Le triathlon, c’est la compétition puissance 3

Deuxième volet du tryptique sur le triathlon, voir le premier, la Santé puissance 3. Alors que le premier billet explorait les bienfaits et les opportunités en terme de santé, je tourne ici mon regard sur les dérives trop souvent observées.

Comment, vous ne faîtes qu’un seul sport ? 

La devise est bien connue, citius, altius, fortius : toujours plus vite, plus haut et plus fort. Au-delà des prouesses olympiques et des idéaux d’antan, notre société pousse à la performance (et pas qu’à la consommation). Pratiquer un sport intensément devient presque insuffisant, tant on constate l’engouement pour les activités multi-sports comme le triathlon. Nous avons vu dans le dernier billet (La Santé puissance 3) que le triathlon pouvait très bien se marier à la santé en variant « raisonnablement » les plaisirs. Ceci est sans compter l’impératif de performance qui découle d’une certaine nature humaine révélée par l’évolution sociétale. On veut en faire plus, atteindre de nouveaux sommets, multiplier les efforts, de peur de passer à côté de l’excitation et la reconnaissance parfois faussement attribuée à ces exploits physiques. Trois, c’est plus qu’un, non ?

Les sportifs et le triathlon

Le triathlon, soit l’enchaînement de la natation, du vélo, puis de la course à pied, le tout sans interruption, présente de multiples opportunités de compétition. Tout d’abord sur le plan sportif, avec la recherche de la meilleure performance globale et dans chacune des disciplines. L’entraînement au triathlon va pousser les sportifs à se dépasser régulièrement dans chacun des trois sports. Sous couvert de la variété saine des activités sportives, ils en feront volontiers encore plus, souvent trop.

Les distances des compétitions permettent aussi la fuite vers l’avant, en augmentant les objectifs depuis le triathlon dit “courte distance” (500m natation, 20 km vélo, 5 km course) jusqu’à l’Ironman (3.8 km – 180 km – 42.2 km !), en passant par diverses possibilités intermédiaires. Les volumes d’entraînement vont alors prendre l’ascenseur, en ignorant les signaux du corps, jusqu’à l’atterrissage (l’escale ?) fréquente à ma consultation : douleurs, blessure, fatigue, épuisement physique, décalage social.

La course aux armes

Le développement des outils de mesures de la performance (montres connectées, puces individuelles lors de la compétition) ouvre la porte à l’analyse minutieuse et à la décortication scientifique de l’effort. Les comparaisons deviennent multiples et inéluctables, facilitées, encouragées même, par la technologie et les applications de partage social. Ces outils qui devraient servir à suivre le développement de l’entraînement et à adapter ses efforts, devient générateur de dépassements de soi répétés, et d’anxiété. Or, leur fonction devrait tendre à favoriser la récupération et la progression.

La compétition se situe aussi au niveau du matériel : les vélos sont spécifiques au triathlon, tout comme les casques, les chaussures, les combinaisons de natation et tout l’attirail clinquant et onéreux accompagnant ces guerriers de l’effort triple.

 

La performance commence au berceau

Je m’étonne parfois de la naïveté dont je peux faire preuve encore aujourd’hui, en me rendant sur les fêtes estivales du triathlon : paysages lacustres superbes, ambiance sportive, souvent familiale, bref, une véritable image d’Epinal. Ces dernières années ont vu l’émergence des courses pour les enfants, qui représentent une belle opportunité de découverte de l’effort, sous les yeux attendris des parents admiratifs dont je fais parfois partie.

Mais comment réconcilier cette attente avec les commentaires (trop souvent) entendus des speakers enthousiastes, jugez par vous-mêmes : mention des “favoris” (âgés de 5 à 6 ans) qui se sont imposés lors d’autres épreuves, discours sur les “podiums”, encensement de la performance dans le plus pur esprit de compétition à outrance. Et que dire des envolées lyriques des parents pris, malgré eux souvent, au jeu de la compétition de leurs chérubins. Les enfants sont certes naturellement compétitifs, mais cessons de les exhorter à la performance et laissons-les plutôt exprimer leur joie du mouvement avec leurs camarades du moment. Je reviendrai prochainement sur les diverses approches du sport chez les plus jeunes, et les raisons qui motivent la nécessité d’une certaine retenue sur la notion de performance.

Vous avez nagé ? Alors pédalez vite maintenant. Oh, et n’oubliez pas de courir aussi !

Boris Gojanovic

Boris Gojanovic est médecin du sport à l'Hôpital de La Tour à Meyrin (GE). Son credo: la santé pour et par le mouvement. Sa bête noire: l'immobilisme. Il s'occupe de tous ceux, jeunes ou moins jeunes, sportifs ou non, qui pensent que bouger mieux les mènera plus loin. Il espère être un facilitateur, tout en contribuant au transfert et à l'échange de connaissances, tant dans la communauté que dans les auditoires.

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