Le 9 mai 2082

En ce 9 mai 2016, nous célébrons la Journée de l'Europe, en souvenir d'un autre 9 mai, en 1950, où la première pierre du projet européen a été posée. Car il y a exactement 66 ans, Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères français, a uni dans un même futur la France, l'Allemagne de l'Ouest, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg en suggérant la création d'une Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA).

Six décennies après, la CECA a laissé place à une alliance agrandie de pays, l'Union européenne (UE). Malgré ces avancées importantes qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, auraient semblé impossibles, de nombreux défis attendent l'UE ces prochaines années  et non des moindres  qui mènent tous à cette question: l'Europe est-elle encore fidèle à ce qu'avaient imaginé les pères fondateurs? En ce 9 mai 2016, il serait bon de se replonger dans la Déclaration Schuman du 9 mai 1950.

«La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent». C'est par ces mots centraux que commence la Déclaration Schuman, rappelant que rien ne pourra être atteint sans un travail intense. A cela s'ajoute également la solidarité nécessaire pour accomplir ces efforts, ainsi que de la patience: «L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait». C'est donc un appel à la solidarité, aux efforts et à la patience qui a formé «les premières assises concrètes d'une Fédération européenne indispensable à la préservation de la paix» et a permis de changer à jamais «le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes»[1].

Que reste-t-il aujourd'hui de ces premières pierres, valeurs centrales du projet européen? Force est de constater qu'elles sont en proie à des maladies ayant pour nom nationalisme, isolationnisme et frontières et qu'elles ont revêtu une couverture noire cousue des peurs de l'Autre et brodée de fausses promesses de sécurité et de prospérité.

Et si nous tournions l'horloge du temps jusqu'au 9 mai 2082, soit dans exactement 66 ans, que sera devenue l'UE? Sera-t-elle ravagée par une guerre civile entre ses Etats-membres ou au contraire les réformes nécessaires auront-elles été appliquées, la démocratie renforcée et les nationalismes maîtrisés? Les citoyens de l'Europe auront-ils dû immigrer en Syrie et en Afganistan, devenus un Eldorado de paix et de richesse ou vivront-ils en harmonie sur un territoire multiculturel?

Je n'ai pas de réponse à ces questions mais je sais une chose: nous sommes à mi-chemin entre 1950 et 2082. Il n'est donc pas trop tard pour remettre l'UE sur la voie imaginée par les pères fondateurs. Mais ne perdons pas trop de temps pour créer cette «Europe qui parle d’une seule et même voix […] dans toutes ses langues, de toutes ses âmes»[2], car l'horloge tourne. Inexorablement.

 


[1] Retrouvez la déclaration dans sa totalité sur le site http://europa.eu/about-eu/basic-information/symbols/europe-day/schuman-declaration/index_fr.htm

[2] Citation du poète portugais Fernando Pessoa (1888-1935)

 

Caroline Iberg

Caroline Iberg a travaillé entre 2013 et 2017 au Nouveau mouvement européen Suisse (Nomes). Elle est désormais chargée de communication à Strasbourg.