Le confinement coûte moins cher que le chaos

La situation épidémiologique continue à inquiéter la population ainsi que le personnel soignant, qui devrait être valorisé bien davantage en ce qui concerne surtout les infirmier.e.s désormais à bout de forces.

Il y a eu beaucoup de discussions sur la nécessité de fermer durant quelques mois les activités économiques qui ne sont pas indispensables pour satisfaire les besoins de la population. Après le confinement du printemps passé, qui a certainement permis de limiter la diffusion de la pandémie, en Suisse comme ailleurs, il était évident que seul un deuxième «lockdown» aurait permis d’endiguer une deuxième vague du coronavirus, en attendant un vaccin efficace pour un nombre élevé de personnes.

Comme le montre l’évidence empirique, les Etats qui ont décidé le confinement pour l’ensemble de la population et la fermeture totale des activités économiques qui ne sont pas indispensables – à l’instar de la Nouvelle Zélande ou de l’Etat de Victoria en Australie – ont enregistré un nombre proche de zéro de nouveaux cas d’infection par le Covid-19, évitant ainsi la deuxième vague de cette pandémie, qui est en train de se révéler fort dramatique en Europe et dans le reste des économies occidentales.

Ce n’est certainement pas une coïncidence si les pays occidentaux sont les plus gravement frappés par cette deuxième vague du Covid-19: il s’agit en effet des nations dont l’économie dicte aussi les choix publics dont ceux concernant la santé de la population, qui désormais est reléguée en arrière-plan pour donner la priorité à l’argent. En clair, les profits des entreprises et l’équilibre des finances publiques sont considérés des objectifs plus importants que la santé des personnes, auxquelles on continue de répéter qu’elles doivent respecter les mesures de protection faisant appel à la responsabilité individuelle.

Or, celles et ceux qui ne sont pas aveuglés par ce dogme peuvent rapidement comprendre qu’aussi bien les profits des entreprises que l’équilibre des finances publiques pourraient être mieux atteints si l’Etat imposait le confinement total des activités qui ne sont pas indispensables pour satisfaire les besoins humains de toutes sortes.

En l’absence d’un «lockdown» général, en effet, la cacophonie des décisions prises au niveau local ou sur le plan national engendre une plus grande incertitude pour les entreprises et augmente les coûts pour l’ensemble de la société en ce qui concerne les soins dont les personnes malades ont besoin suite à la diffusion de la pandémie à l’échelle globale, voire pour soutenir les personnes tombées au chômage ou dont le salaire a été réduit à cause de la pandémie. Il sera alors facile de comprendre que l’Etat, en fin de compte, dépenserait moins en imposant un confinement total par rapport à la situation où les choix publics sont dictés par des entreprises privées (dont les banques), laissant aux citoyen.ne.s la responsabilité de ne pas être affecté.e.s par le coronavirus.

Plutôt que du Covid-19, les politicien.ne.s au pouvoir devraient être à l’abri du néolibéralisme dominant.

La fête des morts qui ressuscitent comme des zombies

Aujourd’hui, c’est la fête des morts. Parmi eux, Keynes semble être ressuscité depuis l’éclatement de la crise du coronavirus, qui a déjà fait plus d’un million de morts sur le plan mondial. Une partie des économistes de la pensée dominante, en effet, a compris que le dogme du «moins d’Etat et plus de marché» est redoutable, surtout lorsque l’économie se trouve dans une crise globale et systémique comme c’est le cas actuellement.

Comme cela arrive souvent sur le plan politique, les arguments peuvent être renversés lorsque cela arrange celles et ceux qui siègent au gouvernement, à la banque centrale ou au sein de l’administration de l’Etat. Quelque chose de similaire est en train d’arriver en Suisse et dans beaucoup d’autres pays soi-disant «avancés» sur le plan économique. Après le confinement décidé au printemps 2020 pour réduire la diffusion du Covid-19, les autorités politiques se sont souvenues de Keynes, décidant d’augmenter les dépenses publiques mais dans une optique anti-keynésienne, dans la mesure où elles ont décidé de soutenir beaucoup plus l’offre que la demande sur le marché des produits.

Or, il est indiscutable que l’application erronée d’une prescription médicale peut avoir une série d’effets indésirables, voire nuisibles pour la santé du patient. En l’occurrence, augmenter les dépenses publiques pour soutenir l’offre lorsque la demande est déjà visiblement insuffisante pour éponger toute la production va s’avérer un choix erroné. Les entreprises, en effet, n’augmentent pas la production, ni donc le niveau d’emploi ou des salaires, lorsqu’elles ont déjà de la peine à écouler leurs stocks. Les politicien.ne.s et les économistes néolibéraux auront ainsi la possibilité d’affirmer que l’intervention de l’Etat dans le système économique est inutile, voire nuisible, dans la mesure où cela ne relance pas les activités économiques mais augmente la dette publique.

Keynes sera ainsi culpabilisé pour avoir prôné une intervention publique qui ne permet pas à l’économie de sortir de la crise dans laquelle elle se trouve à cause des stratégies et des politiques néolibérales mises en œuvre depuis les années 1980. En fait, Keynes n’est aucunement coupable de cela, à l’instar d’une entreprise pharmaceutique dont les médicaments sont utilisés de manière erronée par les médecins qui devraient songer à la santé des patients.

En clair, la pensée néolibérale, qui dicte encore de nos jours les choix de politique économique, est doublement coupable de la situation actuelle, parce que, d’un côté, elle a posé les bases à partir desquelles la pandémie du Covid-19 est éclatée (suite à la globalisation et à la financiarisation) et, d’autre côté, elle a dénaturé la pensée de Keynes, à qui l’on attribuera de manière injuste la faillite de l’intervention de l’Etat suite à cette pandémie.

Comme l’affirma le Cardinal et Duc de Richelieu, «qu’on me donne six lignes écrites de la main du plus honnête homme, j’y trouverai de quoi le faire pendre

Où se trouve l’inflation?

Après plus d’une décennie de politiques monétaires ultra-expansives, qui soutiennent les acteurs sur les marchés financiers au détriment de la stabilité financière, il y a encore des économistes qui s’étonnent que l’inflation n’ait pas frappé le marché des biens et des services. L’indice des prix à la consommation – en Suisse comme dans les autres pays «avancés» sur le plan économique – affiche, en réalité, une certaine stabilité de ces prix depuis bien des années.

En fait, il est nécessaire de distinguer l’inflation de l’augmentation du niveau général des prix. L’inflation est la perte du pouvoir d’achat de la monnaie, qui souvent (mais pas toujours) peut induire une augmentation des prix sur le marché des produits. Or, si le progrès technique permet de réduire les coûts de production des entreprises, cette augmentation des prix à la consommation (engendrée par l’inflation) pourrait ne pas être visible dans la mesure où elle est compensée par la baisse des prix suite au dit progrès, sans affecter la marge bénéficiaire. De cette manière, il est possible que les prix à la consommation restent stables, malgré le fait qu’il existe une inflation dont l’origine reste à déterminer.

Cela est possible si et seulement si l’on suit une approche macroéconomique faisant abstraction du comportement des agents économiques, permettant ainsi de comprendre que l’inflation est le résultat d’une confusion entre monnaie et crédit dans la comptabilité bancaire: lorsqu’une banque ouvre une ligne de crédit à un agent économique quelconque, elle crée de la monnaie à partir du néant, qui s’ajoute alors à la «masse monétaire» préexistante, augmentant dès lors le volume des dépôts bancaires qui représentent le pouvoir d’achat dans l’ensemble de l’économie. Si à cette augmentation, toutefois, ne correspond aucune nouvelle production, un écart inflationniste apparaît dans la mesure où le produit national est dilué dans un nombre accru d’unités monétaires.

Il n’est toutefois pas surprenant que de nos jours cette inflation de la masse monétaire n’entraîne aucune augmentation des prix à la consommation. La réduction de la capacité d’achat de nombreuses catégories de travailleuses et de travailleurs, en effet, réduit les dépenses de consommation, qui donc ne font pas augmenter l’indice des prix que l’on continue d’utiliser pour mesurer l’inflation.

Pour comprendre s’il y a de l’inflation, de nos jours, il faut observer l’évolution des prix sur les marchés financiers et immobiliers. Sur ces marchés, il sera alors possible de noter clairement une forte pression inflationniste induite par les politiques monétaires que les principales banques centrales continuent de mettre en œuvre, sans aucune possibilité de relancer ainsi les activités économiques dont la population a vraiment besoin.

Les groupes d’intérêt sur les marchés financiers ont en effet capturé les autorités monétaires, qui ont voulu se plier aux intérêts de court terme des banques «trop grandes pour faire faillite», au détriment de l’ensemble du système économique à long terme.

L’automne sera chaud sur le plan économique

La pandémie du Covid-19 pourrait donner lieu à une deuxième vague sur le plan sanitaire cet automne, à la lumière de l’augmentation du nombre de personnes ayant été infectées par le nouveau coronavirus.

Indépendamment de cette deuxième vague, l’automne sera chaud sur le plan économique, étant donné que les stratégies des entreprises et les choix de politique économique continuent d’ignorer que notre système économique ne sera plus jamais comme celui que nous avons connu avant l’éclatement de la pandémie.

D’un côté, les dirigeants de bien des entreprises vont augmenter la pression à la baisse sur les salaires de la classe moyenne, pour essayer de récupérer ainsi les pertes de gain observées durant la période de confinement suite à la pandémie. Cette tentative ira toutefois à l’encontre de leurs propres intérêts car les entreprises gagnent sur le marché des produits ce qu’elles dépensent sur le marché du travail, étant donné que les travailleurs sont tous des consommateurs de biens et services. La diminution de la capacité d’achat des travailleurs dépendants sera accompagnée par une réduction de celle des travailleurs indépendants, eux aussi frappés par les conséquences économiques de la pandémie.

De l’autre côté, les choix de politique économique vont viser l’équilibre des finances publiques et la stabilité des prix à la consommation, même si la politique des taux d’intérêt négatifs n’agit pas sur la capacité d’achat des consommateurs (surtout ceux de la classe moyenne et de la classe inférieure) mais avantage les propriétaires du capital financier qui s’enrichissent au détriment de la stabilité économique et de la cohésion sociale. Pour sa part, l’équilibre des finances publiques va endommager aussi bien la stabilité économique que la cohésion sociale, parce qu’il sera atteint à travers une forte réduction des dépenses publiques au lieu d’une augmentation considérable de celles-ci pour soutenir l’ensemble de l’économie et de la société à long terme.

Lors d’une crise économique globale dont la portée est historique, il faudrait abandonner les dogmes qui ont créé les conditions-cadres ayant fait éclater la pandémie, pour étudier l’histoire de la pensée économique afin de redécouvrir l’importance des dépenses publiques pour la relance économique. Les domaines dans lesquels il est nécessaire d’augmenter les dépenses publiques sont sous les yeux de tout le monde. Pour les voir clairement, les politiciens au pouvoir doivent toutefois ouvrir leurs yeux : un œil sur l’offre et l’autre sur la demande. Seulement de cette manière ils pourront avoir une vision systémique des problèmes, qui leur permettra de comprendre quelles sont les solutions à mettre en œuvre pour satisfaire l’intérêt général et contribuer au bien commun.

Pouvoir de marché, inégalités et instabilité financière

Une étude scientifique publiée récemment par deux économistes travaillant au sein de la banque centrale américaine(Fed) met en évidence plusieurs éléments qui permettent d’expliquer la situation dans laquelle se trouve l’économie états-unienne – à l’instar de celle d’autres pays soi-disant «avancés» sur le plan économique.

Les auteurs de cette étude, Isabel Cairó et Jae Sim, observent que durant les 40 dernières années l’économie américaine a été caractérisée par une réduction importante de la part des salaires dans le revenu national, suite à l’augmentation du pouvoir des entreprises aussi bien sur le marché du travail que sur celui des produits. En effet, le chômage involontaire a exercé une pression à la baisse sur les salaires d’une grande partie de la classe moyenne et de la classe inférieure, contribuant à augmenter la part des profits au détriment de la capacité d’achat des consommateurs états-uniens – qui ont pu garder leur niveau de vie seulement grâce aux crédits que les intermédiaires financiers leur ont octroyés au-delà de toute limite raisonnable.

Comme le font remarquer ces deux économistes au sein de la Fed, les crédits à la consommation et ceux pour l’achat d’actifs immobiliers ont augmenté l’instabilité et la fragilité financière de l’économie américaine, avec pour conséquence l’éclatement d’une crise (à savoir, celle des «subprime») en 2006, qui peu après est devenue une crise financière globale suite à la faillite de la banque d’affaires Lehman Brothers le 15 septembre 2008.

Les auteurs de cette étude font aussi remarquer que l’augmentation de la part des profits dans le revenu national n’a pas amené les entreprises américaines à investir davantage de manière productive – au vu de la demande insuffisante sur le marché des produits, suite à la diminution de la capacité d’achat des consommateurs américains – mais a contribué à enfler les prix des actifs financiers, notamment sur les marchés boursiers, où les entreprises cherchent à gagner des rendements financiers qui puissent (au moins en partie) compenser leur manque à gagner sur le marché des biens et des services.

Pour réduire la fragilité financière de l’économie américaine engendrée par le néo-libéralisme, Cairó et Sim proposent que l’État prélève un impôt sur les dividendes dont le barème doit être calibré afin d’amener les propriétaires du capital financier à réduire leur envie d’enfler des bulles du crédit car, lorsque celles-ci éclatent, elles affectent négativement la classe moyenne et, de là, l’ensemble de l’économie.

Même si les résultats et les conclusions de l’étude de Cairó et Sim ne font que valider la pensée hétérodoxe exprimée par les économistes qui s’inspirent de l’œuvre de J.M. Keynes, ce qui est surprenant est le fait qu’une institution sacrée de la pensée dominante telle que la Fed ait acceptée de publier une telle étude – qui, de manière générale, est ignorée dans le domaine des «sciences économiques».

Peut-être que quelque chose est en train de changer (dans la bonne direction) auprès des principales banques centrales. Si cela ne s’avère pas, la prochaine crise financière risque d’effacer également les places de travail actuellement occupées par les économistes qui mettent en lumière les défauts et les faiblesses de la pensée dominante au sein des autorités monétaires.

La «deuxième vague» sera d’ordre économique

Plus de six mois se sont écoulés depuis que la pandémie du Covid-19 a induit la fermeture forcée de nombreuses activités économiques pendant 14 semaines en Suisse, suivies par un retour lent et graduel à une «nouvelle normalité» qui inquiète bien des personnes.

Cette situation, apparemment normale – abstraction faite de l’obligation (ignorée souvent et volontiers) du port du masque dans les espaces publics –, est en fait problématique aussi bien sur le plan individuel que sur le plan collectif.

La fin de l’été approchant, beaucoup de gens craignent une «deuxième vague» du coronavirus, en attendant un vaccin sûr et efficace, sans savoir encore qui en paiera les coûts pour la recherche et le développement au niveau pharmaceutique.

Ce qui devrait le plus inquiéter l’ensemble des parties prenantes (en premier lieu l’État et les entreprises de toutes sortes) ce sont les conséquences macroéconomiques de la pandémie. Les aides publiques qui, en l’état, ont été allouées n’ont certainement pas permis au système économique d’éviter de tomber dans une profonde récession, comme le prévoient pour les prochains mois désormais aussi les instituts de recherche les plus réputés (sans parler de l’année prochaine).

Seulement un fou ou un économiste de la pensée dominante peut en effet penser que le soutien public de l’offre sur le marché des produits est suffisant pour éviter une grande dépression similaire à celle qui a engendré une «décennie perdue» dans les années 1930 pour l’économie mondiale. En réalité, la décennie qui vient de commencer pourrait être caractérisée par une dépression encore pire, au vu de l’ampleur et de la profondeur des relations entre l’économie et la finance sur le plan global.

Sur ce plan, l’idéologie du «moins d’État et plus de marché» qui dicte les choix de politique économique dans la plupart des pays au monde a des effets négatifs redoutables. Ce sont en réalité les politiques économiques néo-libérales qui ont induit la pandémie du Covid-19 ainsi que la crise économique et sanitaire qui s’en est suivie suite à la globalisation. Ce ne sera donc pas en poursuivant cette idéologie que l’on pourra sortir de cette situation, même en supposant que le coronavirus disparaisse tôt ou tard.

Si les autorités politiques ne veulent pas être victime d’une crise sociale majeure, elles devront changer de route pour augmenter les dépenses publiques et soutenir de cette manière la demande sur le marché des produits – directement (par des investissements publics favorables à la société et à l’environnement) et indirectement (versant un revenu de base inconditionnel) – pour une somme bien plus élevée que celle mise à disposition des entreprises en Suisse jusqu’à présent.

Sans cette forte augmentation des dépenses publiques, la «deuxième vague» du Covid-19 comportera bien davantage de victimes que la première phase, non pas pour des raisons sanitaires mais à cause de la crise économique qui va s’aggraver prochainement, tant que les autorités politiques se laveront les mains avec le slogan de la responsabilité individuelle.

Un micro-impôt pour sortir de la crise du covid-19

Au mois de février 2020, une initiative populaire fédérale a été lancée pour prélever un «micro-impôt sur le trafic des paiements sans espèces» en Suisse. Les ressources fiscales que ce micro-impôt permettra à la Confédération d’encaisser pourront remplacer le prélèvement de l’impôt fédéral direct, de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et du droit de timbre, soutenant de cette manière tant la consommation que l’ensemble de l’économie, qui sera ainsi plus stable et moins fragile sur le plan financier.

À cause de la pandémie du nouveau coronavirus (covid-19), la récolte des signatures pour cette initiative a été interrompue le 21 mars et pourra reprendre le premier juin, comme l’a décidé le Conseil fédéral. Dans l’intervalle, les autorités politiques suisses pourraient décider d’introduire de manière transitoire le prélèvement d’un micro-impôt seulement sur les transactions électroniques qui ne sont pas soumises à la TVA, afin de récolter les sommes nécessaires pour soutenir l’économie nationale et en particulier les travailleurs indépendants durement touchés par la crise éclatée suite à la pandémie du covid-19. Avec un taux de 0,1 pour cent, ce micro-impôt permettrait de récolter environ 20 milliards de francs durant trois mois, permettant ainsi à la Confédération de financer les dépenses publiques nécessaires pour relancer l’économie nationale sans devoir faire appel à l’endettement.

Au vu de la forte augmentation du commerce électronique induite par la fermeture de nombreuses activités économiques après l’éclatement de la pandémie, l’imposition fiscale des transactions électroniques – en particulier les transactions financières – par un micro-impôt assurerait des recettes fiscales importantes pour la Confédération. Le micro-impôt sur les transactions électroniques est aussi simple qu’efficace. Il permet à l’État d’encaisser des recettes fiscales considérables avec un barème d’impôt qu’il est possible de modifier en fonction des besoins et des choix de politique économique, ces derniers devant viser le bien commun dans l’intérêt général.

Le cautionnement des crédits bancaires et le report des échéances pour payer les charges fiscales des contribuables ne seront pas suffisants pour éviter de très nombreuses faillites et une forte augmentation du chômage en Suisse. Il est temps de repenser le système fiscal pour permettre rapidement une reprise solide des activités économiques. Autrement, une bombe à retardement pourrait éclater lorsqu’il s’agira de rembourser les emprunts bancaires contractés par les entreprises avec le cautionnement de la Confédération, dont la dette dans un tel cas augmenterait sans aucun effet de relance pour l’économie nationale.

La crise économique sera pire que le coronavirus

La crise sanitaire éclatée suite à la pandémie du nouveau coronavirus (covid-19) semble avoir dépassé la phase la plus aigüe, à en juger par les statistiques et les évaluations de celles et ceux qui sont au front sanitaire depuis bien des semaines.

La crise économique induite par cette pandémie, en revanche, vient juste de commencer et va durer bien plus longtemps que la crise sanitaire, à cause des choix de politique économique effectués sur le plan global. Les dégâts et les drames de cette crise économique seront bien plus graves que ceux engendrés par la pandémie, aussi parce que, contrairement aux décès liés au covid-19, les souffrances provoquées par la crise économique pourraient être évitées par des choix politiques appropriés pour soutenir et ensuite relancer les activités économiques qui répondent à l’intérêt général et visent le bien commun.

Même si une partie considérable des partisans du néo-libéralisme a reconnu l’importance de l’État au niveau économique, beaucoup reste encore à faire avant que les États décident d’augmenter les dépenses publiques dans une proportion importante par rapport au produit intérieur brut. Il s’agit pourtant de la seule mesure à même de soutenir et ensuite de relancer les activités économiques frappées par les conséquences négatives de la pandémie, augmentant les dépenses de consommation, le niveau d’emploi et, en fin de compte, aussi les profits des entreprises. Cela sera également utile au secteur bancaire et aux finances publiques, dont les recettes fiscales ainsi récoltées permettront de rembourser au moins une partie de la dette publique accumulée pour sortir de cette grande crise économique – qu’il n’est pas exagéré d’appeler « Grande dépression » car il est vraisemblable qu’elle sera encore pire que celle des années 1930.

Dans les années 1930, en effet, la pensée économique dominante était celle de J.M. Keynes, qui avait influencé les choix de politique économique de l’administration Roosevelt aux États-Unis, où une crise financière (ensuite devenue une crise économique) avait éclaté à la fin des années 1920, laquelle avait aussi affecté le Vieux continent. Grâce au « New Deal » de Roosevelt, l’économie américaine avait pu sortir de la Grande dépression grâce à une forte augmentation des dépenses publiques. De nos jours, en revanche, il n’y a pas les présupposés pour un plan de relance Keynésien, parce que le Keynésianisme a disparu au niveau des choix publics et dans la presque totalité des facultés de « sciences économiques » au plan mondial.

La pensée économique dominante reste celle du néo-libéralisme, qui avant l’éclatement de cette crise prêchait pour « moins d’État et plus de marché », et qui à présent admet des aides publiques (peut-être aussi à fonds perdus) aux entreprises, supposant que l’offre crée toujours une demande équivalente sur le marché des produits, indépendamment du niveau d’emploi et de la répartition du revenu et de la richesse dans l’ensemble de l’économie.

En réalité, comme Keynes l’expliqua, les entreprises demandent des crédits bancaires seulement si elles s’attendent une demande à la hauteur du niveau de production envisagé. Or, au vu du chômage et des difficultés financières de bien des ménages, il est impensable que dans la situation actuelle l’État puisse relancer l’offre avec les mesures de politique économique déployées jusqu’à présent. La Grande dépression frappera donc prochainement l’économie globale et sera beaucoup plus virulente que le covid-19.

La crise immobilière est proche en Suisse

La crise économique globale induite par la pandémie du nouveau coronavirus aura un effet dramatique. Non seulement sur le marché du travail et le marché des produits, où l’on peut déjà observer clairement les premiers signaux d’une grande dépression d’envergure mondiale, mais également sur le marché immobilier, qui sera aussi durement frappé par la crise, pour au moins deux raisons.

D’un côté, de nombreuses personnes ne pourront plus payer le loyer de leur propre logement, suite à l’impossibilité de recevoir un salaire suffisant pour assurer le minimum vital, parce que l’entreprise qui les avait engagées aura fermé ses portes ou renoncé à demander un crédit bancaire, considérant le risque de ne pas pouvoir le rembourser, même si le taux d’intérêt est nul. Pour un nombre important de petites ou moyennes entreprises, ce risque s’étend aussi au remboursement des prêts hypothécaires qu’elles avaient obtenus pour acheter les surfaces commerciales ou industrielles où elles réalisent leurs activités économiques.

De l’autre côté, les nombreux propriétaires de maisons auxquels les banques avaient octroyé des crédits hypothécaires considérant que leurs salaires étaient suffisants pour assurer le service de la dette, ne pourront pas payer les intérêts échus ni l’amortissement, suite à leur impossibilité de recevoir le salaire que la banque avait considéré pour leur octroyer une hypothèque.

Considérant le volume des prêts hypothécaires qui pourraient devenir inexigibles avant la fin de cette année en Suisse, il est évident que les banques sont très fragiles, même si la Confédération a offert un cautionnement sur une partie des crédits bancaires aux entreprises qui vont en faire la demande suite au nouveau coronavirus.

C’est aussi pour cette raison – au-delà de la volonté de soutenir les entreprises en difficulté à cause de la pandémie – que l’État, en particulier la Confédération, devrait augmenter de manière considérable les dépenses publiques, soutenant la demande sur le marché des produits, sans laquelle ni les entreprises ni les banques vont pouvoir enregistrer des bénéfices et verser des dividendes à leurs actionnaires (parmi lesquels se trouvent leurs propres dirigeants).

Au lieu d’offrir des cautionnements aux banques, la Confédération devrait mettre en œuvre un plan pour aider les personnes de la classe moyenne et de la classe inférieure à boucler les fins de mois, en leur versant un revenu de base inconditionnel grâce auquel même les loyers et le service de la dette hypothécaire de ces personnes pourra être payé régulièrement.

Lorsque cette pandémie sera seulement un terrible souvenir, l’on pourra alors constater que la dépense publique aura été moindre de cette manière là que si la Confédération continue à privilégier le secteur bancaire, négligeant le fait qu’on ne peut pas relancer l’offre si l’on ignore la demande et le marché immobilier.

Le vaccin contre le coronavirus s’appelle eurobond

La crise économique globale éclatée suite à la pandémie du coronavirus ne pourra pas être résolue par l’«hélicoptère monétaire» des banques centrales. Ni l’augmentation des liquidités, ni la diminution des taux d’intérêt vont pouvoir aider les ménages et les entreprises à sortir de cette crise économique – qui frappe l’économie globale dans une période déjà difficile car le système économique souffre encore de la crise éclatée en 2008. Il n’est pas possible de relancer l’offre si l’on ignore la demande sur le marché des produits, comme le font les gouvernements et les banques centrales dans les pays occidentaux. Seule une forte augmentation des dépenses publiques sera en mesure de relancer et de soutenir les activités économiques à long terme.

Vu la situation exceptionnelle que la pandémie a engendrée, il faut une solution exceptionnelle aussi en ce qui concerne les dépenses publiques. Au-delà du montant exorbitant qui doit être dépensé par le secteur public, il faut aussi coordonner les mesures d’intervention aux différents niveaux de gouvernement.

Supposant que la phase aigüe de la pandémie dure six mois, les gouvernements des pays avancés sur le plan économique devraient augmenter les dépenses publiques d’un montant correspondant à un tiers du produit intérieur brut semestriel, si on fait l’hypothèse que la pandémie provoque une perte d’environ 30 pour cent des activités économiques. C’est la seule manière de pallier les conséquences négatives de la pandémie sur le plan économique, sans faire exploser le chômage avec les retombées négatives que cela comporte aussi bien pour l’économie que pour la société dans leur ensemble.

En Suisse, le gouvernement fédéral et les gouvernements cantonaux n’ont pas montré, jusqu’à présent, avoir saisi l’ampleur du problème, au vu des faibles montants qu’ils ont décidé d’allouer à la lutte contre les effets économiques du coronavirus. Les autorités politiques helvétiques continuent de penser, à tort, que l’État doit se limiter à soutenir l’offre de biens et services par des aides aux entreprises qui, au-delà des faibles montants alloués à cet effet, ne vont aucunement relancer les investissements, parce qu’elles n’agissent pas sur la demande sur le marché des produits.

Comme le faisait déjà remarquer Keynes dans les années 1930, aucune entreprise ne voudra jamais augmenter ses investissements productifs, si déjà elle a de la peine à écouler les produits qu’elle a mis en vente sur le marché. Il faut dès lors augmenter la demande de biens et services, si l’on veut soutenir et relancer l’offre sur le marché des produits.

L’Union européenne, sur ce plan, est justement en train de réfléchir sur la possibilité d’émettre des euro-obligations, permettant ainsi aux finances publiques d’obtenir le financement nécessaire pour mettre en œuvre une stratégie anti-crise coordonnée au niveau européen. La Suisse pourrait y participer si la Banque nationale achète ces euro-obligations, faisant aussi de la sorte affaiblir le taux de change du franc suisse. L’industrie d’exportation en serait soulagée et la cohésion nationale en sortirait renforcée.