Vécu // Soeurs pour la vie: une saga familiale où l’on conjugue habiter et vieillir … ensemble.

Témoignage d’Alain, 40 ans, au sujet de sa grand-mère Rose. La saga d’une famille qui a traversé les deux guerres et le portrait d’une femme merveilleuse que rien n’épuise.

Rose, 102 ans cette année, est issue d’une famille de 7 enfants. 6 filles et 1 garçon, Jean-Pierre, dernier de la lignée et qui a subi les caprices de ses sœurs durant toute son enfance. Mais ils sont malgré cela tous restés très unis.

1912

Le père de Rose achète un terrain et construit un chalet au bord du Lac d’Annecy. Du côté sombre du Lac, dit-on, là où il n’y a que peu de soleil. Cet endroit reste malgré tout un lieu lumineux pour toute la famille, preuve en est l’étincelle qui brille dans les yeux de celui qui me raconte : l’arrière-petit-fils Alain, assis en face de moi.

Rose et ses sœurs ont des destins incroyablement croisés. Alors que Rose épouse un militaire de carrière, sa sœur Juliette se marie avec un grand entrepreneur, fondateur d’une grande marque de produits laitiers.

Au fil des années, le Chalet au bord du Lac d’Annecy de cette grande famille aisée s’agrandit et des étages sont ajoutés. C’est l’endroit des retrouvailles en été, frères et sœurs, oncles et tantes, enfants et petits-enfants. Avec le temps, le Chalet compte 24 pièces à vivre.

Geneviève, l’une des sœurs, déteste son prénom et se fait appeler Caroline (quand on pense qu’on finira par l’appeler Tante Caca, m’avoue Alain, c’est un comble !). Elle épouse un chevalier de la Légion d’honneur qui meurt en héros à 29 ans sur le plateau des Glières. Elle se remariera quelques années plus tard avec un membre de la société des explorateurs français.

Caroline et son mari n’auront pas d’enfants. Ils vivent dans une maison, au cœur de la forêt de Fontainebleau. Une belle maison où elle peint et se promène beaucoup. (Dans la famille, nous aimons nous balader. Marcher, c’est être libre et indépendant, me glisse Alain)

Pendant ce temps, Rose joue du piano et s’occupe de ses 5 enfants. La famille déménage à plusieurs reprises : Rouen, Paris, Versailles. Les enfants grandissent et quittent petit à petit le cocon familial. A la mort de son mari, la maison est devenue beaucoup trop grande et Rose s’installe dans un appartement à Versailles, avec une dame de compagnie.

Caroline perd à son tour son mari et, pour parer à la solitude, elle revient vivre aux abords du Lac d’Annecy, à Sévrier. Son frère Jean-Pierre habite juste à côté.

Durant les beaux jours, toute la famille reprend ses anciennes habitudes et se retrouve au Chalet, mais le reste de l’année, il est à moitié vide.

90 ans, l’âge de l’emménagement

C’est alors, tout naturellement, me dit Alain, que décision est prise d’installer Rose et Caroline ensemble au Chalet, avec la dame de compagnie. Pour l’aspect pratique et les finances, mais aussi parce que les deux sœurs s’entendent très bien. Elles ont respectivement 89 et 97 ans !

Elles vont y vivre ensemble, heureuses, malgré leur différence de caractère. L’une est toujours à l’ouvrir et l’autre plutôt discrète. Marianne, la dame de compagnie, bénéficie de tout un quartier pour elle dans le grand Chalet.

Rose est indépendante, elle conduit jusqu’à ses 95 ans. Avec Caroline, elle marche des heures durant. Chez les Roche (son nom de jeune fille), on est solide comme des cailloux !

Caroline continue de peindre. A Noël lorsque nous y allons, tous les petits enfants savent qu’ils vont recevoir des chocolats… délicatement rangés dans une ancienne boîte de camembert ! la seule vraie question est : qu’est-ce que Tante Caca m’a peint sur la boîte cette année ?

Alain conclut 

Caroline nous a quitté en octobre 2019, elle allait fêter ses 92 ans. Rose a fêté ses 101 ans et vit toujours au Chalet, avec la dame de compagnie. Certains jours, quand Marianne n’est pas là, c’est ma mère qui prend le relais. Elle et ses frères et sœurs n’ont qu’un souhait, que leur maman Rose reste jusqu’à son dernier souffle chez elle, entourée et aimée. Elle n’a plus toute sa tête, mais a gardé tout son humour !

Mon mot de la fin

La semaine dernière, j’ai rencontré quelqu’un qui vit à Annecy et je lui ai parlé de ce billet. Eh bien figurez-vous qu’elle voit très bien de qui l’on parle ici. Rose et Caroline ne passaient pas aperçues dans les rues de la ville. J’ose espérer que Rose s’y rend encore, peut-être au bras de Marianne, la dame de compagnie.

Il y a plein de solutions pour conjuguer vieillir et habiter. Nous aimons à dire que la bonne, c’est la vôtre, celle que vous trouverez et qui vous conviendra.

« Une sœur est un peu de l’enfance
qui ne peut jamais être perdu »

Marion C. Garretty

 

Association Avril

Avril est une association à but non lucratif qui se veut l'observatoire permanent de l'habitat adapté. Active depuis de nombreuses années dans le domaine du marketing et de la vente, j'ai accepté de reprendre la présidence de l'association en septembre 2019. La thématique de l'habitat senior est plus que jamais d'actualité et c'est avec plaisir que je partage avec vous dans ce blog vos témoignages, des expériences et des informations techniques ou pratiques. J'ai la chance de pouvoir compter sur le talent d'une jeune illustratrice suisse qui transcrira régulièrement les mots en images: Aurore Mesot. Je suis très touchée que le sujet ait si vite éveillé son intérêt et heureuse de voir que nos univers pourtant si différents se soient rencontrés.