La lumière sur les nuits lausannoises

Il y a trois ans de cela, un été très agité avait imposé dans le débat public un nouveau mot-clé: les nuits lausannoises. A quelques reprises au cours des mois les plus chauds, des échauffourées devant l’une ou l’autre discothèque avaient dégénéré en bagarres générales – rapidement rebaptisées “émeutes” dans un langage médiatique qui apprécie de moins en moins la nuance. Certains débordements, jets de bouteilles contre des ambulanciers, détérioration de matériel public, avaient néanmoins de quoi alarmer.

Les partis, c’est leur rôle, ont formulé quelques propositions. Le débat a été fort agité durant quelques mois. Que pouvait faire Lausanne, avec ses compétences, face à ce phénomène? Que devait faire, en particulier, une majorité de gauche? Lorsque celle-ci a communiqué son projet, les échos ont été quasi-unanimes: la Municipalité choisissait une approche liberticide, basée sur le contrôle et la surveillance, et allait tuer ces nuits qui faisaient la fierté de la petite capitale de la nuit.

Lausanne a bougé

Avec trois ans de recul, et sans prétendre à juger dans leur globalité ce que sont devenues les nuits lausannoises sur le plan de la qualité, il est peut-être temps de dresser un premier bilan… Sur le plan politique, que s’est-il passé depuis 2012?

  • L’horaire limite de fermeture pour les discothèques a passé de 5h à 6h du matin. La condition: cesser de vendre de l’alcool à 5h.
  • Une évolution des horaires des bus de nuit est en cours, afin des les étaler jusqu’à 4h30, soit environ une heure avant la reprise du service normal des transports publics.
  • Une brigade dite “sécurité, intervention, prévention” sur le modèle zurichois a été créée. Composée d’agents communaux en uniformes non armés, elle vise simplement à assurer une présence susceptible de désamorcer les conflits, sans laisser ce rôle uniquement aux agents privés.
  • Les ouvertures nocturnes des salles de gymnastique des écoles ont été renforcées, afin de proposer aussi des alternatives aux jeunes.
  • Les possibilités de vente d’alcool à l’emporter ont été réduites: avec la nouvelle loi cantonale, la vente d’alcool s’arrête après 20h. Selon l’évaluation réalisée d’une mesure analogue mise en place à Genève, c’est un petit effort pour un effet intéressant sur la surconsommation problématique en particulier chez les jeunes. Aujourd’hui, avec la nouvelle loi cantonale, les magasins peuvent rester ouverts, mais doivent tirer le rideau sur le rayon alcool à 20h.
  • Les “concepts de sécurité” conclus avec les boîtes de nuit définissent plus précisément comment celles-ci doivent s’assurer de la sécurité en leur sein et à leurs abords (notamment, détecteurs de métaux, saisie des armes, nombre d’agents de sécurité).

Les nuits bougent encore…

Quiconque a passé une soirée à Lausanne durant cet été qui s’y prêtait particulièrement a pu à mon avis s’en convaincre: l’ambiance nocturne qui distingue Lausanne n’a pas disparu. Avec 30 établissements nocturnes, Lausanne a perdu quelques boîtes de nuit, gagné une dizaine de terrasses, et pas connu de graves troubles depuis depuis trois ans.

Oui, il y a quelques règles de plus. Non, il ne faut pas minimiser les efforts concédés par tous les acteurs, autorités comme tenanciers. Mais sauf si les mots n’ont plus aucun sens, il faut reconnaître que Lausanne la nuit en 2015, ce n’est pas exactement ce que laissaient imaginer les gros titres et leur sur-enchère de “tour de vis”, de “mesures liberticides”, de “politique anti-jeunes”, ou de “mise au pas”… Ah, et la criminalité a baissé de 18% entre 2013 et 2014. Un domaine dans lequel on peut se réjouir d’un peu moins d'”animation”…