Les autorités prêchent et pêchent

Le vendredi 13 mars 2009, le Conseil fédéral a décidé d’appliquer sans réserve l’article 26 du Modèle de Convention OCDE. Dans un premier temps, la conséquence a été l’introduction de l’assistance administrative individuelle à la demande. En juillet 2012, l’OCDE a modifié son commentaire de l’article 26 en spécifiant que cette disposition autorisait non seulement l’assistance individuelle, mais également l’assistance groupée. Ces deux formes sont fondamentalement différentes dans la mesure où, dans le premier cas, l’Etat requérant demande des informations sur une personne déterminée, alors que dans le second, la demande porte sur un groupe de personnes ayant eu un modèle de comportement identique.

Le Conseil fédéral a prêché auprès du parlement afin que ce dernier accepte d’introduire cette nouvelle forme d’échange d’informations dans la législation fédérale. Dans son rôle de prédicateur, notre gouvernement n’a cessé d’affirmer, alors que d’aucuns prétendaient que ces deux notions étaient synonymes, que l’assistance administrative groupée n’avait rien à voir avec la pêche aux renseignements.

Or, en entrant en matière le 22 septembre 2015 sur une demande d’assistance administrative groupée présentée par les Pays-Bas, l’Administration fédérale des contributions aide cet Etat à pêcher des renseignements. En effet, cette demande vise toutes les personnes domiciliées en Hollande qui avaient un compte à l’UBS entre le 1er février 2013 et le 31 décembre 2014 et qui ne l’ont pas déclaré dans leur Etat de domicile. Ce n’est pas parce que seuls les titulaires de compte à l’UBS sont visés qu’il ne s’agit pas d’une pêche aux renseignements. Il suffira par la suite de déposer d’autres demandes pour chacune des grandes banques helvétiques.

Les autorités fédérales ont pêché dans la mesure où les unes ont fait exactement ce que les autres avaient promis de ne pas faire. Ceci est grave, non seulement pour notre place financière, mais surtout pour notre système politique. En effet, si le Conseil fédéral fait des promesses que son administration viole, cela rendra très difficile à l’avenir, non seulement dans le domaine économique et financier, à notre gouvernement de faire passer des lois au parlement.

Pour cette raison, il est fondamental de saisir les autorités judiciaires compétentes afin de rectifier les errements de nos autorités. Pour l’avenir, l’heure de la confession a sonné…

Philippe Kenel

Docteur en droit, avocat en Suisse et en Belgique, Philippe Kenel est spécialisé dans la planification fiscale, successorale et patrimoniale. Social démocrate de droite, il prône l’idée d’une Suisse ouverte sachant défendre ses intérêts et place l’être humain au centre de toute réflexion. Philippe Kenel est président de la Chambre de Commerce Suisse pour la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg à Bruxelles et de la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA) en Suisse.