La troisième vague va arriver et ce sera une catastrophe

Cette nouvelle année a commencé terriblement mal et sera peut-être pire que l’année qui vient de se terminer, tant sur le plan sanitaire qu’au niveau économique, en Suisse. La Covid-19 n’en est pas la seule responsable: davantage que le coronavirus, ce sont les choix privés et publics qui ont tiré vers le bas la société et l’économie dans leur ensemble.

Si les autorités fédérales ont fait face à la première vague de la pandémie (au printemps passé) de manière claire et déterminée, mettant la santé de la population devant à la fois les intérêts économiques et l’équilibre des finances publiques, afin d’éviter une augmentation exponentielle du nombre de personnes affectées par le coronavirus et celui des décès à cause de la pandémie, la deuxième vague – qui était bien prévisible déjà l’été passé – a été très mal gérée par le Conseil fédéral et par certaines autorités cantonales, qui ont donné la priorité aux intérêts économiques de court terme et à l’équilibre des finances publiques plutôt qu’à la protection de la santé de la population.

Cela n’est pas une nouveauté, mais le comportement des autorités politiques depuis l’été passé est exécrable et doit changer rapidement, parce qu’autrement la troisième vague – qui a déjà commencé – se traduira en un massacre tant sur le plan sanitaire qu’au niveau économique. Il y aura alors un nombre impressionnant de décès et de mises en faillite de petites ou moyennes entreprises, sauf dans le cas où celles-ci reçoivent des aides publiques importantes et à fonds perdu.

Cela fait mal de voir qu’un pays riche comme la Suisse – où les finances publiques ont des marges de manœuvre financière que les autres pays lui envient – ne fait pas ce qu’il devrait faire pour préserver la santé de ses propres habitants. En fin de compte, la posture actuelle des autorités gouvernementales, qui veulent éviter une forte augmentation des dépenses publiques, donnera lieu à des déficits publics bien plus élevés que ceux qui découleraient d’un deuxième confinement total des activités économiques qui ne sont pas indispensables durant la phase la plus aigüe de la deuxième vague de cette pandémie. Qui plus est, la Banque nationale suisse devrait soutenir les dépenses publiques en achetant les obligations de la Confédération sur le marché primaire, au vu également des rendements négatifs de celles-ci dont peuvent bénéficier les autorités fédérales.

Rien de tout cela n’aura lieu, parce que le mantra du «moins d’État et plus de marché» résiste aussi au plus virulent des virus. Peut-être que la Covid-19 est même considérée comme un événement bienvenu par la majorité au niveau politique, pour ses effets favorables à l’assainissement des caisses de l’AVS, vu le nombre élevé de personnes retraitées qui meurent à cause du coronavirus. Ce «darwinisme social» en dit long sur les acteurs qui dictent les choix politiques aux gouvernements et sur l’émasculation de la démocratie au sein de ce qu’on continue d’appeler une «économie sociale de marché», à une époque où celle-ci n’a plus rien de social sauf l’étiquette.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.

21 réponses à “La troisième vague va arriver et ce sera une catastrophe

  1. “Darwinisme social” : n’y a-t-il pas une autre expression pour appeler un chat un chat ?
    Merci au professeur Rossi pour sa clairvoyance et son courage.

    1. Cher professeur, comme économiste hétérodoxe (Keynésien) et ancien professionnel des marchés financiers, je salue votre courage et surtout la véracité des propos de votre chronique. J’y souscris pleinement.

      Quant à certains de vos détracteurs dont l’arrogance est à la mesure de leur inculture patente dans la pluralité des “sciences économiques”, je les invite à lire vos réactions/propositions datant d’une année:

      https://www.bilan.ch/economie/pour-combattre-la-crise-du-covid-19-il-faut-une-relance-par-la-demande

      Cordialement

  2. Le Professeur Rossi, marxiste affiché, devrait au contraire se réjouir de la Façon dont les Camarades socialistes Somarugga, Berset et Ruiz pour le canton de Vaud ont réussi de manière éclatante la campagne de vaccination “à chacun selon ses besoins”, le tout évidemment sous le contrôle éclairé des fonctionnaires d’Etat. Le monopôle de la vaccination que l’Etat s’est accordé de force, au détriment du secteur privé, conduit par exemple à ce qu’aujourd’hui, selon la presse, moins de 15% des doses disponibles ont été administrées. Une honte. Le professeur pourrait calculer ce que le covid nous a coûté jusqu’ici, et confirmer mon chiffre: chaque résident suisse perd chaque mois env, 8000CHF. Combien de temps encore l’idéologie néfaste que soutient M. Rossi va encourager cette catastrophe ?

    1. Ne racontez pas n’importe quoi: la droite gouverne en Suisse. Berset et Somarugga sont minoritaires et doivent faire ce que le PLR et l’UDC demande au sein du collège. (4 contre deux + un centre droit). Vous n’allez pas me faire croire que MM. Parmelin, Cassis (médecin proche des lobby des caisses maladies) et Maurer ainsi que Mme Keller-Sutter sont trop timides pour contrer M. Berset ?

      La droite est aussi majoritaire dans les deux chambres qui applique une politique néo-libérale qui est l’idéologie dominante en Suisse. La gestion de cette crise n’est pas de gauche mais bien de droite: c’est pour cela que la priorité a été donnée à l’économie.

      Je ne juge pas d’ailleurs le fait que cela soit bien ou mal mais il faut arrêter le populisme et laisser la paternité des erreurs aux responsables…

      Ce qui est fou, par contre, c’est que ces deux chambres (à droite) ont voté la loi Covid qui est maintenant combattue par référendum populaire (soutenue par l’extrême droite). Et là, je me marre car tout les commerçants libéraux qui ont soutenu ce texte par simple ras-le-bol sans rien n’y comprendre, vont se retrouver sans aides de l’Etat en cas d’acceptation (car c’est a peu près la seule chose sur laquelle nous voterons). Les mesures sanitaires, elles, seront imposées et si la Suisse ne gère pas la situation, elle sera mis au ban de l’Europe et son économie avec. Les touristes ne reviendraient pas de si tôt et Singapore pourait récupérer Davos de manière permanente….

      Merci M. Autogoal !

      1. Parfaitement en accord avec vos propos: les critiques à l’encontre de Berset et Sommaruga proviennent principalement d’un majorité politique qui refuse d’assumer ses responsabilités entant que majorité gouvernante. La vérité déjà vécue est que le retard pris pour confiner le Tessin par soucis de préserver l’économie au début de la pandémie s’est finalement payé cash, de même que les hésitations pour stopper les tournois sportifs et fermer les boîtes de nuit cet automne. La soumission aux lobbies si chère à la droite devient insupportable en période de crise. Par contre, il est indispensable que l’Etat accompagne ses restrictions de compensations dans la mesure de ses moyens qui restent significatifs.

  3. “la posture actuelle des autorités gouvernementales donnera lieu à des déficits publics bien plus élevés que ceux qui découleraient d’un deuxième confinement total des activités économiques qui ne sont pas indispensables durant la phase la plus aigüe de la deuxième vague de cette pandémie.”

    L’auteur ne justifie pas du tout ce propos.
    D’un point de vue très cynique, pour accompagner la dernière partie de l’article, accepter de laisser mourir 1 ou 5% de la population, devrait bien coûter bien moins cher que de mettre 10 fois plus de monde au chômage, non?

  4. Bonjour.

    Excellent article. Je ne suis pas sûr cependant qu’il est judicieux de parler d'”émasculation” de la démocratie : quels seraient, en effet, ses attributs reproducteurs spécifiquement mâles ?

  5. très mauvaise analyse :
    – la première vague s’est arrêtée avec l’été , sans masques
    – la deuxième vague s’est propagée en dépit de toutes les mesures prises ( masques, fermetures, …) ,
    l’appli swisscovid a été un échec complet
    – la troisième vague est hypothétique et de toute manière ne pourra être freinée que par la vaccination , alors arrêtez de blablater et mettez en place tous les moyens pour protéger d’abord les personnes vulnérables qui encombrent les hôpitaux et ensuite la population générale …

    1. – la première vague a été stoppée par un semi-confinement strict (la mesure la plus forte jamais prise durant la pandémie y compris écoles fermées et télétravail obligatoire et frontières fermées, interdication de rassemblement, interdiction de coller quelqu’u à moins d’1.5 m, etc). Elle s’est achevée en Juin avant l’été.

      – le virus a commencé à couver durant l’été. Cela a pris du temps car le virus avait pratiquement disparu mais vu que c’est un phénomène exponentiel, il y a un temps de retard entre l’imprudence et les conséquences. De plus, l’été, la contagion est moins grande à l’extérieur. Le port du masque est suivi pas ceux qui le veulent bien (y compris au travail) et il n’y a aucune pénalité en cas de n’importe quoi.

      – Les mesures prises lors de la 2ème vague ont été 10 fois moins strictes que lors de la 1ère: écoles ouvertes, pas de télétravail (facile à constater sur la route), magasins ouverts, frontières ouvertes, possibilité de voyager (seuls quelques pays sont dans la liste rouge car le nombre de cas est tellement élevé en Suisse que c’est moins pire à peu prêt partout ailleurs). Seules des mesurettes concernant les restaurants, les centres sportifs et les grands rassemblements ont été prises. En pratique 80 % de la population a continué à faire comme avant.

      Attention, le virus ne fait pas que tuer, il attaque tout le système y compris le cerveau et la mémoire avec des séquelles parfois importantes.

    2. Très bonne remarque, Monsieur Giot.
      La Suisse avait fait tout juste jusqu’à l’automne. Preuve en est la bonne résistance de l’économie et le faible taux de chômage à la fin 2020. Depuis décembre, le Conseil fédéral a abandonné la voie pragmatique pour en venir au confinement actuel. Des mesures toujours plus liberticides, extrêmement grave sur la santé (interdiction de pratiquer plus de 90% des sports, dépression et probablement hausse des suicides – mais aucun média n’enquête là-dessus, censure oblige…) et économiquement dévastatrices. Sans parler d’une génération de jeunes dont le droit à la formation est sacrifié.
      Les “experts” nous annonçaient une hausse des cas après les fêtes. Rien n’est venu. “Les experts” nous annoncent depuis trois semaines une flambée des cas due au nouveau variant. Suivons les chiffres. Si rien ne vient, il sera temps de dissoudre ces gremiums “d’experts” qui ont malheureusement pris le pouvoir. Et de revenir à la gestion pragmatique de juin dernier, lorsque le Conseil fédéral a tout réouvert alors que les “experts” criaient au loup. Rien ne s’est passé durant l’été.
      Les règles actuelles, dont le port du masque partout et le confinement, doivent être levées au plus vite. Toute la suisse en sortira gagnante.

      1. “Toute la Suisse en sortira gagnante”, merci de parler au nom des 8’600 victimes du Covid et de leurs proches. Sans parler des 21’000 personnes hospitalisées et les nombreuses séquelles post-Covid. Quand au personnel hospitalier, j’imagine que cela ne fait pas partie de vos préoccupations.

        Je ne vois pas ce qui vous empêche de faire du sport. Il faut s’adapter mais contrairement à d’autres pays, le ski est ouvert et il n’est pas interdit de sortir de chez soi (course, randonnée, etc). D’ailleurs ce que nous vivons est très loin d’un confinement. Appelez vos collègues anglais ou américains pour mieux comprendre ce qu’ils vivent.

        Quand à la censure, je vous souhaite que tous les pays du monde la pratiquent comme la Suisse. Je n’ai jamais entendu un commentaire aussi peu approprié alors que ce blog dans un quotidien vous est ouvert malgré vos propos peu mesurés contre les autorités. Par ailleurs, il y a eu des enquêtes sur les suicides et les chiffres sont disponibles (regardez avant de commenter).

        L’Europe et d’autres pays partenaires suivent de près l’incapacité à la Suisse à reprendre le contrôle depuis Juillet. L’image de notre pays a été fortement ternie. Des fermetures de frontières par certains pays ne sont pas impossibles.
        Des délocalisations sont aussi à l’étude. Tout cela sera discuté activement à Davos… euh pardon à Singapore.

        Nous pouvons encore nous rattraper en limitant la casse et en accélérant la vaccination pour éviter une situation durant le printemps en Suisse comme la vit l’Anglettere actuellement. Nous pourrons alors lever les mesures bien plus rapidement qu’en laissant la situation hors de contrôle.

  6. Merci M Rossi, enfin une analyse claire et pertinente de la situation. Je me sens un peu moins seule avec mes pensées. On aurait tord d’ailleurs d’attribuer vos constatations à une idéologie politique: le constat reste valable que l’on soit de droite ou de gauche.

    A vouloir ménager la chèvre et le chou, on se retrouve dans la pire situation tant bien sanitaire, économique que morale. La population a l’impression que l’on patauge dans la gadoue sans avancer dans une pandémie sans fin. L’économie ne peut rien planifier car, quand le virus finit par gagner (plus il circule, plus il s’adapte à notre système immunitaire…), on finit par s’y soumettre. Cela ne fait que prolonger la situation… et finalement, la mortalité et la santé globale de la population a bien empiré ces 4 derniers mois par rapport à nos voisins…

    Perdre le contrôle en Juin dernier (en donnant par exemple le traçage aux cantons), ce n’était pas très malin et attendre 2 mois en septembre pour réagir encore moins.

    Résultat: nous allons vivre une belle 3ème vague car nous partons de trop haut pour que le rythme des vaccinations ne permette de l’endiguer. Avec un peu de chance, nous allons prendre 6-8 mois de plus pour contrôler la pandémie. Mais si nous poursuivons sur cette voie molle, nous pourrions bien passer en mode chronique avec un virus qui mute suffisament chaque année pour contrer un vaccin plus à jour… par sûr que ce soit un terrain très favorable pour le commerce, l’hébergement des cadres de multi-nationales ou d’institutions internationales…

    Nul doute que le pays qui arrivera le mieux à contrôler la situation restera/deviendra la 1ère puissance mondiale…

  7. le Valais soutient la coupe du Monde de ski cette semaine et cache intentionnellement les informations qui sont vitales à la population. Les risques COVID.
    Il y aura beaucoup de mort à cause de l’irresponsabilité des autorités. En février de l’année dernière ils ont organisé la coupe du monde a Crans Montana et tout le monde est tombé malade, il y a eu des dizaines de morts à cause de ça !
    C’est révoltant !
    Le fric en premier c’est ignoble!

  8. Comme le relevait cet excellent article du Temps (https://www.letemps.ch/suisse/leurope-se-moquait-epidemies), c’est la première fois dans l’histoire qu’on accorde une telle primauté à la vie sur l’économie. Est-ce l’honneur de notre civilisation ? Oubien a-t-on compromis l’avenir des jeunes générations pour prolonger l’acharnement thérapeutique de quelques pensionnaires d’EMS ? Sur les questions de valeurs, on ne démontre pas sa réponse; si on veut faire preuve de grandeur d’âme, alors il faut accepter de payer de sa poche (pas celle des autres). En d’autres temps, on aurait créé un impôt spécial COVID s’appliquant aux revenus et plus-value de l’année 2020. Fonctionnaires, cadres supérieurs et autres télétravaillant (dont je suis) auraient ainsi pu être mis à contribution pour dédommager les victimes économiques.

    1. Bonsoir Gauthier Yannick,
      Permettez-moi de partager à nouveau mon approche qui me semble, en toute humilité, plus réaliste et plus sombre. Pour ce faire, elle se développe en deux chapitres (postés ici même le 11 mai 2020 et le 07 septembre 2020)

      Chapitre 1- Introduction à la scène du crime:

      La doxa néo-libérale cherche -t-elle véritablement des pistes pour sortir de la crise du « Grand confinement » (2020) alors que celles recommandées lors de la « Grande récession » (2008) – par les hétérodoxes – ont été balayées d’un revers de main aux profits des dogmes – et autres préjugés – qui nourrissent toujours les mêmes Écoles de pensées sans en tirer un quelconque enseignement?

      Et question des leçons d’histoire, même les recettes fructueuses menées avec le New Deal de Roosevelt lors de « la Grande dépression » (1930), ont été (incon)sciemment oubliées par les néo-libéraux et les ordo-libéraux. Croyez-vous utile que l’on précise à nouveau aux orthodoxes que la diminution des dépenses de l’individu a un effet négligeable sur l’économie de son pays tandis que la réduction du train de vie du secteur public a un impact désastreux sur le secteur privé comme sur la consommation ? Pensez-vous nécessaire, même après les études empiriques en la matière – et celles ayant déjà déboulonné les croyances censées bienfaitrices en la Supply-side economics & la Trickle down theory – à re-préciser que le risque hyper inflationniste dans l’économie réelle, savamment entretenu ces dernières années, n’est pas du fait d’une politique de mesures de relance budgétaire en soit, mais bien d’un comportement timoré à son égard, voir une absence quasi totale de cette courroie de transmission (découplée par l’orthodoxie budgétaire, cette même austérité qui a au final asséché la conjoncture économique européenne et l’a entraînée dans une spirale déflationniste) aux politiques non conventionnelles des banques centrales (politiques de relance monétaire) qui a précisément favorisé une augmentation inquiétante – cette dernière décennie – de la valorisation des actifs mobiliers et immobiliers (exubérance irrationnelle).

      Doit-on encore souligner que les sociétés cotées les plus importantes au monde se sont endettées ces dernières années à hauteur de 13.5 trillions de dollars pour racheter leurs propres actions au lieu d’investir dans l’outil de production et dans la formation de leurs salariés ? Que les 1% les plus nantis possèdent à eux seuls près de 70% des capitalisations boursières et les 90% les moins fortunés, seulement 6%? Que 80% des introductions en bourse ayant eu lieu en 2018 aux États-Unis, par exemple, furent perdantes ? Un chiffre record et sans nul précédent dans l’histoire des bourses des pays intégrés. Eh oui, le ruissellement est devenu un leurre et chacun devrait intégrer que le Capital, par sa seule circulation et sa vélocité suffit dans les échanges à se reproduire tout seul, au détriment du facteur travail qui, lui, tend à disparaître. Oui, le facteur Travail, en soit, n’est plus une valeur (si ce n’est morale) car il disparaît et nous l’avons pourtant voulu (Sismondi). Rappelons-nous, « sous sa forme actuelle, le travail est un concept récent dans l’histoire humaine. Jusqu’à la fin de la Renaissance ayant vu en 1602 l’avènement de la société par action, l’homme travaillait en effet pour lui-même. Artisans, agriculteurs et éleveurs, les hommes échangeaient leurs marchandises contre des biens et des services. C’est à l’avènement de l’ère industrielle que l’on doit l’apparition du travailleur peu qualifié, et donc facilement remplaçable. Les percées techniques fulgurantes inaugurèrent ainsi un monde nouveau dominé par une production plus rapide, et surtout peu onéreuse. Aujourd’hui, à l’ère digitale, l’histoire se répète car les objectifs poursuivis sont identiques : tirer parti des dernières technologies pour augmenter l’efficience et la productivité, avec toujours moins de capital humain ». Comme l’eût écrit aussi très justement l’une de mes connaissances, ancien conseiller de banques centrales (M.S), «par le passé, tandis que le marché des actions offrait traditionnellement rentabilité et croissance sur le long terme aux investisseurs, et que le marché obligataire permettait, lui, de dégager du revenu, les baisses de taux quantitatives ont en effet bousculé cette donne car les liquidités globales se sont dès lors progressivement agglutinées vers les marchés boursiers internationaux qui disposaient d’un atout de taille en ces temps de taux déprimés : les dividendes. Phénomène sans précédent depuis 50 ans, le marché des actions est ainsi devenu un marché obligataire alternatif ».

      Eh oui, si les banques centrales ont en main le levier monétaire, l’exécutif d’un gouvernement, lui, dispose du levier budgétaire. Ceci nous conduit donc à ce que je dénonce aussi depuis des années : La collusion entre le pouvoir politique et économique est devenue évidente, et il est de notoriété publique maintenant que l’emploi n’est plus qu’une variable d’ajustement du capitalisme actuel. Quant à l’effet multiplicateur du marché immobilier, lui aussi est un révélateur puisque le système bancaire privé s’adosse principalement sur l’immobilier pour sa création monétaire (étant indiscutable aujourd’hui qu’en terme de création monétaire se sont bien les crédits qui font les dépôts et non l’inverse) et comme nul mécanisme ne saurait remplacer de nos jours l’effet de richesse induit par ce marché permettant de soutenir la consommation au sein de nos économies (donc bon pour le PIB des gouvernements), on a donc laissé se magnifier un marché tout en ignorant que huit des dix dernières récessions occidentales furent provoquées par des crises immobilières. On comprend ainsi que les multiples aides en faveur de l’accession à la propriété n’ont été que la manière la plus facile pour les banques et surtout pour l’État de créer des capitaux afin de nous donner une illusion de confort matériel et, ce, à mesure que nos salaires pour leur part étaient en plein déclin. Des solutions pour se calquer aux changements de paradigmes ? Taxation des robots, revenu inconditionnel de base, suppression de la TVA, micro-taxe sur les flux financiers. Et pour reprendre quelques pistes de l’économiste hétérodoxe mondialement reconnu, Thomas Piketty (« Capital et Idéologie »), pour qui, il faut redonner plus de justice fiscale et d’équité dans la concentration du Capital. Propriété sociale et cogestion des entreprises : les salariés reçoivent 50 % des sièges dans les conseils d’administration et les droits de vote des plus grands actionnaires sont plafonnés à 10 % dans les grandes entreprises. Propriété temporaire : création d’un impôt annuel progressif sur la propriété immobilière dont les taux iraient de 0,1 % pour les petits patrimoines (seuil à définir) à 90 % pour les patrimoines supérieurs (plusieurs milliards). Relèvement des taux des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu et les successions (jusqu’à 90 %). Constitutionnalisation du principe de la progressivité des impôts. Financement de la vie politique : les citoyens reçoivent de l’Etat des « bons pour l’égalité démocratique » à verser aux partis de leur choix ; plafonnement drastique des dons privés. Insertion d’objectifs fiscaux et écologiques quantifiés et contraignants dans les accords commerciaux et les traités internationaux. Création d’un cadastre financier international permettant aux administrations fiscales de savoir qui possède quoi ; suspension des accords de libre circulation des capitaux ne remplissant pas ces conditions.

      Après tout, aux USA, dans les années trente, avec « la Grande dépression », la crise économique sévère n’amènera-t-elle pas Roosevelt à modifier l’équilibre existant entre le marché et l’État ? « En redistribuant ainsi les profits économiques avec le New Deal destiné à relancer l’économie américaine et qui fut accompagné du Soak the rich tax . Les personnes gagnant plus de 200’000 dollars (soit un million de dollars aujourd’hui) par an furent taxées plus fortement, à hauteur de 63%. La loi fut révisée en 1936, augmentant ainsi le taux à 79% pour atteindre 91% en 1941. Pendant près de 50 ans, les USA vivront avec un taux marginal d’imposition sur les très hauts revenus proche de 80% » sans pénaliser leur croissance économique, bien au contraire.

      Chapitre 2 – La question qui fâche: – Mais à qui profite la Crise du Covid-19?

      Comme l’a justement souligné l’économiste Patrick Artus – dans une chronique – « l’objectif central du capitalisme néolibéral, qui commence dans les années 1980, est d’accroître la profitabilité des entreprises pour augmenter la rentabilité du capital pour les actionnaires. Pour réaliser cet objectif, le capitalisme néolibéral a utilisé un certain nombre de moyens », notamment « la déréglementation des marchés du travail » et a ainsi « obtenu une forte déformation du partage des revenus au détriment des salariés ».

      Sans surprise, nous pouvons constater (selon BusinessAM) une répartition de plus en plus inégale entre les revenus du travail par rapport à la croissance de la productivité…

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      …alors que la croissance de la productivité décline pourtant depuis les années 60 !

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      Parallèlement, de plus en plus d’emplois dans le secteur de la production ont déjà cédé la place à des emplois souvent mal payés dans le secteur des services. Les clés du progrès diront les uns, dans un esprit Schumpetérien (par analogie à la destruction créatrice), tandis que d’autres diront qu’il est abusif d’assimiler progrès technique et progrès social puisque la concurrence conduit toujours à une économie de main-d’œuvre et une baisse des salaires : les manifestations concrètes en sont l’esclavage et le machinisme, cette nouvelle forme de servitude.

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      Friedrich Hayek aurait pu, lui, ajouter que « le progrès technique, imprévisible, n’a pas à être encadré par l’État, au contraire, c’est la libre concurrence qui empêche un pouvoir totalitaire de s’en emparer ». Sauf qu’Hayek ne vivait pas au 21ème siècle, ni dans un monde globalisé où comme aux USA, un dixième de l’économie se caractérise par des industries dans lesquelles 4 entreprises contrôlent plus des deux tiers du marché. Une tendance similaire également observée en Europe, quoique moins extrême. Ainsi, avec des positions cartellaires, et une telle disruption de l’économie, il devient de plus en plus difficile de détrôner les leaders de quelques marchés – propres à l’économie 2.0 – aux États-Unis, en Europe, mais aussi en Asie.

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      Ainsi, conjointement à une guerre progressiste opposant Capital et Travail depuis les années 70, conjointement aux sauvetages de la sphère marchande par la « main bien visible » de l’État dès 2008 – heureux soient les néolibéraux – et n’en déplaise à ce bon vieux Adam Smith ou à feu Milton Friedman pour qui le Capital reste synonyme de Liberté ; il n’empêche que les entreprises « zombies » sont toujours maintenues au détriment d’entreprises nouvelles au modèle économique renouvelé. En refusant la destruction du Capital, nos sociopathes et technocrates, par choix volontaire et assumé, accrochés aux dogmes, nous ont contraint à renoncer à l’innovation car leur formule a empêché de nouveaux entrepreneurs d’améliorer un marché abandonné par des entreprises non rentables qui ne pouvaient poursuivre leur activité. Le Capital périmé reste donc maintenu en activité grâce à des taux bas, voir négatif, sans véritable impact sur la croissance économique et l’inflation et ce flot ininterrompu de liquidités (et par analogie de « facilités »)…

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      …ne profite, bien évidemment, à la collectivité, elle, se trouvant déjà inscrite au rang des débiteurs à (très) long terme dans l’antinomie de la « destruction-créatrice ». Or, en détruisant de la dette odieuse, l’on détruit du Capital. En détruisant du Capital mal-acquis, on créera à nouveau de la confiance, on favorisera l’innovation, la recherche, le développement et la formation. La destruction du Capital périmé au profit de la création de Capital neuf – grâce au coup de pouce du Covid 19? – pourrait redonner raison « aux utopistes » tels que Sismondi, Engels, Proudhon ou Marx qui prédisaient une société nouvelle reposant sur l’abondance de biens et où le travail (viable, tendra à disparaître) ne constituerait qu’une infime part de l’existence des individus. L’idée fondamentale qui unissait ces différents penseurs résidait dans les espoirs qu’ils plaçaient dans le progrès technique. « Un jour, les machines se substitueront aux hommes. Ce seront-elles qui peineront à leur place. Mais, pour que le temps libre soit synonyme de loisirs et non de chômage, il convient de renverser un modèle par un autre modèle politique et social ».

      Conclusion:

      Chacun l’aura certainement déjà compris, avec la digitalisation de nos modèles, l’intelligence artificielle, la robotique, les monnaies numériques, la prescience de la société sans cash, les positions cartellaires des GAFAM, nos économies modernes et intégrées sont en disruption et le Covid-19 n’est qu’un accélérateur profitant à la doctrine néo-libérale. Enfin et pour terminer, comme économiste hétérodoxe (Keynésien) et ancien professionnel des marchés financier, il me plaît à reprendre les propos de la présidente de l’Association syndicale des magistrats en Belgique, pour qui, le néo-libéralisme est un fascisme :

      « Le libéralisme était une doctrine déduite de la philosophie des Lumières, à la fois politique et économique, qui visait à imposer à l’État la distance nécessaire au respect des libertés et à l’avènement des émancipations démocratiques. Il a été le moteur de l’avènement et des progrès des démocraties occidentales. Le néolibéralisme est cet économisme total qui frappe chaque sphère de nos sociétés et chaque instant de notre époque. C’est un extrémisme. Le fascisme se définit comme l’assujettissement de toutes les composantes de l’État à une idéologie totalitaire et nihiliste. Je prétends que le néo-libéralisme est un fascisme car l’économie a proprement assujetti les gouvernements des pays démocratiques mais aussi chaque parcelle de notre réflexion. L’État est maintenant au service de l’économie et de la finance qui le traitent en subordonné et lui commandent jusqu’à la mise en péril du bien commun »

      1. N’importe quoi Raymond, analyse pontifiante à la petite semaine. Il faut arrêter avec cette jalousie et cette aigreur personnelle qui vous empêchent de voir le positif, même le plus évident.
        2 siècles de néo-libéralisme ont accouché de la plus grande prospérité et progrès social de l’histoire de l’humanité, la plus longue espérance de vie, le plus d’égalité des chances, la diminution des oppressions, l’accès à la connaissance, à la culture, etc. On peut toujours mieux faire, certes, mais on peut aussi reconnaitre ce qui a marché et continuez à travailler (au lieu de donner des leçons).
        70 ans de communisme n’ont accouché que de la misère, de l’oppression et de la dictature.
        Donc respirez un peu et cessez d’être constamment insatisfait, vous qui faites partie de la génération la plus gâtée qui ait jamais existé.

        1. 2 siècles de néo-libéralisme ? Vous avez une drôle de notion de l’histoire (crack boursier, 2 guerres mondiales, le new deal, Keynes… ).

          Visiblement votre commentaire sur l’accès à la connaissance ne vous a pas profité…

  9. Vos prédictions seront justes, OÙ PAS. Seul l’avenir le dira. Nos dirigeants font au mieux dans une situation si complexe que « personne ne sait ». Les bugs principaux proviennent de la décentralisation cantonale. La principale leçon à tirer est qu’en cas de crise importante, de type planétaire, c’est la Confédération qui seule doit prendre le leadership et en avoir les moyens. Finalement, oui oui et oui la BNS doit libérer ses milliards en aide directe à fonds perdus !!!!

  10. Analyse ridicule et totalement incohérente, à l’image des théories marxistes d’un autre âge, d’un M. Rossi qui ferait mieux de prendre sa retraite avec ses camarades de parti qui n’ont jamais rien accompli, ni géré, ni créé à part des théories abracadabrantes qu’ils enseignent à des générations rééduquées sur l’autel de leurs dogmes. Si l’économie avait la priorité dans cette crise, on ne serait pas en train de la massacrer comme c’est le cas aujourd’hui. Les seuls qui ont la priorité ici, ce sont les services de santé (appartenant à l’Etat et incapables de planifier quoi que ce soit) et les services de l’Etat, qui font semblant de prendre soin des pauvres commerçants qui trinquent. Les services de santé, ce sont des toutes petites unités surchargées dans des hôpitaux déserts. Et les services de l’Etat, ce sont des fonctionnaires qui n’ont pas perdu un seul centime et qui désormais travaillent à la maison au ralenti en nous offrant des services de moins en moins pertinents, à part la collecte des taxes et impôts. Droite ou gauche, peu importe, ce sont eux qui ont le pouvoir, de fait. Et ce sont eux qui sont en train de couler ce pays, en cherchant à blâmer constamment le “grand capital” pour détourner l’attention de leur médiocrité millénaire. Et M. Rossi est l’un d’eux.

  11. Bonjour Jean-Pascal Ponti,

    Votre diatribe me fait honneur car pour dater le certificat de naissance du néolibéralisme à deux siècles en arrière, il fallait oser alors même que sa conception n’était encore inscrite dans les biais cognitifs de ses géniteurs. Et, sauf votre respect, vous devriez savoir que les désordres intellectuels – pour rendre confus la différenciation entre Libéralisme et néo-Libéralisme – ne sont pas les meilleurs conseillers pour le bien commun, même si l’expression figurant dans l’oeuvre clé d’Adam Smith (La Richesse des nations) – un des pères du Libéralisme classique a toujours cours. Dans son œuvre de 1776, Adam Smith ne fait-il pas référence à “de gros efforts sont nécessaires pour arriver à rendre les gens aussi stupide et ignorant qu’il est possible de l’être pour un humain”? 

    Maintenant, si l’on emprunte le chemin se rapprochant un peu de la datation du certificat de naissance du néo-Libéralisme (avec cette volonté à vouloir détruire l’idéal keynésien) il nous faut revenir à 1944 avec l’oeuvre clé de Friedrich Hayek (La Route de la servitude) en parallèle à cette réunion organisée à la Société du Mont-Pélerin. Au fil de sa lecture, on y trouve notamment le rayonnant passage: “C’est la soumission de l’homme aux forces impersonnelles du marché qui, dans le passé, a rendu possible le développement d’une civilisation qui sans cela n’aurait pu se développer ; c’est par la soumission que nous participons quotidiennement à construire quelque chose de plus grand que ce que nous tous pouvons comprendre pleinement”. Mais on peut aussi admettre que Keynes, accusé à tord de n’être point un Libéral, fit parvenir une lettre en 1944 à Friedrich Hayek, depuis l’hôtel Claridge d’Atlantic City, dans le New Jersey, où il félicitait notamment l’économiste, né en Autriche, pour son “grand” livre, “The Road to Serfdom” (La route de la servitude) dans lequel Hayek défendait l’idée que la planification économique constituait une menace pour la liberté. “Moralement et philosophiquement, je me retrouve profondément en accord avec vous”, disait la lettre. John Maynard Keynes était à cette époque justement en route pour la conférence de Bretton Woods, dans le New Hampshire, où il allait participer à l’élaboration du nouvel ordre économique de l’après-guerre. La chaleur des louanges surprendra cependant les détracteurs de Keynes qui le voyaient avant tout comme le saint patron d’un capitalisme très dirigiste. Mais Keynes, contrairement aux idées reçues, n’était pas un homme de gauche mais un Libéral modéré. “La guerre des classes me trouvera du côté de la bourgeoisie éclairée” avait-il écrit dans son essai de 1925, “Suis-je un libéral ?” Plus tard, il décrivit les syndicalistes comme des “tyrans, dont les prétentions égoïstes et partisanes doivent être combattues avec bravoure”. Il accusa même les dirigeants du parti travailliste britannique d’agir comme des “embrigadés d’un credo dépassé”, des “demi-semi-marxistes fabianistes marmonnants et rongés de mousse”.

    Voyez-vous Jean-Pascal Ponti, s’il faudrait dater l’acte de naissance du néo-Libéralisme (non sa procréation), alors il nous faut revenir à la fin du modèle économique dominant de nos sociétés modernes qui prévalait jusque aux chocs pétroliers des années 1970. C’est-à-dire la mise au placard de l’idéal keynésien par les monétaristes. Les tenants de l’École de Chicago avec pour fer de lance, Milton Friedman. Rappelons-nous les déviances entreprises dès ces années 1970 avec les monétaristes, dont Eugène Fama né en 1939, un des pères du monétarisme et de l’idéologie néo-libérale, pour qui “l’hypothèse des marchés efficients est une affirmation simple qui dit que les prix des titres et des actifs reflètent toutes les informations connues”. Une théorie simpliste démentie depuis les derniers travaux de Richard Thaler de l’École de Chicago et Robert Shiller de l’Université de Yale (dont il s’inspira des avancées de Keynes sur nos « Esprits animaux », puis de George Arthur Akerlof). 

    Ne vous en déplaise, Jean-Pascal Ponti, comme vos officionados, c’est en effet suite aux travaux d’économistes (monétaristes) comme Eugene Fama, Milton Friedman (1912-2006) et comme Burton Malkiel, né en 1932, que les marchés financiers subirent dès le début des années 1980 une authentique transfiguration. Avec la participation active des plus hauts responsables politiques de l’époque comme Margaret Thatcher et comme Ronald Reagan qui devait même affirmer dans son discours d’investiture, le 20 janvier 1981 : “l’Etat n’est pas la solution à notre problème, l’Etat est notre problème” ! Dès cette période, le conservatisme économique et la régression sociale devaient régner en maîtres absolus. Le vide laissé par l’État fut tout naturellement comblé par le développement hyperbolique d’un secteur financier dès lors qualifié d’ “efficient”, voire de “parfait”. Cette finance était en effet appelée à rendre tous les services à l’économie. Les marchés seraient une sorte de juge de paix qui remettrait de l’ordre dans les finances des entreprises et des ménages en imprimant tous les pans de l’économie de sa bienveillante efficience. Les adorateurs du marché financier étaient même persuadés que ses prix étaient la résultante d’un équilibre rationnel, et que l’emploi n’était en fait qu’une variable au service de l’optimisation des valorisations boursières. C’est en effet Burton Malkiel qui assurait que “La vraie valeur des marchés triomphera en finalité car la bourse est un mécanisme de précision sur le long terme”. La dérégulation de nos économies et de la finance nous vient donc évidemment en droite ligne de cette hypothèse du marché efficient. Plus besoin de règlementation ni de garde-fous si le marché est efficient, donc optimal. Inutile de brider une bête qui se régule elle-même par le prix, qui élimine les plus faibles – c’est-à-dire ceux qui ont pris les mauvaises décisions – et qui fait gagner les plus forts. C’est donc une authentique “sélection naturelle” qui s’opèra par des marchés financiers omniscients et infaillibles. Comme cette autorégulation déroule ses effets bénéfiques sur l’économie, la tâche de l’État doit donc se réduire à sa plus simple expression. Hélas, ce rétrécissement du champ d’action de l’Etat – préalable incontournable à la dérégulation de la finance -, accouche depuis plus de trente ans de crises bancaires et boursières à répétition. Ce laissez-faire ayant essaimé depuis le monde anglo-saxon jusqu’à l’Europe continentale pour ensuite toucher l’Amérique latine et l’Asie, c’est l’ensemble de la planète qui a progressivement été infectée par des bulles spéculatives dont l’implosion fait d’immenses ravages financiers, économiques et bien-sûr humains. Sans compter les politiques mortifères d’austérité qui demeurent les préalables incontournables recommandés par la même idéologie que celle des pyromanes. En lieu et place des politiques de relance budgétaire qui ont pourtant fait leur preuve. Aujourd’hui et plus que jamais, c’est l’ensemble du spectre qui se retrouve contaminé par la financiarisation : l’énergie, l’immobilier, les denrées alimentaires, mais également l’éducation, la santé dans certains pays. Et avec elle, la prévention des risques systémiques sanitaires et l’organisation de la gestion des chocs exogènes (pandémies) . On l’aura compris, le manque de moyens est le corollaire à la rationnalité. Toutes les facettes de l’activité économique se retrouvent ainsi enchevêtrées dans une toile complexe tissée par la financiarisation dont la réduction des coûts est une composante essentielle, même si elle va à l’encontre du bien commun. Quant à ces idéologues, ayant prôné une politique de “laissez-faire” et une réduction de l’État à une peau de chagrin – et avec lui toutes ses prérogatives – même le pluralisme en “sciences économiques” a été infecté par leur doctrine. Suffit-il déjà de lire la publication, en France, d’un petit ouvrage intitulé “A quoi servent les économistes s’ils disent tous la même chose ?”  Et, Oui, même le “laissez-faire” est un mythe (et un paradoxe) sachant que l’idéologie néolibérale a impérativement besoin des leviers de l’État (lui-même ayant succombé dans les ornières dénoncées par la théorie du Public Choice) pour continuer de prospérer et assurer sa domination sur nos sociétés modernes.

    Vous commencez progressivement à le percevoir le paradoxe? Et sachez enfin, Jean-Pascal Ponti, que si je respecte profondément les esprits éclairés, je plains les arrogants qui s’attachent aux obscurantismes pour véhiculer leurs idéologies car les personnes comme moi auraient été brûlées vives sur le bûcher des hérétiques à une certaine époque.

    Avec mes salutations.

    PS: S’il vous faut encore des graph’s sur la financiarisation exponentielle menée depuis les années 70, de même que la démonstration de plus de 50ans d’injustice économique dont le point de départ se situe lui aussi dans le courant des années 70, consultez les dans la chronique précédente.

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