La farce de l’Eurogroupe

L’accord trouvé lors de la réunion de l’Eurogroupe du 24 mai est une farce et il est regrettable que personne ne l’ait fait remarquer dans la presse. Les décisions prises lors de cette réunion (marathon) ne font que repousser la solution des vrais problèmes tant pour la Grèce que pour l’ensemble de l’Union monétaire européenne en sa constellation actuelle.

Mis à part quelques retouches cosmétiques visant à rendre plus facile l’utilisation des fonds du Mécanisme européen de stabilité, afin que les créanciers de la Grèce soient remboursés aussitôt que celle-ci recevra les prochaines tranches de l’aide financière internationale, l’accord que les membres de l’Eurogroupe ont signé à 2 heures du matin du 25 mai, après neuf heures de discussions, renvoie à 2018 toute décision en ce qui concerne l’allégement de la dette publique grecque, sans quoi il n’y a aucune possibilité pour Athènes de sortir le pays de la crise profonde et dramatique qui afflige la population et l’économie nationale.

2018, en effet, représente la fin du troisième programme d’aide que les créanciers de la Grèce ont mis sur pied (pour soutenir, en réalité, leurs propres banques au lieu de l’économie grecque). Mais il s’agit, surtout, de l’année suivant les élections législatives en Allemagne, qu’il faut de toute évidence ne pas bouleverser par des annulations de dette et des rééchelonnements des échéances pour la Grèce qui pourraient nuire à la classe politique au pouvoir en Allemagne – et qui domine le reste de la zone euro sans avoir la vision nécessaire pour le bien commun.

Or, pour une fois (qui toutefois n’est pas coutume), le Fonds monétaire international avait raison en demandant à l’Eurogroupe de prendre tout de suite une décision qui s’imposera toute seule à la fin du troisième et peut-être pas dernier plan d’aide pour la Grèce: l’abandon d’une partie importante des créances internationales envers Athènes, qui sont très clairement inexigibles à long terme, ainsi qu’une suspension au moins jusqu’en 2040 de tout remboursement de la dette publique grecque.

Le court-termisme n’est pas uniquement une pathologie des banquiers d’affaires. Il affecte aussi clairement les politiciens élus, qui pensent au prochain rendez-vous électoral au lieu de s’occuper de l’intérêt général avec le courage et la clairvoyance que leur position exige pour être à la hauteur des défis contemporains. Pauvre Europe!

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.