Lois et comportements économiques

La crise économique éclatée au plan mondial suite aux déboires de la finance globalisée a montré que «le Roi est nu». N’en déplaise à celles et ceux qui identifient le Roi avec l’État Providence, le Roi dont, en fait, il s’agit ici est la «science économique» à l’origine de ladite crise. Cette crise est, en effet, une crise provoquée par la pensée unique dominant à l’échelle mondiale dont les maîtres-à-penser sont vénérés comme s’il s’agissait de divinités avec des capacités métaphysiques – à l’instar de la prévision et la prédiction des événements économiques à un horizon temporel plus ou moins éloigné dans l’avenir.

Or, force est de constater que toute prévision économique est plus ou moins erronée, a fortiori lorsque le système économique est dans une période caractérisée par de fortes incertitudes et une volatilité élevée. Cela tient au fait que l’orthodoxie économique considère uniquement le comportement des agents économiques dans le cadre de ses analyses supposées d’ordre macroéconomique (entendez qui portent sur tout un système économique, comme l’économie nationale ou celle du monde entier). Ces analyses «micro-fondées» ont pris de l’ampleur au fur et à mesure que les outils informatiques et les techniques mathématiques pour la modélisation des comportements sont devenus de plus en plus sophistiqués, donnant l’impression que les développements techniques allaient de pair avec (et permettaient dès lors l’approfondissement de) la compréhension du fonctionnement de nos systèmes économiques.

Ce triomphe de l’économie comportementale a amené les économistes orthodoxes (de matrice néolibérale) à s’imposer au plan mondial sur la base d’un rapport de forces – plutôt que grâce à la force de leurs idées – qui a bafoué toute pensée économique alternative, reléguant l’étude des lois structurelles fondamentales régissant le système économique à la périphérie du monde académique, voire même au-delà de celui-ci.

Tant que l’analyse économique ne reposera pas sur l’étude des lois de nature structurelle régissant le fonctionnement ordonné ou désordonné de toute économie, le monde entier continuera à évoluer dans le chaos économique et le désarroi social, profitant à très court terme à l’élite de la finance globalisée, qui, au-delà de la classe politique, a visiblement soudoyé aussi les économistes les plus influents et «réputés» par la pensée autoréférentielle de leurs pairs au niveau académique. Errare humanum est, perseverare diabolicum!

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.