Solaire alpin : pas à n’importe quel prix

On parle beaucoup depuis quelques semaines du développement de grandes installations photovoltaïques dans les Alpes.
Les Chambres fédérales ont voté cet automne des mesures visant à faciliter la création de telles infrastructures, et à la subventionner fortement. Concrètement, les grands parcs solaires alpins, produisant au moins 10 GWh dont au moins 500 kWh pour 1 kWh de puissance installée en hiver, pourront obtenir un soutien financier fédéral. La rétribution unique s’élèvera à 60% au maximum des coûts d’investissement. Les exigences en matière de protection de l’environnement ont par ailleurs été abaissées, afin de faciliter la création de ces parcs solaires. Ces derniers ne pourront toutefois pas être installés dans les marais, les biotopes nationaux et les réserves sauvagines et d’oiseaux migrateurs.

Le canton du Valais a tout récemment sauté sur cette occasion, et a adopté sous forme de décret validé par le Grand Conseil les mesures visant à appliquer sur son territoire ces nouvelles dispositions fédérales. Afin d’accélérer le processus d’autorisation pour ces champs solaires alpins, l’exécutif valaisan pourra désormais statuer seul sur les dossiers, sans passer par la commission cantonale des constructions, qui octroie d’habitude les permis de construire situés hors zone à bâtir. L’effet suspensif en cas de recours sera par ailleurs levé, ce qui fait que ces projets ne seront pas bloqués en cas de contestation devant les tribunaux.

Bref, on doit se préparer à voir pousser un peu partout dans le massif alpin des parcs solaires photovoltaïques. S’il s’agit d’une plutôt bonne nouvelle en matière de transition énergétique, notamment car les panneaux installés en haute montagne produisent beaucoup plus d’énergie que leurs cousins de plaine en hiver, lorsque le stratus règne en maître sur une bonne partie du Plateau, il en va autrement lorsqu’on essaie de dézoomer un peu, et de brosser un bilan environnemental global.

Comme souvent lorsqu’il s’agit d’opportunités de gagner facilement de l’argent ( ici via les subventions importantes délivrées par la Confédération), les considérations en matière de protection des paysages ou de la biodiversité passent à la trappe. Si on ne cadre pas ce développement, il y a fort à parier que des dégâts importants seront commis sur l’environnement. On va défricher des zones boisées, imperméabiliser des sols, déranger la faune pour une production d’énergie somme toute assez réduite. Car des installations de ce type ce ne sont pas que des panneaux solaires installés dans des prés, mais aussi des routes d’accès, des lignes électriques pour transporter l’énergie produite etc.

Il existe pourtant des manières bien moins invasives de développer l’énergie solaire dans les Alpes, en se concentrant sur les zones déjà concernées par les activités humaines, raccordées avec la puissance nécessaire au réseau électrique et facilement accessibles. Le potentiel des parois anti-avalanches, barrages et autres installations sportives ou récréatives est important, et mérite d’être exploité prioritairement, avant d’aller planter des panneaux solaires au milieu de nulle part.

Des exemples vertueux existent, comme par exemple le parc solaire flottant installé par la Romande Energie sur le lac de barrage des Toules, près du Grand Saint-Bernard. Cette installation ne dérange rien ni personne, et permet de produire l’équivalent de l’électricité consommée annuellement par plus de 200 ménages, sans porter d’atteintes au paysage ou à l’environnement.

C’est clairement dans cette direction que l’on doit aller si on souhaite développer de manière durable cette indispensable énergie photovoltaïque.

Le référendum annoncé par les Verts valaisans et des ONG environnementales contre le décret du Grand Conseil du Vieux Pays cité ci-dessus est ainsi une bonne nouvelle. Il permettra d’ouvrir le débat sur ces évolutions, et on l’espère de cadrer un peu ce qui peut l’être, afin que ce nouvel Eldorado solaire ne se transforme pas en Far West, puis en cimetière d’un développement véritablement durable et respectueux de l’environnement.

L’Empire contre-attaque

On pourrait penser que le débat autour du réchauffement climatique ne tourne plus autour de son existence, ou de l’implication ou non des activités humaines dans son avènement, mais plutôt sur les moyens à déployer pour le freiner.

Les temps ou des élus PLR allaient expliquer à la télévision que “le climat variait de tous temps” et que “le Groenland s’appelait ainsi car c’était une terre verte et fertile, preuve qu’il faisait plus chaud au Moyen-Âge” (ce qui est complètement faux, le nom ayant été choisi par Erik le Rouge pour attirer des colons, créant une des premières “publicités mensongères” de l’histoire, mais passons…) semblaient fort heureusement révolus.

Et pourtant… Pourtant on assiste ces derniers temps à une contre-attaque des forces climatosceptiques qui n’a rien à envier à celle de l’Empire galactique contre les forces de l’Alliance rebelle dans le 5ème volet de la saga “Star Wars”.

Ces dernières semaines, Swissoil, la faîtière des la faîtière des négociants en combustibles, a organisé des séances d’information un peu partout en Suisse Romande, la prochaine ayant lieu jeudi 24 novembre à Lausanne, visant à présenter le chauffage à mazout comme « efficace, sûr et respectueux de l’environnement », et pousser les propriétaires à maintenir le plus longtemps possible ce type de chauffages, voire même à les remplacer par de nouveaux chauffages à mazout quand l’actuel arrive en fin de vie.

Quand on sait que le chauffage des bâtiments est responsable de plus d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre dans notre pays, et que les réduire est probablement la partie la plus simple des efforts qui nous attendent en matière de diminution de notre empreinte carbone, on peut s’interroger. Des alternatives écologiques, comme les pellets, le bois ou les pompes à chaleur existent, sont abondamment subventionnées et ne demandent dans la plupart des cas que des investissements raisonnables et rapidement amortis. Plusieurs cantons, comme Genève, Bâle-Ville, Glaris ou encore Zurich ont d’ailleurs interdit l’installation de nouveaux chauffages à énergies fossiles…
Parler du chauffage à mazout comme “écologique” est donc un peu loin de l’honnêteté intellectuelle…

Plus grave encore, de nombreux quotidiens romands ont publié mercredi 16 novembre un “supplément auto 2022”, tiré à 200’000 exemplaires, et dont l’édito donnait d’amblée le ton, annonçant vouloir « donner un éclairage différent sur la problématique du CO2 », au nom de la « liberté d’opinion ». S’en suit une interview de deux pages d’Yves Roucaute, un « philosophe » français contestant toute implication des activités humaines dans le réchauffement climatique.
Pour rappel, il ne s’agit pas là d’une opinion, mais d’un fait scientifiquement avéré. Dire que la terre est plate, ou que c’est le soleil qui lui tourne autour n’est pas une opinion, mais une désinformation. Il en va de même lorsque l’on affirme que les activités humaines n’ont aucun impact sur le réchauffement climatique.
Le débat d’opinion est extrêmement important, tout comme la liberté de la presse, mais ne peut pas permettre de dire n’importe quoi, et d’avancer de fausses informations.

Alors que les effets de dit réchauffement commencent à se faire sérieusement sentir, il est déplorable que l’on doive encore et toujours remettre l’ouvrage sur le métier, et expliquer que oui, le réchauffement a bien des origines humaines ( ce n’est pas moi qui le dit, mais l’entier de la communauté scientifique internationale), et qu’il nous appartient d’agir aujourd’hui de manière déterminée si on veut éviter une catastrophe majeure demain.

Dans le film de George Lucas, la contre-attaque de l’Empire se termine plutôt mal. Espérons que dans notre cas également, il ne s’agisse que du chant du cygne de l’économie d’avant hier…

 

AVS21 : Un NON pour une vraie égalité

S’il est un chiffre qui surprend dans le cadre de la votation du 25 septembre prochain sur la révision de la loi fédérale sur l’AVS, c’est celui de la différence dans les intentions de vote entre hommes et femmes. Le dernier sondage de GFS Berne, mandaté par la SSR, montre ainsi que 51% des électrices refusent la réforme proposée, alors que 72% des électeurs diraient OUI ou plutôt OUI à ce texte, dont l’aspect le plus controversé est l’augmentation à 65 ans de l’âge de la retraite des femmes.

L’argument de l’égalité est beaucoup mis en avant dans la campagne, et semble faire mouche aussi parmi les hommes plus progressistes, que l’on attendrait plutôt du côté du NON… Pourquoi au fond devrait-on travailler une année de plus que les femmes? Cet équilibrage n’est-il pas un pas vers l’égalité souhaitée de toutes et tous ?

Et bien pas tant non… Car on est bien loin de l’égalité dans le domaine de l’AVS :

Au niveau des rentes tout d’abord, qui sont en moyenne un tiers plus basses pour les femmes que pour les hommes :

 

Graphique : 4396.25 Fr pour un homme, 2764 Fr pour une femme – rente globale moyenne par mois

Cela s’explique notamment par la surreprésentation des temps partiels parmi les personnes de sexe féminin, dont quatre cinquièmes réduisent leur taux d’activité au moment de l’arrivée d’enfants dans le ménage. Le résultat d’un partage des tâches et des responsabilités au sein d’un couple et plus généralement dans la société qui n’a pas grand chose d’égalitaire, et qui crée par ailleurs une dépendance, vu que beaucoup de rentes de femmes ne permettent pas vraiment de vivre dignement à la retraite.

Cette situation déjà peu enviable risque d’empirer encore en cas d’acceptation de “AVS21”, vu que les femmes vont perdre une année de rentes…

C’est là une inégalité parmi de nombreuses autres qui perdurent encore dans notre société. Il est donc pour le moins cocasse que l’on s’attaque à l’un des très rares ( et très relatifs comme nous l’avons vu plus haut) avantages de la gent féminine dans notre société. On aimerait voir le même empressement et la même ferveur égalitaire lorsqu’il est question de salaires, de répartitions des tâches, d’accès aux postes à responsabilités ou encore de sécurité et d’occupation de l’espace public.

Cette hausse de l’âge de la retraite des femmes n’est par ailleurs qu’un premier pas, qui sera fort probablement suivi en 2026 par une augmentation de l’âge de la retraite à 67 ans tous sexes confondus, et un fossé se creusant toujours plus entre celles et ceux qui pourront se permettre une retraite anticipée et les autres… Pas vraiment la direction de cette fameuse égalité tant fantasmée.

L’AVS est l’assurance sociale par excellence, celle qui devrait garantir à toutes et tous une existence digne après des années de travail. Peindre sur la muraille le diable des caisses se vidant à terme, afin de l’affaiblir au profit d’assurances complémentaires comme le 3ème pilier n’est ni sérieux ni juste, et sert des intérêts très particuliers.

Un NON le 25 septembre prochain est donc une bonne manière de remettre l’ouvrage sur le métier, et créer une réforme plus juste et équitable de cette indispensable assurance sociale. Il laissera en outre le temps aux nouveaux chantres de l’égalité de s’attaquer à toutes les autres problématiques en lien avec les différences entre hommes et femmes au sein de notre société. On se réjouit de les voir à l’oeuvre avec la même détermination qu’ils ont eue pour proposer une augmentation de l’âge de la retraite…

 

 

 

 

Crise énergétique : les masques tombent pour les partis bourgeois

La crise énergétique qui semble malheureusement se profiler pour cet hiver, fruit des baisses de livraisons de gaz russe et du manque d’anticipation dans les investissements dans les énergies renouvelables ces dernières décennies, fait couler beaucoup d’encre et agite le monde politique.
Certain-e-s essaient de trouver des solutions pragmatiques, et souhaitent voir ces fameux investissements dans les énergies propres et locales que sont le solaire, l’éolien ou la géothermie se réaliser enfin. D’autres préfèrent l’agitation politique, et se dédouaner de leurs responsabilités en pointant du doigt les premiers, jugés coupables d’on ne sait trop quoi.

Des députés PLR passent ainsi leur temps à accuser sur Twitter et d’autres médias sociaux les méchants écologistes d’avoir bloqué les projets d’énergies renouvelables, et d’être ainsi responsables de ce qui arrive. Généralement ils complètent cette diatribe de l’exemple d’un projet de barrage ( toujours le même ou presque) qu’ils auraient soutenu à un moment donné, montrant ainsi leur grande vertu environnementale.

L’UDC est allée un bout plus loin, publiant une sorte de “lettre ouverte” accusant les Vert-e-s et le Parti Socialiste d’être les responsables de la situation actuelle et d’avoir un “plan secret” pour créer des pénuries. L’UDC liste ensuite une série de mesures fleurant bon l’économie d’avant hier, allant de la baisse des taxes sur les carburants au développement du nucléaire, en passant par le non respect de nos objectifs en matière de baisses des émissions de gaz à effet de serre.

Cette stratégie est somme toute assez habile : ne rien faire pendant des années malgré une majorité au Gouvernement et au Parlement Fédéral, comme dans celui de la plupart des cantons, et s’opposer au contraire à des lois, règlements et projets qui auraient pu nous permettre de développer les énergies renouvelables et accroitre notre indépendance énergétique. Puis accuser les autres d’être les coupables de cette situation, et proposer de surtout ne rien changer à ce qu’on a fait jusqu’à maintenant pour sortir de cette crise.

Pourtant, si on y regarde de plus près, que voit-on :

Tout d’abord que les partis écologistes ont toujours été les fers de lance de la transition énergétique, et poussent depuis des années pour que l’on crée des conditions cadre favorables au développement des renouvelables. Ils l’ont cependant fait avec une constante, qui est celle de refuser de sacrifier quand cela est possible la nature et la biodiversité pour mener à bien ces projets. Si nous développons les énergies renouvelables, mais qu’on donne ce faisant le coup de grâce à notre déjà si fragile biodiversité, nous n’aurons rien gagné.
Il est donc ainsi facile de pointer du doigt par exemple l’opposition de certain-e-s écologistes à l’installation de panneaux solaires dans des pâturages de montagne, alors qu’on n’a jamais rien fait pour soutenir leurs projets pour accélérer la pose de panneaux solaires sur les toits.

Surtout, développer un discours de petit parti d’opposition et presque “anti-système”, dénonçant de prétendus plans secrets des élites, alors qu’on est la première force politique du pays, et que l’on détient avec les autres partis bourgeois une confortable majorité tant à l’exécutif qu’au législatif, est tout simplement honteux !

Le temps n’est pas aux querelles, mais bien à la recherche de solutions. Notre dépendance aux énergies fossiles nous mène depuis trop longtemps au désastre climatique, et sera la responsable d’éventuelles pénuries cet hiver. On peut fermer les yeux, continuer sur la même voie et accuser de manière grotesque les autres de tous les maux , ou alors on peut prendre notre courage à deux mains, et mener à bien cette transition énergétique si nécessaire, en se donnant pour cela les moyens législatifs et financiers. Personnellement j’opte plutôt pour cette voie, et vous ?

 

Ce qui bloque le développement du solaire

La nécessité d’une transition énergétique rapide n’est plus à prouver, et tout le monde ou presque s’accorde quant au fait qu’il faut développer massivement et au plus vite les énergies renouvelables.

Pourtant, le passage de la parole aux actes s’avère laborieux, et notre pays reste à la traine en la matière.

Les énergies renouvelables hors hydraulique représentent en effet à peine plus de 5% de notre production d’électricité, et peinent à augmenter à la vitesse qui serait pourtant requise pour palier à nos besoins tout en préservant l’environnement.

Si l’énergie éolienne est fortement contestée par une partie de la population, et voit les différents projets y relatifs bloqués par des oppositions et procédures judiciaires à rallonge, le solaire jouit quant à lui d’un fort capital sympathie.

Il faut dire que ses atouts sont nombreux : facile à installer, accessible à tou-te-s ou presque et ne créant pratiquement pas de nuisances pour le voisinage. Son potentiel est par ailleurs énorme, et rien qu’en exploitant les toits de l’ensemble des bâtiments de notre pays, on pourrait couvrir 110% de nos besoins en électricité.

Pourtant, le solaire ne représente aujourd’hui qu’un petit peu plus de 4,5% de notre production d’électricité, bien loin de son potentiel.

Les raisons de ce développement par trop timide sont nombreuses, mais deux semblent à la fois particulièrement problématiques et faciles à résoudre avec un peu de bonne volonté politique :

  • Le prix de rachat : les fournisseurs d’énergie rachètent le courant photovoltaïque aux productrices et producteurs à un prix particulièrement bas : généralement environ 8cts le Kwh. Ce prix est très peu intéressant, et n’incite guère les personnes qui installent des panneaux solaires à dépasser l’optimum en matière d’autoconsommation. Résultat des courses, les toits des villas et des immeubles se couvrent certes de plus en plus de panneaux, mais pile ce dont ils ont besoin pour leur consommation, laissant beaucoup de place inexploitée. Si le prix d’achat était un peu plus élevé, les investissements seraient plus vite rentabilisés, et les surfaces installées plus conséquentes. Il semble donc essentiel que les pouvoirs publics ( qui sont bien souvent actionnaires majoritaires des entreprises de distribution d’énergie) interviennent pour garantir à qui produit de l’énergie solaire un rachat à un prix économiquement intéressant.
  • L’impossibilité de faire profiter d’autres bâtiments de l’énergie produite : le cadre légal est ainsi fait qu’il est extrêmement difficile pour un producteur privé de faire profiter d’autres bâtiments de l’énergie qu’il produit sur son toit, même s’il en est lui même propriétaire. Ainsi un paysan qui couvrirait le toit de son hangar de panneaux solaires aura toutes les peines du monde à faire profiter de l’électricité ainsi produite les villas qu’il aura construit de l’autre côté de la route. Là encore, on n’incite guère à produire davantage que ce sont on a strictement besoin, et on bride le développement de grandes installations sur les toits de bâtiments faibles consommateurs. Le cadre légal – dans ce cas au niveau fédéral – mérite d’être revu au plus vite.

Le solaire semble promis à un brillant avenir en nos contrées, mais il faut pour cela que les autorités communales, cantonales et fédérales brises les chaines qui le retiennent encore trop souvent. Dans le canton de Vaud, il s’agira d’une des tâches à saisir en priorité pour le Grand Conseil et le Conseil d’Etat qui sortiront des urnes ces prochaines semaines.

Les asperges de la colère

Février : ses journées qui se rallongent paisiblement, ses vacances de ski et ses… étals de supermarchés remplis de fraises et d’asperges !

Il est en effet depuis des années usuel de trouver des ces fruits et légumes printaniers en vente dès le milieu de l’hiver, au mépris de toute saisonnalité. On pourrait de prime abord se réjouir de trouver ces primeurs en vente à une période de l’année où le froid et la grisaille donnent des envies de vitamines et de couleurs aux consommatrices et consommateurs. Les raisons d’éviter à tout prix la vente et l’achat de ces denrées sont pourtant fort nombreuses…

Le bilan carbone tout d’abord : d’après une étude mandatée par le WWF, le bilan carbone d’un kilo d’asperges importé du Pérou en avion au mois de février est quinze fois supérieur à celui d’un kilo des mêmes légumes cultivés en pleine terre en Suisse au mois de mai. Même topo pour les fraises, avec celles cultivées dans les champs suisses dès la fin du printemps qui ont un bilan écologique bien meilleur que celles importées d’Espagne ou d’autres pays d’Europe en camion. Si on s’en tient aux seules émissions de CO2, les fraises importées des pays méditerranéens au début du printemps on un meilleur bilan que celles produites sous serre en Suisse. Morale de l’histoire :  un peu de patience fait du bien au climat…

Les conditions de travail et l’épuisement des ressources ensuite : on a toutes et tous déjà vu ces images hallucinantes de serres couvrant des dizaines de kilomètres carrés dans la région espagnole d’Almeria, donnant l’impression presque poétique d’un paysage enneigé. La réalité est bien moins bucolique, avec des fruits et légumes produits dans des conditions de travail proches de l’esclavage par des clandestin-e-s corvéables à merci. “C’est à ce prix là que vous mangez des fraises en février” aurait pu écrire Voltaire dans “Candide” s’il l’avait écrit au XXIème siècle.
Si on ajoute à cela l’épuisement hydrique et la pollution des sols de régions aux ressources en eau limitées, on obtient un cocktail explosif et fort peu ragoûtant.

La concurrence déloyale vis à vis des producteurs et productrices suisses enfin : En Suisse, la saison des fraises ou des asperges commence au mois de mai, et se prolonge pour ce qui est des petits fruits rouges jusqu’à la fin de l’été. Inonder les étals de supermarchés de ces mêmes denrées cultivées à l’autre bout du monde plusieurs mois avant, c’est faire perdre toute notion de saisonnalité aux consommatrices et consommateurs, et créer une concurrence pour le moins déloyale vis à vis de nos producteurs.
Au moment où les produits suisses arrivent dans les supermarchés, de nombreuses personnes se sont déjà lassées de ce qu’elles ont pu consommer les mois précédents, et tournent déjà leur regard vers les melons, abricots et autres fruits tout aussi importés…

Les grands groupes de distribution jouent de plus en plus – en tout cas dans leur markéting – de la durabilité. Ils proclament leur volonté de soutenir l’agriculture suisse et de réduire l’impact de leurs activités sur le climat. Si leurs propos sont sincères, il est grand temps qu’ils arrêtent d’inonder le marché de ces produits nuisibles pour le climat, l’environnement et les paysan-ne-s d’ici comme d’ailleurs. Nous avons certes toutes et tous une responsabilité en la matière, car nous pouvons boycotter ces produits et privilégier les alternatives locales et de saison. Mais Coop, Migros et les autres supermarchés pourraient s’abstenir de faire des actions sur les myrtilles, les asperges ou les fraises en plein hiver…

Un peu de patience en somme : encore une dizaine de semaines à tenir, et nous pourrons à nouveau nous régaler de bonnes fraises suisses, au bilan environnemental et social réjouissant.

 

La protection de l’environnement dans les Constitutions

Si l’actualité de ce mois de février est pour l’heure avant tout marquée par les Jeux olympiques, la crise ukrainienne ou encore les récentes décisions du Conseil Fédéral en matière de lutte contre la pandémie, deux nouvelles au sujet de modifications constitutionnelles méritent également notre attention.

Les révisions constitutionnelles ne sont à prime abord pas le sujet le plus sexy du monde… et pourtant, c’est grâce à elles que de très nombreuses avancées en matière sociale ou environnementale ont vu le jour au cours des décennies.

C’est tout particulièrement vrai dans un pays comme la Suisse, qui donne la possibilité à ses citoyennes et citoyens de modifier la Constitution fédérale ou celles cantonales via des initiatives, mais aussi dans des systèmes politiques plus rigides à cet égard.

Le 8 février dernier, le Parlement italien a ainsi inscrit dans la Constitution de ce pays divers principes en lien avec la défense de l’environnement. La protection de la biodiversité, des écosystèmes et des animaux fait désormais partie des tâches régaliennes listées à l’article 9 de la Charte fondamentale transalpine. Le texte va même plus loin, puisque l’article 41, dédié à la “liberté d’initiative économique”, stipule désormais que “les activités économiques ne peuvent se dérouler de manière à porter préjudice à la santé, à l’environnement, à la sécurité, à la liberté et à la dignité humaine.” 

Ces principes figurent depuis fort longtemps dans la Constitution suisse, qui consacre son article 74 à la protection de l’environnement, mais sont un pas en avant bienvenu en Italie, pays un peu à la traine en la matière.

Le 10 février, le Gouvernement vaudois annonçait quant à lui soutenir l’initiative déposée fin 2019 par les Vert-e-s vaudois-es, et demandant l’inscription dans la Constitution cantonale, parmi les tâches de l’Etat, la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de la biodiversité. Le dernier mot reviendra bien entendu au peuple, mais c’est là aussi un pas important vers davantage de durabilité.

Les Constitutions fixent les grands principes généraux qui régissent un Etat, ses objectifs et ses valeurs. Y voir figurer en bonne position la question de la protection de l’environnement et de la biodiversité, tout comme la lutte contre le réchauffement climatique, est donc quelque chose de réjouissant.

Cela bien entendu pour autant que l’on passe de la parole aux actes ! L’exemple du congé maternité, inscrit dans la Constitution fédérale en 1945 mais réellement appliqué seulement 60 ans plus tard, après des discussions sans fin et toutes sortes de tentatives d’obstruction, nous montre malheureusement qu’entre les mots – soient-ils gravés dans un texte juridique – et les réalisations concrètes, il y a parfois un écart conséquent…

Qui sont vraiment les bisounours en politique?

Les campagnes électorales sont l’occasion de nombreux échanges. Certains passionnants, d’autres courtois et un peu convenus, et d’autres encore parfois un peu plus houleux.

Lors d’une récente récolte de signatures devant un supermarché d’une bourgade du Gros-de-Vaud, j’ai été pris à partie avec mes collègues par un Monsieur qui, tout en poussant son caddie, nous a traités de tous les noms. Au delà de certains propos peu sympathiques – qui comme disait le grand Georges “rigoureusement ma mère m’a interdit de nommer ici” – l’argumentation de cette brève diatribe a tourné autour du prétendu idéalisme des “bisounours” que seraient les Vert.e.s.

C’est un sujet qui revient régulièrement dans le débat politique : les écologistes qui seraient au fond de doux rêveurs déconnectés des réalités, face à celles et ceux qui, conscient-e-s de la réalité des choses, agiraient avec davantage de pragmatisme et avec ce fameux “bon sens” dont tout le monde aime à se targuer.

Ce drapeau utilisé par l’UDC Vaud dans la campagne illustre – au delà d’un amour certain pour les tubercules – à merveille ces propos. “Ancrée dans la réalité” vient ici sous-entendre que ce n’est pas forcément le cas des autres formations politiques, qui restent dans le monde des idéaux et des belles utopies impossibles à réaliser.

Si on y regarde de plus près, les utopistes ne sont cependant pas forcément ceux que l’on croit.

D’un côté on a des personnes qui ont pris conscience du réchauffement climatique et des cris d’alarme que des milliers de scientifiques poussent depuis bien des années maintenant, nous mettant en garde quant à la catastrophe qui nous attend si on agit pas de manière rapide et déterminée. De l’autre des personnes qui malgré ces avertissements et les signaux météorologiques toujours plus préoccupants ( sécheresses, inondations, tornades etc.) continent à fermer les yeux et à penser que tout ira bien.

D’un côté celles et ceux qui voient qu’une croissance infinie de l’utilisation des ressources dans un monde fini n’est pas possible, et qui veulent agir face à l’épuisement des matières premières, l’acidification des sols ou le pillage des océans. De l’autre des personnes qui telles les cigales de la fable de La Fontaine préfèrent danser tout l’été, ne se souciant guère de l’hiver s’approchant.

Bref, peu de comportements me semblent plus pragmatiques et ancrés dans la réalité que ceux qui tendent à préserver notre qualité de vie et celle des générations futures en prêtant attention à la réalité tangible des faits.

Mais surtout, “don’t look up” comme disait l’autre !

Les médias, indépendants vis-à-vis de qui ?

La campagne sur le vote du 13 février prochain concernant le “train de mesures en faveur des médias” tourne beaucoup autour d’un concept, celui d’indépendance des médias.
Selon les détracteurs de ces aides financières, l’adage selon lequel “qui paie commande” ferait courir un risque à l’impartialité médiatique, mettant ainsi à mal le fameux rôle de “quatrième pouvoir”. Un journal soutenu par les pouvoirs publics oserait-il encore critiquer ces derniers, et enquêter sur leur action ou… inaction ? Avec un brin de provocation, on pourrait se demander en suivant ce raisonnement si L’Aurore aurait publié le “J’accuse” d’Emile Zola si sa distribution postale avait été subventionnée par l’Élysée…

Je crois qu’on peut sans grande peine répondre par l’affirmative à cette question, et encore bien plus dans notre société actuelle, disposant de tant de gardes fous et d’outils pour garantir une certaine transparence. On peut  imaginer qu’une quelconque pression de pouvoirs publics sur un média finirait bien vite par être publicisée, créant un scandale bien plus important que celui qui aurait voulu être évité… Et puis soyons un peu sérieux : il s’agit d’argent dont la distribution est inscrite dans des textes légaux. Il n’est pas distribué au bon vouloir de politicien-ne-s ou de hauts fonctionnaires, mais selon des critères stricts et vérifiables.

Ces aides servent surtout à soutenir la presse et les autres médias régionaux et locaux. Le “Journal de Cossonay” ou “la Gruyère” n’ont à priori pas pour vocation de révéler de nouveaux scandales du Watergate ou d’adopter un ton agressif et polémique vis-à-vis des autorités fédérales.

Ces subventions pourraient même amener à une plus grande indépendance journalistique, les médias souhaitant montrer que malgré les subventions, ils continuent à effectuer leur travail avec sérieux et impartialité. Prenons un exemple très concret, celui de l’hebdomadaire « Lausanne Cités », distribué chaque semaine en tous-ménages dans les boîtes aux lettres de la région lausannoise. Soutenu financièrement par la ville de Lausanne via la publication toutes les deux semaines d’un « journal communal » officiel dans ses pages, il n’en garde pas moins une ligne éditoriale plutôt critique vis-à-vis de la Municipalité et plus généralement des partis de gauche aux commandes dans la capitale vaudoise. J’ai à titre personnel même l’impression que dite ligne s’est renforcée et durcie depuis que ces soutiens ont été mis en place.

Enfin, on ne peut que rappeler que les revenus publicitaires provenant d’annonceurs privés sont un risque bien plus important pour la liberté et l’impartialité de la presse. Une marque automobile continuera-t-elle à acheter des encarts publicitaires  si un journal traite abondamment d’un scandale en lien avec la sécurité de ses véhicules ? Un grand distributeur pourra-t-il menacer de retirer ses publicités sur les actions de la semaine si des articles parlent avec insistance de la manière dont il négocie les prix avec les agriculteurs ?

Le risque pour l’impartialité me semble bien plus grand dans ce cas de figure que dans une subvention aux envois de journaux par la poste.

Au vu de ce qui précède, je pense que train de mesures en faveur des médias n’est pas un risque pour leur indépendance, mais au contraire un atout, dont nous aurions tort de les priver.

 

Votation sur le soutien aux médias : le prix d’une information de qualité

Parmi les sujets soumis au vote populaire le 13 février prochain, il y en a un qui semble particulièrement important en ces temps de fake news et de remise en question perpétuelle des informations dont nous sommes bombardés via un nombre sans cesse croissant de canaux : le train de mesures de soutien à la presse, voté par le Parlement mais attaqué par un référendum.

La numérisation croissante de notre société a eu des effets importants sur beaucoup de secteurs, et les médias en font assurément partie. Les sites internet ont pris le pas sur une partie de la presse papier, sans pour autant que les journaux trouvent un modèle de financement leur permettant de remédier à la baisse des abonnements, des ventes papier, et surtout de la publicité. Les chiffres sont à cet égard extrêmement parlants :  au cours des vingt dernières années, les recettes publicitaires dans les médias papier ont diminué d’environ deux tiers, et cette dégringolade s’est accélérée récemment, puisqu’entre 2019 et 2020 ces rentrées ont été réduites de 200 millions de francs, pour un total de 730 millions environ. Parallèlement à cela, la publicité en ligne a explosé,en profitant cependant surtout aux géants du web que sont Google ou Facebook, et seulement très marginalement aux éditeurs exerçant également une activité en ligne.

Cela a eu un effet sur l’offre de médias, et c’est une septantaine de titres qui a mis la clef sous le paillasson dans notre pays ces 20 dernières années, ce qui est considérable. Ce sont avant tout les titres de la presse locale et régionale qui souffrent, et qui ont de la peine à se réinventer dans la frénésie de modernité et de perpétuels changements qui mène nos sociétés au pas de charge.

Or ces titres ont une importance capitale, notamment dans le façonnement de la vie associative et politique des régions rurales de notre pays. Ils effectuent un travail remarquable d’information, de suivi des projets menés par les autorités communales, des manifestations organisées par les sociétés locales, et sont en cela de véritables créateurs de lien social. Un-e habitant-e d’un village de 2000 habitant-e-s pourrait-il avoir accès de manière simple, vulgarisée et commentée aux décisions qui sont prises au Conseil communal, ou par l’exécutif de sa commune ? Les organisateurs d’événements de portée régionale, voire micro-locale ( soirées de sociétés locales, concerts, foires et marchés etc.) arriveraient-ils à les faire connaître au plus grand nombre ? Il est fort probable que non, ce qui est regrettable.

Il semble ainsi normal, voire souhaitable que l’Etat vienne en aide à ce secteur d’activité, comme il le fait pour de très nombreux autres. La main invisible du marché est sans doute très performante lorsqu’il s’agit de faire supplanter des activités non rentables par d’autres qui le sont davantage, en un darwinisme économique redoutablement efficace, elle l’est moins lorsqu’il s’agit de réfléchir aux conséquences sociales de tout cela.

Les 150 millions prévus dans ce paquet d’aides vont concernent profiter surtout  aux petits journaux régionaux. On est donc loin des millions tombés dans les poches des magnats zurichois de la presse, dépeints en un élan de schizophrénie par les opposant-e-s. Cet argent servira surtout à augmenter les aides pour la distribution postale des journaux, celle matinale des journaux en abonnement, ainsi qu’à des aides ciblées aux radios et télévisions locales. Pas vraiment le core business de la NZZ, vous en conviendrez.

Pour garantir une information riche, variée et s’intéressant aux petits quant aux grands faits qui sont ceux de notre société, il est indispensable de donner un coup de main financier à ce secteur si particulier et important. Si en plus cela peut se faire avec le budget courant de la Confédération, sans toucher à d’autres dépenses ni au taux d’imposition, on aurait franchement tort de s’en priver…