Comment lutter contre l’UDC en matière de politique migratoire ?

La politique migratoire de la Suisse comporte trois volets : l’asile, l’immigration des Européens et celle des ressortissants d’Etats tiers.

Si l’on observe le discours de l’UDC, ce parti parle uniquement de l’asile et de la libre circulation des personnes applicable aux Européens.

Les raisons principales de cette omission sont au nombre de trois.

Tout d’abord, parler de la question de la politique d’immigration de la Suisse à l’égard des ressortissants d’Etats tiers forcerait l’UDC à avouer que notre pays mène depuis des décennies, bien avant que l’UDC ne devienne blochérienne, une politique très stricte en la matière. En effet, cette politique repose sur la notion de contingents, sur la priorité aux personnes se trouvant déjà sur le marché helvétique du travail et sur l’octroi des permis en fonction des critères économiques.

En second lieu, en se concentrant sur la question de la libre circulation des personnes applicable aux Européens, l’UDC fait un lien entre la peur de l’immigration et l’europhobie qui a été le fondement du cocktail qui a explosé le 9 février 2014 à la figure de nous tous, notamment à celle des milieux économiques. 

Enfin, en omettant de dire que la Suisse mène une politique très stricte à l’égard des ressortissants d’Etats tiers, cela permet à l’UDC de créer un faux lien entre les problèmes liés à l’immigration que connaissent certains de nos Etats voisins et l’asile, alors que ces problèmes ne sont pas liés aux requérants ou aux réfugiés. En effet, ces problèmes d’intégration que connaissent certains de nos Etats voisins sont liés à la politique migratoire laxiste qu’ils ont eue à l’égard des ressortissants non européens, et non pas à leur politique en matière d’asile.

Dans ces conditions, l’un des moyens les plus importants pour contrer la politique prônée par l’UDC en matière d’immigration est d’expliquer à nos concitoyens que la Suisse mène et a toujours mené une politique restrictive à l’égard des ressortissants d’Etats tiers ce qui explique pourquoi nous n’avons pas les problèmes que certains de nos voisins connaissent. Il importe de préciser que cette politique ne doit absolument rien à l’UDC. Il est loisible de se demander pourquoi les acteurs politiques ne tiennent pas ce discours. A mon avis, ceci s’explique notamment, outre la méconnaissance, par le fait que certains politiciens avaient honte, dans les années 90, à l’heure où la notion de « citoyen du monde » était reine, de défendre cette politique. Malheureusement, à force de ne pas l’assumer, ils ont laissé le champ libre à l’UDC. La Suisse ne doit absolument pas se culpabiliser en raison de cette politique. En effet, elle n’a jamais eu de colonies, et n’est, par conséquent, pas redevable à l’égard d’anciennes populations colonisées. De même, dans les années 70, où il aurait été avantageux, sur le plan économique, de recruter dans des pays dits, à l’époque, de recrutements non traditionnels, la Suisse ne l’a pas fait.

Afin de lutter contre l’UDC en matière d’immigration, il est fondamental de sécuriser le peuple suisse en lui expliquant que la Suisse maîtrise l’immigration à l’égard des ressortissants d’Etats tiers et que l’arrivée de réfugiés n’est absolument pas la cause des problèmes d’intégration que connaissent certains de nos Etats voisins.

Philippe Kenel

Docteur en droit, avocat en Suisse et en Belgique, Philippe Kenel est spécialisé dans la planification fiscale, successorale et patrimoniale. Social démocrate de droite, il prône l’idée d’une Suisse ouverte sachant défendre ses intérêts et place l’être humain au centre de toute réflexion. Philippe Kenel est président de la Chambre de Commerce Suisse pour la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg à Bruxelles et de la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA) en Suisse.