Pierre-Yves Maillard « fait du Vlaams Belang » à l’envers

Le 26 mai 2019, ont eu lieu en Belgique non seulement les élections européennes, mais également celles au niveau national. Ces dernières ont été marquées en Flandre par une percée très importante du Vlaams Belang. La réussite dans les urnes de ce parti d’extrême droite est due au fait qu’il a ajouté à ses sujets traditionnels les thèmes économiques appartenant non pas à la droite classique, mais à l’extrême gauche. En d’autres termes, cette victoire électorale est due à une addition de prises de position anti-immigration, souverainistes et europhobes à d’autres de nature économique défendues habituellement par l’extrême gauche. Contrairement à ce que l’on a pu voir durant de très nombreuses années, les partis d’extrême droite ne vont plus chasser sur les terrains de la droite traditionnelle ou du centre, mais sur celui de la gauche et de l’extrême gauche. Ce phénomène s’il est particulièrement frappant en Flandre n’est pas isolé en Europe. Par exemple, bien que le phénomène soit un peu différent, on constate qu’en Italie la Ligue du Nord gouverne avec le Mouvement 5 Etoiles. Le cas italien n’est pas un bon signe. Je me souviendrai toujours qu’il y a de très nombreuses années, un fonctionnaire européen italien m’avait dit « vous savez, si vous regardez l’Histoire, vous constaterez que l’Italie, c’est le laboratoire du pire ! ».

Bien que moins extrême, la stratégie de Pierre-Yves Maillard repose sur les mêmes bases mais dans le sens inverse. En effet, il ne s’agit pas d’un homme d’extrême droite qui va chasser sur les terrains de la gauche ou de l’extrême gauche, mais d’un syndicaliste qui lie les thèmes de gauche à ceux de la droite souverainiste et antieuropéenne. Il n’y a qu’à écouter les récentes déclarations de Pierre-Yves Maillard et d’Oskar Freysinger sur la RTS pour en être convaincu.

Personnellement, j’ai beaucoup de respect pour Pierre-Yves Maillard et lui suis très reconnaissant pour tout ce qu’il a fait notamment avec Pascal Broulis dans le canton de Vaud. Cependant, le feu qu’il est en train d’allumer est dangereux. On peut imaginer pourquoi il se livre à cet exercice. Le jour où il s’agira de remplacer Alain Berset au Conseil fédéral, l’UDC pourrait peut-être lui être reconnaissante. Par ailleurs, au moment de prendre la présidence de l’USS, cela lui permet de marquer son territoire. Cependant, si je désapprouve cette manière de faire, je dirais que ce n’est pas dans les mains de Pierre-Yves Maillard que ces allumettes sont les plus dangereuses. En effet, on connaît sa tactique qui consiste à affirmer fortement ses positions tout en acceptant ultérieurement de négocier et de trouver des compromis. Le problème est qu’une fois que le brasier se sera enflammé les tisons ne seront plus nécessairement dans les mains de personnes tel Pierre-Yves Maillard ayant la volonté et la capacité de trouver des compromis. Lorsque le feu aura pris il ne sera plus possible de l’éteindre. Cela aboutira à l’explosion de la gauche et de la droite traditionnelles et à la terrible alliance des valeurs d’extrême droite et d’extrême gauche.

Pour contrer ce phénomène, il est fondamental que le citoyen en comprenne les risques et que les membres des partis de gauche et de droite qui refusent cette évolution se manifestent. Ce n’est pas parce que Mario Carera (avec qui je ne suis pas toujours d’accord…) est mon petit cousin que je me réfère à lui aujourd’hui, mais je ne peux que l’approuver et recommander la lecture de son article intitulé « Quel est le plan B des syndicats pour notre relation avec l’Europe » paru dans l’édition du Temps du 6 juin dernier.

Bien que partisan de l’accord-cadre entre la Suisse et l’Union européenne, je peux néanmoins tout à fait comprendre les arguments des personnes qui y sont opposées et pense qu’il est important que nous travaillions ensemble à trouver une solution. Celle-ci ne passera en tout cas pas par la « stratégie du Vlaams Belang » à l’endroit ou à l’envers qui n’aura comme seul effet à moyen ou à long terme que de mettre le feu à la baraque. N’oublions quand même pas que l’idéologie qui a embrasé l’Europe dans les années 30 s’appelait national-socialisme…

Philippe Kenel

Docteur en droit, avocat en Suisse et en Belgique, Philippe Kenel est spécialisé dans la planification fiscale, successorale et patrimoniale. Social démocrate de droite, il prône l’idée d’une Suisse ouverte sachant défendre ses intérêts et place l’être humain au centre de toute réflexion. Philippe Kenel est président de la Chambre de Commerce Suisse pour la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg à Bruxelles et de la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA) en Suisse.

2 réponses à “Pierre-Yves Maillard « fait du Vlaams Belang » à l’envers

  1. Pas une fibre particulière pour les socialistes, genre Levrat.
    Me rappelle d’une grande dame, Ruth Dreifuss.

    Il n’empêche que je souhaite à tout notre Parlement, d’avoir au moins la moitié du courage de Pierre-Yves Maillard.
    Ca suffit de baisser son pantalon devant des Junkies, alors que les suisses ont payé 4 milliards pour un Gothard qui n’a pas été pas construit pour exporter les coucous lucernois en Italie!

    Et on peut parler de l’électricité, ou de ce même quotidien en train d’être vendu à des fonds américains, etc.

  2. Cher Philippe,
    Merci pour ce commentaire aux caractéristiques qui ne sont pas sans rappeler les prémices de l’effondrement de la République de Weimar avec la tragique issue des montées de l’extrême gauche et de l’extrême droite en Allemagne. Il est effectivement inquiétant de voir les extrêmes “chasser” sur des terrains populistes revendiqués alternativement par les uns et les autres ce, par pure opportunité électoraliste. Pour ma part, je suis totalement opposé à l’accord-cadre tel que présenté, mal ficelé, incomplet et dont M. Junker entend que nous le signions dans l’urgence, sans attendre, peu lui importe les zones d’ombre, “on verra après!” Ce comportement montre l’irresponsabilité de ce dirigeant, tricheur notoire, alcoolique entre autres traits connus au sein de la Communauté européenne, qui a favorisé de manière outrancière son pays, le Luxembourg au détriment de cette même communauté… faites comme je dis , pas comme je fais!
    Ces pressions sont inacceptables car elles s’apparentent tragiquement à un diktat d’un autre temps avec le sous-entendu (tout-à-fait audible), signez ou vous serez broyé!
    Les récentes élections européennes ont souligné les inquiétudes du citoyen qui ne se reconnaît plus dans les partis traditionnels, lesquels sont focalisés par la seule doctrine économique et les enjeux qui vont avec, laissant de côté les attentes légitimes du vulgum pecus.
    Ceci est tragique car rien de bon n’émerge de la précipitation et nous avons, nous Suisses, l’expérience des menaces, des pressions ce, depuis bientôt 730 ans et nous devons, si telle est la volonté populaire, prendre le temps pour requalifier cet accord à la lumière de nos intérêts, de notre avenir et de notre histoire. Pour terminer, je partage pleinement votre inquiétude de voir des gens capables et aguerris, jouer avec des allumettes, alors qu’ils ne seront plus là pour éteindre l’incendie qu’ils auront allumé.
    Le Politique se doit d’avoir une vision au-delà de sa propre existence, de ses propres intérêts, de son propre ego, en cela, des personnages comme le Président chinois Xi Jinping ou Poutine, sont intéressants à défaut d’être exemplaires, car nous pouvons nourrir des doutes légitimes sur la politique autoritaire de ces derniers et sur le respect qui’ils devraient avoir envers leur ressortissants. L’histoire est un éternel recommencement dit-on, la question est pourquoi? Pour ma part je dirai que l’homme n’a pas de mémoire et répugne à reconnaître les erreurs du passé, tragique, mais malheureusement humain !

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