Que fait un couteau suisse dans un article scientifique ?

Tombant récemment sur un article scientifique qui proposait "le couteau suisse de l'analyse des génomes", je me suis demandé si c'était très utilisé comme expression.

Comment savoir ce qui est publié en sciences ? Il y a plusieurs sites web qui vous y donnent un accès libre et gratuit (mais en anglais) : Google Scholar, qui propose beaucoup d'articles et d'autres documents, qui trie efficacement par pertinence, et couvre tous les sujets ; et PubMed (l'original USA, la version européenne), qui est spécialisé biologie et médecine, et est nettement plus structuré, ce qui peut être un avantage ou un inconvénient selon ce que l'on cherche. (Un billet plus long sur la recherche d'infos en biologie sur internet dans ce billet de mon autre blog.)

Pour le coup du couteau suisse, cherchons l'information bien propre et structurée en biologie et médecine :

recherche PubMed (copie européenne) (TITLE:"Swiss army knife") OR (TITLE:"Swiss army knives")

On trouve 61 résultats, ce qui est pas mal mais pas énorme. En les regardant, on voit qu'ils tombent dans deux grandes catégories : ceux qui rapportent un nouvel outil expérimental ou informatique pour la biologie (Genomer–a Swiss army knife for genome scaffolding), et ceux qui proposent qu'un objet biologique (un gène, une protéine, etc) a de nombreuses fonctions dans l'organisme ou dans la cellule (Cdc48: a swiss army knife of cell biology).

Il y a quelques années, je m'étais amusé à chercher les références francophones les plus communes dans les articles scientifiques en anglais (billet de blog). J'avais trouvé "milieu intérieur", mais une suggestion des commentaires, "montage", gagnait, et s'en sort encore mieux maintenant.

Et zéro références pour "coucou clock"…

Mise à jour via Twitter :

 

Une autre réaction intéressante sur Twitter :

Allez, encore un tweet :

Des dons de mitochondrie plutôt que des enfants à trois parents

La semaine dernière, le titre était partout dans les médias : la Grande Bretagne autorisait les bébés à trois parents ! Cette façon de le décrire a été notée comme étant un peu sensationaliste par pas mal de chercheurs sur Twitter. En effet, et comme noté justement dans l'article de L'Hebdo lié ci-dessus, seule une minuscule portion de l'ADN est transféré. Il me semble que la formulation utilisée par le Welcome Trust, organisation médicale puissante (et riche) ayant soutenu la mesure, est plus correcte :

En effet, il s'agit davantage d'un don de mitochondrie que d'un troisième parent.

Les mitochondries sont de petites structures au sein de nos cellules, qui ont la particularité d'avoir évolué à partir de bactéries en symbiose avec nous (et tous les autres êtres vivants que vous voyez à l'oeil nu, et bien d'autres). Il leur reste de ce passé de bactéries libres et fières leur propre ADN avec leurs propres gènes (on rappelle que les gènes sont des segments d'ADN). Mais très peu, pour la plupart des choses elles dépendent de la production de nos gènes. Nous avons environ 20'000 gènes codant pour des protéines (20'364 d'après un décompte, 19’942 d'après un autre [voir aussi ce dernier lien pour une explication de la difficulté de compter]) dans notre génome "nucléaire" (les 23 chromosomes), et 13 dans nos mitochondries. Ces 13 gènes codent pour des fonctions très fondamentales de la cellule (la respiration, à savoir la conversion de l'énergie contenue dans les molécules de nourriture en énergie utilisable par la cellule), et donc ne portent pas sur les caractéristiques typiques différentiant les personnes, que ce soit l'aspect physique, le caractère, etc. En comptant les gènes codant pour autre chose que des protéines, il y en a 37 dans l'ADN mitochondrial, et environ 44'000 dans le génome nucléaire.

Pourquoi des dons de mitochondries ? Parce que chez certaines personnes un de ces gènes disfonctionne, et comme il s'agit de fonctions fondamentales, c'est très grave. D'où maladie (génétique, puisque ça vient d'un gène). Or si pour les gènes nucléaires chaque bébé hérite d'une copie maternelle et une copie paternelle, pour les mitochondries c'est uniquement maternel. Ce qui veut dire que si la mère a une maladie génétique mitochondriale, c'est certain que le bébé l'aura. Alors que pour les gènes nucléaires, une bonne copie du gène (héritée d'un des parents) peut souvent sauver une mauvaise copie (héritée de l'autre parent), pour les gènes mitochondriaux, il n'y a qu'une copie venant de la mère. Point de salut. D'où la solution du don de mitochondries saines, venant d'une autre femme.

Une question toute bête qui vient à l'esprit est : pourquoi pas utiliser les mitochondries du père ? C'est parce qu'en fait on ne prend pas juste les mitochondries toutes nues, ça ne marche pas. A l'inverse, on prend le noyau de l'oeuf fécondé par les deux parents (le noyau étant la partie de la cellule qui contient les 23 chromosomes), et on le met dans la cellule à mitochondries saines, à laquelle on a enlevé le noyau. Après, tout le reste de la cellule va se renouveller sur la base des gènes transférés, et donc répercuter les gènes des parents, et seules les mitochondries resteront avec l'ADN de la doneuse. On peut aussi d'abord transférer seulement le noyau de la mère, puis féconder. Mais en tous cas pour marcher, ce transfer doit se faire dans une cellule d'ovule ou d'oeuf. Donc une cellule de femme. Donc pas du père. Ach so.

Une vision un peu différente sur l'excellent blog (anglophone) d'un chercheur en cellules souches, Paul Knoepfler : Top 10 myths about 3-person IVF mitochondrial transfer.