Le « Triathlon », un Sport National puissance trois

Troisième volet post d’un tryptique sur le triathlon, voir la Santé puissance trois et la Compétition puissance 3.

Le triathlon à la mode Suisse

Les suisses se bougent, et même pas trop mal si l’on compare avec les autres pays. Environ 40% de la population pratiquent une activité physique régulière en accord avec les recommandations de l’Office Fédéral du Sport (enquête Sport Suisse 2014), avec comme principales motivations : être au contact avec la nature, améliorer sa santé, prendre du plaisir et profiter du bien-être procuré par l’exercice physique. Les activités pratiquées le plus fréquemment ? 1. La randonnée pédestre/en montagne, 2. Le cyclisme, 3. La natation. Le jogging vient en 5e position après le ski alpin. On peut donc dire sans exagérer que les suisses qui veulent se maintenir en forme, prendre du plaisir et être dans la nature….sont tous des triathlètes !

Et on peut leur donner raison.

Les triathlètes suisses

Est-ce cette culture du mouvement et de la poly-sportivité qui a permis aux athlètes suisses de prendre une place de choix dans la hiérarchie mondiale du triathlon ? Si l’on regarde la course emblématique dès les débuts du sport, l’Ironman de Hawaii (3.8km natation, 180km vélo, 42.2km course), on retrouve une très forte présence suisse sur les podiums, particulièrement chez les femmes. Sans compter les quelques premières années où les participants étaient presque exclusivement nord-américains, on peut compter, entre 1986 et aujourd’hui, 8 victoires suisses sur 21 chez les femmes (Natascha Badmann 6 fois, Daniela Ryf 2 fois, les deux dernières années). Simplement exceptionnel pour un si petit pays, de produire autant de championnes, et ce n’est pas fini si l’on considère la domination actuelle de Daniela Ryf sur les longues distances. Elle vient d’ailleurs de remporter les championnats du monde de demi-ironman, après ses victoires de 2014 et 2015.

Dès 2000, le triathlon est devenu discipline olympique avec des distances de 1500m de natation, 40km de vélo et 10km de course. La première édition a vu la victoire d’une suissesse, Brigitte McMahon, avec le bronze de Magali Messmer. En 2012 à Londres, une nouvelle suissesse conquiert l’or, Nicola Spirig, qui prendra encore l’argent à Rio en 2016. On compte ainsi 4 médailles suisses sur 15 possibles aux JO (seule l’Australie fait mieux avec 5 médailles, mais une seule en or). Chez les hommes, Sven Riederer a conquis le bronze à Athènes en 2004.

Les jeunes talents se pressent au portillon et la relève apportera sans doute de nouveaux héros helvétiques du triple effort dans les années à venir, pour autant qu’ils puissent bénéficier des conditions leur permettant d’aller au bout de leur passion sportive de haut niveau.

Le sport de performance à la croisée des chemins ?

Si la culture du mouvement et la récente histoire sportive helvétique a permis de positionner la Suisse en incontournable nation du triathlon, cette dernière n’est pas acquise pour autant. La professionnalisation des sports entraîne des demandes de plus en plus importantes sur les jeunes athlètes : intégrer un entraînement intense en heures et en temps de récupération nécessaire se marie de moins en moins bien avec les impératifs académiques et sociétaux. Les difficultés sont tant financières que physiques et nos jeunes athlètes talentueux ont besoin de pouvoir bénéficier de structures adaptées et d’encadrement professionnel pour pouvoir perpétuer cette excellence des 20 dernières années.

Nous avons vu, dans ces trois billets sur le triathlon, qu’il constituait une belle opportunité de santé durable sur son principe de mélange d’activités, un danger d’hyper-compétitivité et de dérive dès le plus jeune âge, et aussi qu’il contribuait à l’image sportive de la Suisse sur le plan international par les performances extraordinaires de nos représentants les plus assidus.

La tradition suisse du mouvement pour le plaisir dans la nature et les performances sportives des athlètes suisses ne sont pas antinomiques et c’est à nous de reconnaître les opportunités qu’elles présentent pour la santé de notre nation. Le soutien aux jeunes athlètes commence par l’encouragement à une santé active dès le plus jeune âge, l’encouragement à la participation à de multiples activités sportives variées, avant de permettre l’intensification de la pratique, dans un environnement interdisciplinaire et respectueux de la santé.

Dans le prochain billet, la thématique et les défis du développement des jeunes dans le sport sera abordée, à l’occasion du “Young Athletes Forum” et d’un débat public (entrée libre) qui aura lieu à Montreux le jeudi 21 septembre à 20h, auditorium Strawinsky, avec notamment Léa Sprunger (athlétisme) et Charlotte Chable (ski alpin).

Boris Gojanovic

Boris Gojanovic est médecin du sport à l'Hôpital de La Tour à Meyrin (GE). Son credo: la santé pour et par le mouvement. Sa bête noire: l'immobilisme. Il s'occupe de tous ceux, jeunes ou moins jeunes, sportifs ou non, qui pensent que bouger mieux les mènera plus loin. Il espère être un facilitateur, tout en contribuant au transfert et à l'échange de connaissances, tant dans la communauté que dans les auditoires.