La démocratie reprend ses droits

C'est un résultat clair qui sort des urnes ce dimanche: l'initiative dite de mise en oeuvre – lancée par l'UDC alors même que le parlement élaborait la loi d'application de sa précédente initiative populaire sur l'expulsion des criminels étrangers – est rejetée clairement, par le peuple et par les cantons. Au-delà du résultat très satisfaisant, c'est notre fonctionnement démocratique qui sort gagnant du scrutin.

Pourtant, tout pouvait pousser les citoyens à voter oui à une initiative qui parlait aux tripes. Expulser les criminels étrangers, dans un contexte international tendu, après plusieurs événements qui ont fait l'actualité durant ces derniers mois – en Allemagne notamment – pouvait séduire le citoyen inquiet et déstabilisé parfois. Il fallait beaucoup de sagesse et de réflexion pour percevoir dans le texte soumis au vote la part d'injustice et d'arbitraire qu'il allait entraîner. Il fallait de la maturité pour refuser la facilité et s'opposer à une proposition qui mettait en cause l'Etat de droit sous prétexte de renforcer la sécurité.

Un vrai débat démocratique

Ce week-end, le débat démocratique a fait la différence. L'UDC, auteur et principal partisan du oui, n'a pas ménagé ses forces. Les moutons noirs chassés par les moutons blancs étaient de retour! Mêmes arguments agressifs, mêmes tentatives d'éveiller chez le citoyen un sentiment de rejet et de méfiance à l'égard de l'étranger "déviant", même scénario déjà vu à plusieurs reprises. Mais ce qui a changé, c'est l'attitude des opposants. Finis les partis politiques quasi invisibles, fini le silence de la "société civile". Pour la première fois depuis bien longtemps s'est fait entendre le discours clair, rationnel et bien argumenté des juges, des avocats, des milieux économiques, des syndicats et de tous les milieux pour qui le populisme ne devait pas prendre le pas sur la justice et l'équité. Durant ces dernières semaines, toutes celles et ceux qui pouvaient s'exprimer l'ont fait. Haut et fort, sans souci de lasser, sans souci d'en faire trop. Le débat démocratique a pris pleinement sa place.

Ce n'est pas la fin du rôle des milieux politiques dans les campagnes de votation. La politique est l'affaire de tous. A tort a-t-on cru, durant ces dernières années, qu'une campagne de votation ne concernait que les partis politiques et leurs élus. Le débat démocratique, dans une votation, est l'affaire de tous. Cette votation a prouvé aussi que l'émotionnel ne domine pas le débat politique. Lorsqu'il vont aux urnes, la majorité des citoyens ont à coeur de faire le mieux possible et de décider en connaissance de cause; encore faut-il leur donner les arguments pour le faire. A cet égard, c'est vrai, le rejet de l'initiative populaire de l'UDC marque un tournant.

 

 

Martine Brunschwig Graf

Martine Brunschwig Graf est une femme politique suisse membre du Parti libéral-radical (PLR). En octobre 2003, elle est élue au Conseil national et intègre la commission de la science, de l'éducation et de la culture. En 2012, elle préside la Commission fédérale contre le racisme.