Le nouveau rêve américain: un cauchemar!

Le rêve américain d’avoir une maison et deux voitures s’est transformé suite à la crise financière éclatée en 2007 aux États-Unis, pour devenir le rêve d’avoir un travail (rémunéré). Ce constat amer d’un prédicateur baptiste dans la Caroline du Nord est mentionné dans un article récent du Financial Times, qui relate l’évaporation de la classe moyenne aux États-Unis suite à la crise dont les conséquences négatives continuent de sévir dans l’économie globale.

Ce phénomène ne tient pas principalement du niveau d’instruction des individus qui tombent sous le seuil de pauvreté, ou qui s’y rapprochent de manière dramatique – comme le prétendent les tenants de la vision néo-libérale de la société contemporaine, qui culpabilisent dès lors les individus n’ayant pas les capacités et les compétences nécessaires au plan économique pour être «compétitifs» dans l’économie globale. La paupérisation de la société états-unienne (mais il en va de même pour le Vieux continent et a fortiori pour les pays de l’Euroland soumis à des mesures d’austérité contre-productives) touche en effet de plus en plus de personnes ayant une formation universitaire (dont aussi les jeunes, auxquels on ne peut certainement pas reprocher de ne pas avoir suivi de formation continue car ils viennent d’obtenir leur diplôme de niveau académique). Le problème tient à l’approche dominante dans le milieu des affaires, qui s’est répandue des États-Unis au reste du monde, au fur et à mesure que la globalisation et la financiarisation ont pris pied à l’échelle planétaire.

Dans ce régime (de croissance) économique, la compétitivité se joue à travers une pression à la baisse sur les coûts de production, entendez donc principalement les salaires (hormis ceux des «top managers» qui, eux, suivent une tendance haussière qui n’a rien à voir avec l’apport de ces individus à la création de valeur sur le plan économique). C’est dès lors une lapalissade de noter que les salaires de la classe moyenne au pays-centre de l’économie globalisée (les États-Unis) ne lui permettent plus d’être le consommateur de dernier ressort au niveau mondial. L’image de la société états-unienne ressemble ainsi à une clepsydre, avec une base (les pauvres de toute sorte) dont l’ampleur augmente à travers le temps, un resserrement au milieu (la classe moyenne) de plus en plus mince, et un sommet (les plus nantis) qui enfle au fur et à mesure que la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine se répercute positivement sur les valeurs boursières sans cependant couler de manière conséquente dans l’économie réelle (figée dans une monumentale trappe à liquidité, qui tétanise les entreprises produisant des biens et services non-financiers).

Le rêve américain de jadis a désormais l’allure d’un vrai cauchemar et il est temps de se réveiller collectivement, si l’on veut éviter le pire à la société contemporaine.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.