Trop d’impôt tue vraiment l’impôt

Trop d'impôt tue l'impôt. Rarement formule économique n'aura autant prouvé sa véracité que lorsque l'on regarde la situation de la France à l'heure actuelle. A fin avril 2013, le ministère du budget annonce une stagnation des recettes fiscales, pire encore, un recul de 2 milliards de la TVA qui pourrait aller jusqu'à 10 milliards à la fin de l'année. Tout cela agrémenté d'une augmentation du déficit public prévisible de 10%, alors que la France est sous pression pour le réduire, conformément à ses engagements européens. Et pourtant, le gouvernement avait décidé d'augmenter les impôts pour améliorer ses recettes fiscales. On est loin du compte! La France a atteint la quote d'alerte des prélèvements fiscaux, quote à partir de laquelle les augmentations d'impôt provoquent le recul des recettes fiscales.

Voyons un peu les principales mesures fiscales concoctées par le gouvernement pour 2013:

  • la création d’une tranche supplémentaire à 45 % au barème progressif de l’impôt sur le revenu (pour la fraction des revenus supérieure à 150 000 euros par part de quotient familial),

  • la diminution à 2 000 euros du plafond du montant par demi-part de la réduction d’impôt résultant de l’application du quotient familial,

  • le relèvement à 960 euros de la limite d’application de la décote pour l’imposition des revenus,

  • l’abaissement du plafonnement global de certains avantages fiscaux à l’impôt sur le revenu (part forfaitaire ramenée à 10 000 euros),

  • le renforcement de la taxe annuelle sur les logements vacants et de la taxe d’habitation sur les logements vacants,

  • l’augmentation du montant de la contribution à l’audiovisuel public,

  • la fin de l’exonération de redevance d’archéologie préventive pour les constructions de maisons individuelles,

  • le durcissement du malus automobile,

  • des modifications concernant les taxes acquittées par les étrangers sur leur titre de séjour,

  • la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune.

Et je passe sur les augmentations d'impôt qui touchent les grandes entreprises et l'augmentation de la TVA pour certaines catégories de dépenses. Autant dire que l'exercice s'avère contreproductif s'il avait pour objectif d'augmenter les impôts pour augmenter les recettes fiscales.

On pourrait penser qu'un ministère du budget qui affirme que "l'évolution des globale des recettes fiscales nettes présente un aléa baissier par rapport aux prévisions présentées dans le programme de stabilité, débattu au Parlement à mi-avril" (sic), souhaiterait ajuster sa politique. Pas du tout. Le président Hollande vient d'annoncer une modification du quotient familial qui va toucher un certain nombre de familles, par souci de justice fiscale!

La création de richesse et l'envie de consommer dépendent pour beaucoup de l'état psychologique des contribuables et des entreprises. Lorsque les uns et les autres craignent, chaque année, une augmentation de la charge fiscale, ils n'ont plus envie de créer ni de consommer. La conséquence, on la retrouve dans l'affaiblissement des recettes fiscales. Laffer n'avait pas fixé de limite chiffrée à l'inversion de sa courbe. La France nous en indique une: les prélèvements fiscaux qui devraient atteindre 46.5% du PIB en 2014 sont une précieuse indication pour les pays qui souhaiteraient éviter la dérive française.

Martine Brunschwig Graf

Martine Brunschwig Graf est une femme politique suisse membre du Parti libéral-radical (PLR). En octobre 2003, elle est élue au Conseil national et intègre la commission de la science, de l'éducation et de la culture. En 2012, elle préside la Commission fédérale contre le racisme.