La construction d’un parking souterrain sous la place d’Armes à Yverdon-les-Bains n’a pas fini de soulever des passions. Son redimensionnement (de 1000 places à 430) proposée par la Municipalité à majorité gauche-verte suscite l’ire du PLR. Lequel envisage de déposer une initiative populaire qui obligerait ladite Municipalité à augmenter la taille de ce parking, « un peu sur le modèle victorieusement utilisé dans le cadre de la route de contournement choisie par le peuple yverdonnois » écrit le quotidien La Région. Ainsi, après avoir décidé en 2012 la construction plus que laborieuse d’une telle route destinée à décharger le centre-ville du trafic, les Yverdonnois seraient invités à cautionner un immense parking destiné à aspirer un maximum d’automobiles vers le centre-ville. Gribouille n’aurait pas fait mieux !
S’inspirer d’exemples réussis
L’un des arguments du PLR est de redouter que l’attractivité voire la survie du centre-ville et de ses commerçants ne soit gravement menacée sans un méga parking. Sans revenir sur l’aberration écologique d’une telle réalisation qui en plus d’attirer un nombre croissant d’automobiles empêcherait tout développement de grands arbres devenus indispensables avec le réchauffement climatique, il serait peut-être judicieux que les Yverdonnois jettent un regard sur ce qui se passe ailleurs. Toujours plus nombreuses sont en effet les villes, moyennes ou grandes, qui dans le monde évacuent l’automobile de leur centre, pour le bien-être de tous leurs habitants, y compris des commerçants. Évidemment, il ne suffit pas de dire stop à la voiture sans prendre des mesures d’aménagement du territoire qui engagent les prochaines générations pour des décennies.
Ljubljana, ou l’histoire d’un pari fou réussi
Parmi les réalisations qui méritent notre attention, il y a l’exemple remarquable de Ljubljana, capitale de la Slovénie (notre image d’ouverture). Comme le révèle un récent reportage de France 2 dont s’inspire, dans un article, l’association Rue de l’Avenir active en Suisse romande, le centre-ville de Ljubljana a le même niveau sonore qu’une forêt. Plus aucune voiture n’y circule, pas même des taxis. Si au début les habitants ont manifesté leur mécontentement, ils se montrés enthousiastes un an plus tard, louant une ambiance paisible. Quant aux commerçants, ils se frottent les mains. En cinq ans, certains d’entre eux ont vu leur chiffre d’affaire augmenter de 30% !
En effet, en 2007, Ljubljana s’est lancée un pari fou : débarrasser progressivement son centre des voitures. Elles n’ont pas été interdites, mais tout a été aménagé en fonction d’un périphérique urbain. Avant d’entrer dans la ville, de grands parcs de stationnement sont là pour se garer. On peut monter gratuitement dans un bus pour aller dans le centre, et peut-être se diriger vers les nombreux râteliers à vélo.
De la ville amie des voitures à la ville amie des piétons
« Cinq ponts ont été construits pour raccourcir les temps de trajets des habitants, et les trottoirs ont été abaissés », explique la journaliste Diane Schlienger, de France 2. Des voiturettes électriques et gratuites emmènent touristes et habitants où ils veulent. La ville n’est ouverte aux véhicules qu’entre six et dix heures du matin, pour les livreurs. Chaque jour, à l’aube, c’est une course contre la montre. Les conséquences positives de la piétonisation sont spectaculaires et la fréquentation du centre-ville n’a fait qu’augmenter.
Ljubljana est également passée avec succès d’une ville amie des voitures à une ville amie des piétons, réduisant ainsi les niveaux de pollution et de bruit. La baisse du niveau du bruit routier est spectaculaire. Les surfaces piétonnes ont été augmentées de 620 % grâce à la fermeture du centre-ville (10 hectares) à tous les véhicules motorisés.
Un aménagement du territoire à redessiner
Certes, Yverdon-les-Bains n’est pas Ljubljana et comparaison n’est pas raison. Mais les Yverdonnois ne devraient-ils pas revoir sérieusement l’aménagement de leur territoire plutôt que de rafistoler un projet du siècle dernier ? Laisser les automobiles à l’extérieur de la ville (par exemple à Y-Parc) implique un réseau de transports publics infiniment plus élaborés et confortables que ceux que nous connaissons aujourd’hui, à l’image de ce qu’a réalisé Ljubjana. Par ailleurs, un effort substantiel devrait être entrepris pour dessiner de vraies pistes cyclables aujourd’hui inexistantes. Bref, il s’agit ni plus ni moins de (re)construire une ville du XXIème siècle.