Foot et business, un mariage parfois irraisonné

La possession de clubs de foot par de grands groupes économiques fait couler passablement d’encre et de salive depuis de nombreuses années.

Au début des années 2000, c’étaient les oligarques russes ou Berlusconi qui faisaient parler d’eux. Puis vint le tour du fonds souverain qatari et son rachat du PSG, ou encore les récents rachats des deux grandes équipes milanaises (AC et Inter Milan) par des investisseurs chinois.

Plus près de nous, c’est le passage du Lausanne Sports en mains du géant britannique de la pétrochimie Ineos qui a suscité une controverse.

Des supporters se sont ainsi questionnés sur l’étique d’une entreprise connue avant tout pour ses méthodes agressives d’optimisation fiscale et ses activités pour le moins nuisibles pour l’environnement. Comme le disait Yves Martin dans un excellent édito publié sur le site de mordus de sport www.carton-rouge.ch,  “Si je ne me pose pas la question aujourd’hui qu’un géant de la pétrochimie rachète mon Club, quand est-ce que je vais me la poser ?

La décision du nouveau propriétaire du club de modifier le logo du LS pour y insérer celui d’Ineos a achevé de mettre le feu aux poudres, et a durablement fâché de très nombreux vaudoises et vaudois passionné-e-s de foot, qui ont lancé une pétition pour éviter ce qu’ils vivent comme un bafouement de l’histoire et de l’identité du club.

Cela nous met face à un questionnement presque philosophique : un club de foot, de hockey ou de volley est-il au fond une entreprise, un prestataire de services spécialisé dans le divertissement qui peut servir de moyen d’investissement pour hommes et femmes d’affaires ? Un outil de marketing pour entreprises ou régimes en mal de popularité ?
Ou est-il au contraire un patrimoine collectif, un pan d’histoire et d’identité d’une commune ou d’une région, institution qui appartient symboliquement à ses supporters, et dont l’image et les fondements doivent survivre aux bailleurs successifs ?

Pour ma part, j’opte résolument pour la deuxième option. Il est temps de démarchandiser le sport, et tout particulièrement le football, en passe de se transformer en un business comme un autre.

Certes, il faut de l’argent pour faire tourner un petit comme un grand club, et les équipements, les salaires des joueurs et du staff ou encore les infrastructures nécessaires ont un coût. Mais on aurait tort de tout accepter d’un mécène sous prétexte qu’il va amener des capitaux, acheter des stars du ballon rond et amener le club au sommet.

Parce des clubs de foot comme le LS, le FC Sion ou Yverdon sports ne sont pas des marques, ce sont pour des dizaines de milliers de personnes des pourvoyeurs de rêves et de motivation. Des morceaux d’identité positive qui font vibrer une fois par semaine le cœur et les tripes de celles et ceux qui les aiment et les accompagnent.

Loin de moi l’idée de verser dans l’angélisme et de faire l’éloge béat des supporters de foot. Je sais que le sport de compétition peut réveiller chez celles et ceux qui le suivent les meilleurs comme les pires sentiments, et que l’on assiste parfois à des débordements impardonnables.

Je ne peux cependant qu’être admiratif quand je vois la motivation qui anime celles et ceux qui suivent leur club préféré partout, qui organisent lotos et soupers de soutien pour récolter des fonds, qui prennent de leur temps et de leur énergie pour faire vivre les clubs de supporters et par là les clubs tout court.

Le sport suisse – dans le foot comme dans d’autres disciplines – n’a donc rien à gagner d’une course au toujours plus qui pousse les équipes à investir, à s’endetter, à signer des contrats aux sommes improbables avec des stars d’ici ou d’ailleurs.

C’est plutôt du foot amateur, ce “football des talus” comme on dit chez nous, qu’il faut s’inspirer. Un foot fait de commerces et de petites entreprises du coin qui se transforment en sponsors, de bénévoles, de passionné-e-s qui donnent sans compter. Un foot que le député français François Rufin a décrit avec brio dans un discours à l’Assemblée Nationale, et qui est bien vivant dans le canton de Vaud comme ailleurs.

Alors bien sûr, les exigences du FC Venoge ou Poliez-Pittet et celles du LS ou de Young Boys ne sont pas les mêmes, mais c’est vers cet idéal type là de sport populaire, accessible et ancré dans une réalité locale forte que l’on devrait tendre, plutôt que vers les modèles globalisés et sans âme du grand foot international.

Gageons que les revendications des supporters finiront par être entendues, car il n’y a pas grand chose de plus triste qu’une équipe jouant dans un stade aux quatre cinquièmes vide.

Alberto Mocchi

Alberto Mocchi est député vert au Grand Conseil vaudois et Syndic de la commune de Daillens, dans le Gros de Vaud. À travers son blog, il souhaite participer au débat sur les inévitables évolutions de notre société à l'heure de l'urgence écologique.

2 réponses à “Foot et business, un mariage parfois irraisonné

  1. Malheureusement, depuis des années et AVEC « l’ancien » logo, on jouait dans un stade au 4/5ème vide. Et les milliers de signataires d’une pétition ne remplissaient pas le bloc N ou ne cotisaient pas au club….

    1. C’est vrai, mais je trouve que depuis 2016 et le retour en Super League la Pontaise se remplit gentiment. Il y a eu une vraie volonté de la part des dirigeants du club de s’approcher de la population vaudoise, comme par exemple via le partenariat avec les Jeunesses campagnardes. Là j’ai peur que ces efforts ne soient réduits à néant par une certaine arrogance…
      À suivre !

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