« L’action judiciaire doit être l’ultime moyen de pacifier une situation litigieuse. […] Le règlement à l’amiable a donc la priorité, non pas parce qu’il allège d’autant les tribunaux mais parce qu’en général, les solutions transactionnelles sont plus durables et subséquemment plus économiques du fait qu’elles peuvent tenir compte d’éléments qu’un tribunal ne pourrait retenir. » C’est l’avis du Conseil fédéral dans son message relatif au code de procédure civil du 28 juin 2006 (FF 2006 6860).
En 2022, 16 ans plus tard, nous en sommes encore bien loin de cet honorable objectif. Selon les dernières statistiques de 2018, plus de 50% des avocat.e.s proposent rarement à leur client le recours à la médiation comme méthode alternative de résolution de conflit. Et le taux des magistrats est encore plus faible. Pourtant, la médiation est plus rapide, moins coûteuse et plus agréable qu’une procédure judiciaire pour les cas qui s’y prêtent. Le taux de réussite est autour de 75% selon les enquêtes de la Fédérations Suisse des Associations de Médiation.
“Le neuf suscite la colère des habitudes.” écrivait Jacques Attali. Quoi d’autres pour mieux expliquer l’absence du recours spontané et étendu à la médiation en cas de conflit pour tout type de situation ? Mais après la colère, vient la raison. Lentement mais surement, la médiation prend sa place dans les mentalités et pénètre le système judiciaire. Pendant que le Canton de Genève discute sa loi sur la médiation pour instaurer un cadre global, Vaud joue la carte du pragmatisme et met en place des programmes taillés sur mesure. L’année 2022 a été particulièrement productive à cet égard.
La première réalisation en la matière est la généralisation des permanences de médiation dans tous les Tribunaux d’arrondissement après une phase de test dans le Tribunal civil de Montbenon à Lausanne. Ces salles dédiées, au sein même du Tribunal, permettent aux intéressé.e.s de s’adresser gratuitement à un.e professionnel.le quant à la pratique et aux modalités de la médiation : la durée, le processus, les tarifs, etc. Ils peuvent le faire avant ou après une audience, voire l’interrompre en accord avec le Juge pour aller se renseigner. Ce rapprochement physique des « deux mondes » est à saluer sur le plan pratique et symbolique.
La deuxième avancée importante est elle en lien direct avec la procédure, il s’agit du « consensus parental », dit modèle de Cochem selon cette ville allemande où il a été pratiqué pour la première fois. Il s’applique en cas de haut conflit familial quand des enfants sont concernés. Testé au Bas-Valais depuis 3 ans, c’est désormais l’Est vaudois qui vérifie son utilité avant une éventuelle généralisation sur tout le Canton. En résumé, cette méthode permet aux autorités judiciaires d’exhorter, voire d’imposer certaines mesures destinées à protéger le bien des enfants, comme par exemples une médiation.
Interview sur le consensus parental dans l’Est vaudois, avec Marc Froidevaux, avocat, médiateur et membre du groupe de travail :
Et finalement, l’élément le plus récent qui complète ce trio en faveur de la médiation est l’intégration de cette dernière dans l’assistance judiciaire. En acceptant la motion respective du Vert Raphaël Mahaim, le Grand conseil et le Conseil d’état veulent ainsi accorder à la médiation les mêmes prérogatives qu’à l’avocature en matière de prise en charge des frais par acompte pour les concernés ne disposant pas des moyens nécessaires. Cette mesure élimine une distorsion du système actuel, à savoir que les frais de l’avocat sont avancés par l’état mais pas ceux du médiateur, prolongeant ainsi inutilement les procédures judiciaires qui se prêteraient à la médiation.
Interview sur la médiation dans l’assistance judiciaire, avec Raphaël Mahahm, avocat et motionnaire
Ces trois éléments le démontrent magistralement, la médiation a encore beaucoup de chemin à faire pour atteindre l’un des objectifs principaux de la justice civile : « L’action judiciaire doit être l’ultime moyen de pacifier une situation litigieuse. […] Le règlement à l’amiable a donc la priorité »
La médiation, sans aucun doute, est un métier d’avenir, et le premier jour de l’avenir a déjà commencé.