois ses limites, et il impose une réflexion.

Un sondage publié ces dernières semaines l’atteste: le télétravail a connu un essor et un succès considérables pendant le semi-confinement en Suisse. Plus encore, la grande majorité de celles et ceux qui l’ont pratiqué en redemandent, au point que l’opinion le voit se généraliser rapidement dans le monde de l’économie. Il est vrai que ce mode de fonctionnement, qui s’est imposé de facto en raison de la crise du Covid-19, a permis à de nombreuses entreprises de maintenir une bonne partie de leurs activités. Il a eu par ailleurs un impact positif – même momentané – sur le climat et l’environnement, et a permis aux collaborateurs de faire l’économie de trajets et de se sentir probablement moins stressés.

Le «home office» a des vertus indéniables, mais il n’est toutefois pas sans défauts. J’estime même que cet aspect a été relégué au second plan, voire carrément occulté dans le contexte de cette crise sanitaire. Tout d’abord, le télétravail à 100% permet l’exécution de tâches, même complexes, depuis n’importe où dans le monde: la comptabilité en Malaisie, le service desk au Liban. C’est assurément pratique, mais les conséquences sur le marché du travail indigène peuvent être très lourdes. En outre, il prive les commerces situés aux abords des entreprises de revenus substantiels, car lorsque je travaille à distance, je ne mange plus l’assiette du jour, je ne vais plus à l’onglerie et je commande tout sur internet.

Rien ne remplace le contact direct

Au-delà de ses effets directs sur l’économie, ce mode de fonctionnement n’est à l’évidence pas fait pour tout le monde, notamment pour des questions d’espace. Exercer son activité professionnelle depuis un appartement exigu occupé par plusieurs personnes ne permet certainement pas de l’accomplir dans les meilleures conditions. Certains collaborateurs, par ailleurs, n’apprécient tout simplement pas de travailler à distance. En outre, il est à mon sens essentiel qu’une bonne partie de ces tâches soient effectuées au sein de l’entreprise, car rien ne remplacera jamais le contact direct avec les collègues, ni même les pauses à la cafétéria qui, bien souvent, stimulent les échanges et renforcent l’esprit d’équipe.

À l’aune du développement fulgurant que connaît le numérique, il n’est bien sûr pas question de renoncer au télétravail. Il me paraît en revanche indispensable de porter une vraie réflexion sur ce phénomène appelé à durer. Les entreprises pourraient par exemple établir une charte, définie entre l’employeur et les collaborateurs, dans laquelle elles dresseraient la liste des tâches que l’on peut remplir à distance et de celles qui ne le peuvent pas. Une telle démarche rendrait ce nouveau mode de fonctionnement transparent et profitable à tous.

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Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

3 réponses à “Prendre de la hauteur pour cadrer le travail à distance

  1. Chère Madame AMSTEIN, votre analyse systémique à propos du “home office” relève d’une perception de la réalité socio-économique qui n’est pas encore sauf erreur légifère. Ce vide juridique porte atteinte directement aux collaborateurs.trices. Votre solution d’une charte est la réponse à ce manque légal étant donné que le télétravail avec ses points forts ses lacunes ses faiblesses se sont révélées en plein jour au travers de l’urgence de solution pragmatique de la gestion des risques de la première crise sanito-économique de notre XXIème siècle, siècle de grands bouleversements sociaux qui seront amplifiés dès que la génération alpha intègrera le marché du travail en Suisse, au sein de nos partenaires de l’UE et des USA particulièrement.

  2. On ne va pas travailler pour alimenter les petits commerces locaux ni pour consommer plus de carburant , c’est le contraire qui se produit : les petits commerces suivent les places de travail ! De même qu’on ne maintient pas les places d’armes pour soutenir le commerce !
    Les commerces doivent aussi apprendre à s’adapter , globalement les dépenses quotidiennes vont rester les mêmes , mais peut-être pas au même endroit.
    La question fondamentale reste l’équilibre entre la vie sociale et la vie privée, entre l’efficacité et les coûts ainsi que les avantages du point de vue écologique puisque l’usage des transports sera d’autant réduit grâce au télétravail .
    L’équilibre se produira dans la durée en laissant plus de liberté aux travailleurs et en accompagnant la tendance dans un sens ou un autre selon le concept gagnant-gagnant …

  3. Effectivement rien ne remplace le contact direct. La communication non verbale ne passe pas avec le télétravail et pourtant elle joue un rôle important. Ceci sans compter tous les problèmes qui se résolvent à la pause café que ce soit des problèmes de relations humaines ou des problèmes purement professionnels.

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