Quelle sécurité en Europe?

Le Vieux continent n’est plus celui d’antan. Le modèle européen de l’«économie sociale de marché» a été progressivement détruit, pour être remplacé par le néolibéralisme d’origine anglo-saxonne, où l’État n’est qu’une entrave à la maximisation du profit de l’élite au pouvoir – qui passe sous silence le fait que ce pouvoir transgresse les règles de la concurrence «pure et parfaite» pourtant prônée par cette même élite avec l’appui intéressé des économistes de la pensée unique au niveau académique.

Les attaques terroristes que la population européenne vient de subir, d’abord à Paris et ensuite à Bruxelles, ont relancé le débat concernant la sécurité intérieure au sein d’un espace – l’Union européenne – que l’on prétend être intégré à différents niveaux (politique, économique, monétaire et financier). La réponse esquissée, fort timidement, par les autorités politiques au plan européen semble aller dans le sens d’un keynésianisme militaire, entendez que le consensus politique au sein du Vieux continent table sur une augmentation des dépenses liées à la sécurité intérieure afin de lutter contre le terrorisme islamiste et, de manière accessoire, pour donner un coup de pouce à la croissance économique des pays de l’Euroland, qui continue de représenter le grand malade de l’économie mondiale.

Or, à bien regarder, ce dont la population européenne a le plus besoin n’est pas une augmentation extraordinaire des dépenses publiques au titre de la sécurité intérieure, mais une augmentation considérable des dépenses pour la sécurité sociale, qui d’ailleurs devraient être exclues du calcul des déficits publics excessifs au sens des traités européens, comme le Président de la Commission européenne l’avait proposé en date du 18 novembre 2015 pour les dépenses publiques concernant la sécurité intérieure en France suite aux attaques terroristes parisiennes.

En effet, si la protection sociale de la population européenne était bien assurée, conjointement avec une politique économique promouvant la maximisation de l’emploi, les dépenses (privées et publiques) au sujet de la sécurité intérieure pourraient être réduites de manière utile aussi à assurer l’équilibre des finances publiques à long terme.

Il est vrai qu’il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, mais si cela continue de cette manière, les sourds (politiciens) vont de toute façon devoir continuer à entendre le bruit étourdissant des attentats terroristes et le chagrin lancinant de leurs victimes frappées au hasard. Un homme averti en vaut deux au bout du compte.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.