Vivre grâce à l’aide sociale : il est compliqué de retrouver l’indépendance face à l’Etat. Un cercle vicieux !

Ma famille, néerlandaise d’origine, dira que c’est le luxe, que nous sommes bien aidés. Trop ? De l’argent est-il jeté par la fenêtre ? Cela nous rend-il vraiment service ? C’est beau dans les faits au premier abord. Les conséquences sont pourtant désastreuses.

Réformer le système ? Oui, c’est amplement nécessaire. Mais pas n’importe comment. Pour aboutir à un meilleur fonctionnement, il est nécessaire d’y passer du temps. De mener des débats. Qui pourront parfois être longs. Difficiles. Mais indispensables à mon sens. Surtout que le dossier est grand. Selon Le Courrier, 15% de la population bénéficie de l’aide sociale. En dix ans, la durée moyenne de prise en charge est passée d’un peu moins de deux ans à plus de quatre ans et demi. Problèmes avec un « s » ! Il ne faut pas traîner. Pour le bien de la population. Pour la sérénité de la société. Pour les comptes de l’Etat. C’est l’essence même de mon engagement politique et de ma candidature au Grand Conseil.

Ayant eu un grave accident, vivant avec un handicap, côtoyant de nombreuses personnes soutenues par l’aide sociale qu’elles soient en situation de handicap ou réfugiées et enfin, ayant un certain recul vis-à-vis les défaillances du système, mes expériences m’ont donné la « chance » de le voir et le « toucher » de l’intérieur. D’avoir un œil critique. D’apporter un éclaircissement. Il faut arrêter de se voiler la face : cette aide qui devrait être ponctuelle dans une grande partie des cas (elle est permanente lors d’une « incapacité totale de travailler) tend à y maintenir les bénéficiaires plus longtemps, voir toute leur vie. Ça, ce sont des sacrés coûts. Je lève le voile : tous savent de quoi on parle, mais peu de personnes osent en parler, particulièrement les bénéficiaires.

Comment en arriver là ?

Quelque soit la manière dont on arrive à l’aide sociale – l’AI et l’Hospice générale fonctionnent sur le même modèle (bien que la réforme ne traite que des aspects cantonaux et non fédéraux) -, on y est plutôt bien. Indemnisé. Tous les mois. Au bénéfice de subsides d’assurance-maladie, eux-mêmes basés sur son revenu ; souvent, il n’y en a pas et l’assistance est maximale. Plus le droit aux prestations complémentaires. Selon la capacité de travailler de ladite personne, une formation sera proposée au cours de ce que l’on appelle une réinsertion professionnelle. Encore mieux. Tout est payé. Encore mieux qu’une rente (c’est stimulant), nous obtenons des indemnités journalières, une aide pour les transports si nécessaire…

Des exceptions

Étudiant à mi-temps et sans autre activité lucrative, je pouvais payer mon loyer et me payer une semaine de vacances par an. Mais je me dois de les féliciter pour avoir été visionnaire avec moi (bien qu’il m’a fallu un avocat) : comme mon éducation familiale le favorisait, je me devais d’aller à l’université. Chose faite. Cet investissement m’aura permis d’avoir plus d’autonomie et, de garder l’espoir d’être une fois pour toute, quand je serai capable de l’assumer (tout en gardant mon 50%), indépendante vis-à-vis de l’AI, des prestations complémentaires et donc de l’Etat. Car, pour moi, tenir sur mes propres jambes dans tous les sens du terme mène à la satisfaction. À la fierté aussi. La petite partie des personnes dans la même situation que moi devrait pouvoir le faire. Les autres doivent y être encouragées. Petit-à-petit. Étape par étape. D’une manière sereine. Impossible pour l’instant !

Dans la réalité

Ça ne se passe pas d’une façon limpide : tant qu’on est aidé, payé, la situation est confortable.  La majorité du temps, on touche une rente. Plus d’éventuelles autres prestations. Nous devons travailler, conformément aux barèmes fixés (pourcentage d’invalidité, capacités, etc). Que se passe-t-il ? Il suffit de faire le minimum requis. Et si on travaillait plus ? On n’y gagne rien. C’est déduit. Pourquoi alors le faire ? Cela n’a pas de sens ! Idem quand on est un travailleur indépendant et que notre bilan a évolué d’une année à l’autre. Sauf que là, les charges d’une année entière seront bien plus importantes à inclure (montant à rembourser), d’un coup, sans avoir pu les prévoir. Si on avait épargné plus afin de les anticiper, ça ne pouvait qu’être pire. Pourquoi alors être plus motivé et booster sa santé pour espérer plus travailler et mieux gagner sa vie ? Inutile. Ce n’est pas valorisé. Le risque à prendre de perdre l’aide attribuée lors d’un simple essai est largement supérieur au gain estimé (quasi inexistant et il ne se mesure pas financièrement). C’est tout ou rien. On est toujours perdant dans l’histoire. On sera toujours mieux à l’aide sociale, avec peu de moyens, mais quasi sans travailler. De toute façon, on n’y gagne rien d’essayer ! Pourquoi alors faire plus ? On devrait plutôt parler d’accompagnement et d’autonomisation.

Quel modèle ?

Je n’ai pas la solution sous la main. Une chose est certaine : les travaux vont se poursuivre et je serai heureuse d’y apporter mes idées du terrain. L’Aide sociale est une charge importante pour la société. Les attentes d’un système meilleur pressent. Bien qu’il soit important de prendre le temps pour apporter la meilleure solution possible à ce dossier à la fois lourd et crucial. Conclusion : si le bien-être de la population augmente, nous avons peut-être la clef… C’est le délicat mélange entre la santé, l’emploi, l’environnement, l’accès au sport, à la culture… Malgré l’urgence de révolutionner le système social. Rendre les personnes heureuses. Point qui me tient le plus à cœur. Pour moi, cela passe par les valeurs citées dans cet article : indépendance, autonomie, satisfaction. Les conditions doivent être instaurées, permettant d’y mener.

 

Celine van Till

Celine van Till défie l’impossible. Du dressage équestre au cyclisme sur route, en passant par le 100 mètres sprint, valide et handisport, elle court d’un extrême à l’autre. L’ennui n’existe pas. Les surprises attendent. Les limites sont remises en question. Elle gagne la Coupe du Monde 2022 et est aussi auteure et conférencière.

8 réponses à “Vivre grâce à l’aide sociale : il est compliqué de retrouver l’indépendance face à l’Etat. Un cercle vicieux !

  1. Merci pour votre commentaire. Cela dit je ne comprend pas l’aboutissement et la ligne directrice de votre article. Aide de l’Etat, un bienfait ou une prison? C’est ça? La vulnérabilité ne se résume pas seulement à un handicap physique. Visible celui – ci. Bravo et félicitations pour votre capacité de résilience, plasticité cérébrale etc etc. Vous êtes en quelque sorte une « handicapée » qui a pu, voulu. Et vous réussissez grâce à votre volonté. Full powerness; Un exemple exemplaire du système libéral: « Réussi celui qui veut « . Une sportive de haut niveau qui a aussi autour d’elle tout une équipe. Attention à ne pas devenir une marionnette pour un parti qui n’a pas eu peur de mentir et abuser de la crédulité de plus de la moitié des citoyens genevois. Que proposez -vous pour des personnes plus vulnérables, handicapées dans le non- visible ceux « qui ne servent à rien « , les « perdants »? Qui n’ont pas tout le staff vous entourant et vous soutenant aussi? Votre parti PLR ne propose qu’un modèle d’aide pour les gagnants, ceux qui en veulent. D’autres n’ont pas les mêmes ressources , pas les mêmes accès à l’éducation. La plupart ne connaissent même pas leur droit les plus fondamentaux. Ils sont à l’AI comme vous mais n’auront pas de possibilité d’évolution. Que proposez- vous pour ces personnes dans votre programme électoral?
    Merci de votre attention meilleures salutations.

    1. J’ai publié cet article pour rebondir sur un fait : le refus de l’entrée en matière sur la réforme de l’aide sociale et d’autres articles publiés juste avant, mais en absence de contenu. J’ai décidé de simplement apporter quelques éléments reflétant l’importance de changer/d’adapter le système. Impossible de voter pour quelque chose d’aussi essentiel dans l’urgence et sans que les députs aient pu discuter, comprendre point par point et débattre sur le dossier auparavant. Il est essentiel de faire les choses dans le bon ordre pour prétendre à une évolution durable.
      L’aide devrait être une aide comme son nom l’indique. Mais, dans la réalité et sans même sans appercevoir, on tombe rapidement dans le gouffre. Handicap visible ou non, peu importe, c’est les gens dans le besoin qui comptent : que ce soit un handicap, des réfugiés… Cet article traite surtout des conséquences liées au systèe actuel. Je vais à présent me pencher sur la vision, source dune future force de proposition. Meileures salutations.

  2. Encore une blogueuse UDC? de plus ?

    Vous avez quoi à tous et toutes à venir sur les blogs du Temps, à critiquer la rare aide aux plus vulnérables d’entre nous ?

    1. Bonjour,
      Merci pour votre commentaire (pour information, je ne suis aucunement UDC). Je n’aimerai pas limiter les aides mais les adresser aux bonnes personnes, celles qui en ont véritablement besoin (je sais moi-même combien c’est important) et aider les autres à s’accomplir. L’aide sociale est nécessaire mais elle ne doit pas maintenir les personnes qui peuvent voler de leurs propres ailes, du moins partiellement. Les personnes ayant réellement besoin de soutien pourront ainsi être correctement soutenues ou accompagnées, dans les mesures du possible, vers plus d’autonomie.

  3. Un article très intéressant et une expérience personnelle pertinente qui vous rend légitime dans ce combat.La thématique de l’aide sociale s’inscrit dans le contexte de l’économie et du monde du travail. Il est intéressant de noter que les entrepreneurs de la Silicon Valley sont des partisans ardents de l’universal basic income.
    Merci.

    1. Merci pour votre message et votre soutien. La réforme de l’aide sociale est plus que nécessaire: pour une vraie évolution, faudrait-il modifier la gouvernance ? Intégrer un leadership différent pour augmenter son efficacité et pour plus de transparence ? L’avenir nous le dira.

  4. On me demande tout le temps pourquoi je n’ai pas demandé l’AI (ou pire la magique « rente d’impotence » pour Guillaume…? Ton article fait écho à ma réponse… Et quand on a un chromosome en plus, je dirais que c’est encore plus stigmatisant et de quasi aide à l’exclusion… Moi, je demande l’inclusion… j’essaie de tenir pour éviter que mon enfant ne sorte du système avant même d’y avoir été accepté… Et attention: je ne juge pas ceux qui la demande! C’est pour ma part au péril de ma santé de mon sommeil de mon énergie de mon équilibre que je tiens… pour que ce petit bout d’homme ait une chance d’évoluer parmi les autres d’une manière « ordinaire ». Mais on n’a pas tous la même force le même temps la même énergie la même situation familiale… Mais oui, pouvoir faire que la personne soit heureuse, inclue, épanouie, … AUTONOME! Tu as raison, j’en rêve et je me battrai pour ça tant que je le pourrai! Alors à ceux qui se demandent pourquoi je ne demande pas l’AI? Ma réponse est simple et fait écho à ton article Céline: je ne veux pas stigmatiser mon enfant en le « parquant » avec les siens « pour son bien » avant même qu’il n’ait eu le droit de montrer qui il est, ce qu’il sait ce qu’il peut apprendre. Et mieux: ce qu’il peut nous apprendre… la sincérité l’empathie la simplicité l’émerveillement, une vie en réalité bien moins compliquée que la mienne! En réalité, ce qui crée bien souvent le handicap ou la différence ce n’est pas la différence elle-même mais bien plus le regard que la société porte sur elle, sur l’enfant, l’adulte dit « différent »… Courage pour ce chantier et ces nouvelles voies à tracer! À ta disposition si besoin de visions du terrain d’autres angles de vue😉

    1. Merci pour ton message, chère Alexandra. J’ai beaucoup de respect et d’admiration comment tu gères cela, comment tu gardes une vision claire du système (c’est plus simple d’y entrer que d’y sortir) et tu l’analyses. Ton article fait surtout écho à l’inclusion à l’école (et non pas à l’école inclusive). Nous pouvons volontiers échanger : il y a suffisamment à faire pour ce vaste chantier. Merci pour ton soutien.

Les commentaires sont clos.