Des questions sur l’évolution ? Profitez, les biologistes de l’évolution envahissent Lausanne

Du 9 au au 15 août 2015, se tiend à l'Université de Lausanne la conférence biennalle des biologistes évolutifs européens (et autres), l'ESEB 2015. Les conférences de ce type, il y en a plein, qui intéressent surtout les spécialistes : on se réunit entre scientifiques, on s'informe les uns les autres des progrès de notre travail, surtout les étudiants et jeunes chercheurs, et on critique et on discute des détails abscons qui font la rigueur, la beauté, et parfois un peu le coté enuyeux, de la science.

Dans ce cas-ci, il y a eu conjonction d'initiatives visant à ouvrir la conférence vers le public, aussi bien lausannois qu'international.

Pour les lausannois et autres locaux, il y aura des rencontres "speed-dating" durant lesquelles vous pourrez rencontrer et discuter avec des chercheurs en biologie de l'évolution. Pour joindre l'utile à l'agréable, il y aura des fromages à gouter. En effet la diversité des fromages doit beaucoup à l'évolution des espèces.

Sur internet en français, il y aura des questions du jour avec réponses sur le site de Lausanne capitale de l'évolution et sur celui de la RTS.

Il y aura également un "Tweet-chat", une discussion Twitter, sur l'évolution du sexe. Pour y participer (le 11 à 18h), il suffira de suivre le hashtag #evosexfr et de tweeter vos questions ou commentaires avec ce hashtag.

Vous avez forcément un intérêt soit pour le fromage, soit pour le sexe, soit pour les deux, non ?

Sur internet en anglais, il y aura également un Tweet-chat sur l'évolution du sexe (#evosexen), ainsi qu'un blog collectif sur la conférence et un storify des tweets (probablement nombreux) des scientifiques assistant à la conférence.

Alors, est-ce que ça vaut le coup de faire ces efforts lors d'une rencontre de scientifiques ? Montrez-nous que oui en participant, en personne et en ligne.

Toutes les infos avec mises à jour sur le site http://lausanneevolution15.tumblr.com/

Apparemment les préjugés tiennent lieu de “savoir” sur les #OGM à @LausanneCites

La dernière édition morgienne de Lausanne Cités contient un édito anti-Monsanto. C'est à l'occasion de la récente journée mondiale anti-Monsanto, sachant que Monsanto a à Morges "son siège pour l'Europe, l'Afrique et le Moyen-Orient" (RTS). Vouloir ou ne pas vouloir Monsanto, en soit ce n'est pas mon problème (quoi que je n'arrive pas à comprendre en quoi elle serait pire que les autres multinationales). Par contre en tant que biologiste, qui blogue des fois sur les OGM et des sujets proches, j'ai été choqué par le contenu de l'éditorial. C'est un tissu d'erreurs et d'approximations assénées avec certitude, que je vais essayer de commenter rapidement :

Aujourd’hui, on sait avec certitude que l’utilisation de semences hybrides est une plaie pour la biodiversité, qu’elle rend la terre stérile et les agriculteurs dépendants aux produits chimiques et que le processus naturel de pollinisation entraîne une contamination des semences là où les OGM sont cultivés.

"on sait avec certitude" : sans aucune référence, et sachant que tout ce qui suit est au mieux débattu, au pire faux ; bon début.

"semences hybrides" : tiens, je croyais qu'on parlait des OGM et pesticides (paragraphe précédent de l'édito, je n'ai pas tout collé ici) ? Les semences hybrides sont complètement distinctes des OGM. Il s'agit du cas, très courant, où le croisement de deux variétés pures produit des descendants plus productifs ou plus aptes (Wikipedia). Il n'y a aucun rapport avec le génie génétique ni avec la tolérance aux pesticides ou la production de pesticides. Par contre c'est vrai qu'avec les hybrides les agriculteurs doivent racheter des graines tous les ans, pas pour des raisons de brevets mais parce que les descendants d'hybrides ne sont qu'en partie porteurs de la bonne combinaison d'allèles (variants de gènes). Ce qui rend toujours rigolo les explications selon lesquelles les OGM c'est mauvais parce que les paysans ne peuvent pas replanter, alors que ça fait des générations qu'avec les hybrides ils ne replantent pas certaines espèces.

Pour le contexte, voici un extrait du cahier des charges agriculture bio suisse :

L’utilisation de matériel reproductif génétiquement modifié est interdite en agriculture biologique. L’utilisation des semences hybrides n’est pas autorisée pour les cultures de céréales (sauf maïs).

Notez la distinction OGM – hybride, et le fait que les hybrides sont autorisés pour le maïs.

"une plaie pour la biodiversité" : je ne suis pas sûr si on parle d'hybrides ou d'OGM, mais de quelle biodiversité parle-t-on, et quelle est la plaie ? On sait que l'agriculture est généralement négative pour la biodiversité, puisqu'on impose l'espèce que l'on veut cultiver au détriment des autres, plus ou moins par définition. Je ne connais aucune référence disant que les hybrides ou les OGM rendent la situation pire. C'est plutôt au cas par cas des espèces cultivées et des techniques de culture. Il y a au moins une étude qui trouve davantage d'espèces d'insectes près des champs OGM Bt que près des champs conventionnels, mais à nouveau, ça dépend de nombreux facteurs.

"elle rend la terre stérile" : sérieux ? Je lis pas mal de trucs anti-OGM à mes heures perdues, je n'étais jamais tombé sur celui-ci. J'aimerais bien savoir comment une variété de plantes fait pour rendre la terre stérile.

"les agriculteurs dépendants" : voir ci-dessus, avec les hybrides les agriculteurs rachètent des graines tous les ans de toutes façons. Et bien sûr les agriculteurs achètent des engrais, des pesticides, etc. Mais chaque fois que j'ai vérifié des rapports de soit-disant "dépendance", je n'ai rien trouvé. Les agriculteurs choisissent tous les ans quelles semences, quels engrais, quels pesticides acheter. Si la semence ou le pesticide Monsanto n'est pas satisfaisant une année, l'année suivante ils sont libres d'acheter une autre. Je trouve ce genre de phrases très méprisant pour les agriculteurs en fait.

"produits chimiques" : il faut rappeler que tout le monde qui nous entoure et dont nous faisons partie est constitué de produits chimiques. Ensuite on peut distinguer produits dangereux ou nocifs et produits sans danger, mais ça dépend presque toujours de la dose, et il y a des produits dangereux en agriculture bio, en conventionnel, et avec les OGM. On peut remarquer qu'avec les OGM on utilise en moyenne moins de pesticides. Mais à nouveau, ça dépend des doses, des produits, de la manière dont ils sont utilisés, etc.

"contamination des semences" : c'est un mot souvent utilisé mais rarement expliqué : que veut dire "contamination" si le produit n'est pas dangereux ? Bien sûr que presque toutes les cultures "contaminent" un peu leurs voisines. Est-ce grave s'il y a un peu de mélange entre deux variétés de blé ? J'ai mis "presque" avant "toutes" parce que certaines cultures ne se reproduisent pas par croisement entre individus différents, donc pas de risque de contamination. Voir une discussion intéressante sur mon autre blog avec un biologiste spécialiste de ces questions.

J'étais parti pour commenter aussi les phrases suivantes, mais je fatigue et je pense que si vous avez lu jusqu'ici vous voyez le tableau.

Serait-ce trop demander aux journalistes de se renseigner un peu avant d'écrire des éditoriaux enflammés sur des sujets complexes ? La région a la chance d'avoir deux universités pleines de scientifiques ravis de répondre aux questions pour peu qu'on nous contacte. Merci.

Buvons, buvons, buvons de l’herbicide

En 2012, j'avais publié sur mon blog cafe-sciences "le test Erin Brokovitch", à savoir qu'il est informatif de savoir si les spécialistes d'une technologie lui font eux-même confiance. Il y avait eu pas mal de discussion, et les tests qui étaient sortis du billet de blog et des commentaires étaient :

  • Les biologistes moléculaires des plantes sont prêts à manger des OGM.
  • Par contre plein de biologistes qui étudient l’écologie refusent d’en planter dans leur jardin (ça change, voir ici).
  • Les informaticiens ne veulent pas du vote électronique (discuté).
  • Certains génomiciens sont prêts à faire séquencer leur génome, d’autres non.
  • Les médecins et les immunologues font vacciner leurs enfants.
  • Les chirurgiens par contre évitent parfois certaines opérations pour leurs proches.
  • Les physiciens nucléaires sont-ils d’accord pour habiter près d’une centrale nucléaire ?
  • Les chimistes font attention aux produits chimiques toxiques.

Ca m'est revenu à l'esprit parce qu'il y a une vidéo qui est devenue virale (voir ici sur Huffington Post, vue via @tomroud), dans laquelle Patrick Moore refuse de boire un verre de Glyphosate / Roundup (voir billet d'hier) après avoir dit que c'était sans danger. Echec lamentable au test Erin Brokovitch.

Sinon ce Patrick Moore est une personne intéressante à discuter, dirons-nous. Il est souvent cité comme un "fondateur de Greenpeace" qui défend les OGM, notamment le riz doré, et accuse Greenpeace de crimes. Sur le riz doré et le fait que c'est criminel de s'y opposer, je suis assez d'accord avec lui (voir ici par exemple). Mais pour le reste, c'est un personnage peu clair. Sa page Wikipedia est pleine de "citations manquantes" et de "phrases controversées", mais il semble bien être en déni du changement climatique et avoir défendu contre payement l'industrie du bois indonésienne, tout en s'affirmant "environnementaliste". Alors qu'il y a beaucoup à dire en faveur du riz doré, et contre les groupes qui s'y opposent, c'est dommage que ce soit lui qui soit si souvent cité dans les médias.

En plus il aurait pu le boire son Glyphosate, un seul verre ça va pas le tuer. 😉

PS: à propos d'OGM, j'ai commenté sur le blog voisin de Josef Zisyadis "Et voilà l'enzyme OGM autorisée dans le pain !", on va voir si on arrive à avoir une discussion constructive (espérons-le !).

Des pesticides cancérigènes, dont le Roundup. Et les #OGM alors ?

Vous avez peut-être entendu la nouvelle : le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une branche de l'Organisation mondiale de la santé, a déclaré cinq pesticides comme cancérigènes, dans un résumé publié dans The Lancet, journal médical réputé. Parmi les pesticides incriminés, le glyphosate, plus connu sous son appellation commerciale de Roundup. Ca a fait pas mal de bruit, parce que le glyphosate est l'herbicide le plus utilisé dans le monde, et est de plus l'herbicide associé à un type d'OGM, le "Roundup-Ready". Sans compter qu'il est à l'origine commercialisé par Monsanto, l'entreprise que beaucoup aiment haïr (mon avis sur Monsanto dans cet ancien billet). Du coup l'annonce semble être prise par beaucoup comme un coup critique dans les conflits autour des OGM. Alors, quel rapport avec les OGM ?

D'abord, que penser de cette déclaration de cancériginicité ? Pour le moment ce qui a été publié est un résumé très court, donc il est difficle à juger. On peut noter d'une part que ce CIRC est une instance généralement sérieuse et compétente, donc lui donner le bénéfice du doute. Et d'autre part que le fait qu'un herbicide ait un effet négatif sur les humains n'est pas très surprenant (contrairement à un effet cancérigène "des OGM" par exemple, voir ce billet). En effet, les herbes font parti du même grand embranchement du vivant que nous (les eucaryotes), et nous partageons beaucoup de fonctions cellulaires. Il n'est donc pas invraisemblable qu'un produit qui tue des herbes soit au moins un peu mauvais pour nous. C'est un peu surprenant quand même parce que le glyphosate cible une protéine qui n'existe pas chez les animaux (dont l'humain), EPSPS, mais il reste qu'un produit biologiquement actif va toujours présenter un risque. On peut également noter que l'évidence présentée est "limitée" en ce qui concerne les humains, et concerne une exposition professionnelle. A savoir que ce sont des agriculteurs manipulant beaucoup d'herbicide qui semblent avoir une augmentation faible mais significative de "non-Hodgkin lymphoma". Cette évidence pas très forte est renforcée par des résultats "suffisants" (classification officielle CIRC) sur les animaux de laboratoire, ce qui mène à la classification globale "probablement cancérigène", plus forte que "possiblement cancérigène", un groupe qui contient de très nombreuses substances y compris le café et l'aloe vera (et deux des cinq pesticides concernés par l'évaluation que nous discutons). Apparemment la communication de Monsanto joue sur la confusion entre ces deux catégories, qui sont en fait bien distinctes (discussion en anglais sur le magazine scientifique Nature).

Donc au total, il semble raisonable d'accepter pour le moment que le glyphosate / Roundup présente un risque faible mais significatif de cancérigénicité pour les professionnels qui le manipulent beaucoup, et qu'ils devraient prendre davantage de précautions. Cela s'applique d'ailleurs aussi aux jardiniers amateurs, qui utilisent aussi le glyphosate. Je recommande également la lecture de réactions de spécialistes sur le site Science Media Center ; certains approuvent le CIRC, d'autres trouvent que l'analyse bien que correcte ne prend pas en compte les circonstances d'utilisation pratique du glyphosate, qui feraient que le risque réel serait faible.

En tous cas ce que cette évaluation ne dit pas, c'est que les plantes OGM Roundup-Ready présentent un risque. Ces OGM RR présentent deux aspects : d'une part ils ont un gène EPSPS supplémentaire, version bactérienne, qui n'est pas affecté par le glyphosate. D'autre part ils sont traités au glyphosate, comme le sont aussi d'autres cultures d'ailleurs, mais de manière plus systématique : vous n'achetez pas des graines RR pour utiliser ensuite un autre herbicide, moins efficace, plus dangereux ou plus cher. Un herbicide, ça se pulvérise normalement en début de croissance des plantes, lorsque les mauvaises herbes présentent une concurence génante, et le glyphosate se dégrade rapidement, donc on ne s'attend pas à ce que la nourriture pour humains ou bétail dérivée de ces plantes OGM RR contiennent de grandes quantités de glyphosate. A ma connaissance, c'est ce que montrent les tests existants, mais des sources montrant l'inverse sont bienvenues dans les commentaires. Quand à l'aspect OGM lui-même, rien dans ces études n'implique le gène EPSPS supplémentaire, et ce serait vraiment très surprenant que ce soit le cas. Un gène c'est une séquence d'ADN, l'information est dans l'ordre des quatre nucléotides A,C,G,T. Lorsque l'on digère la nourriture, l'ADN est cassé, et la soupe de nucléotides résultant ne contient plus l'information des gènes. C'est pour ça qu'il n'y a pas de raison que "les OGM" présentent de manière globale de risque alimentaire.

Ce qui est curieux, c'est que la communication autour de ce classement de pesticides semble se focaliser sur les OGM, parfois de manière assez étrange. Par exemple dans Le Monde, Stéphane Foucart écrit "Ce n’est donc pas une simple substance chimique dont l’innocuité est mise en cause par le CIRC, mais la pierre angulaire de la stratégie du secteur des biotechnologies". Mais plus loin il écrit que "En France, en dépit de l’absence de cultures transgéniques ad hoc, c’est le pesticide de synthèse le plus utilisé". Donc le problème n'a pas grand chose à voir avec les OGM, puisque c'est le pesticide le plus utilisé dans des pays où les OGM ne sont pas cultivés (pour savoir quels OGM sont autorisés en Suisse, voir ici).

Maintenant je vais faire de la provoc', mais une chose que cette déclaration de cancérigénicité implique, c'est qu'il vaut mieux limiter les applications de pesticides par les agriculteurs, pour leur santé. Et quelle technologie permet de limiter ces applications ? Les OGM produisant leurs propres pesticides. Notamment le plus répandu, la modification Bt, qui fait qu'une plante produit l'insecticide issu de la bactérie Bacillus thuringiensis, également utilisé en agriculture biologique mais en pulvérisant la bactérie directement. Lorsque l'on plante des OGM Bt, on ne pulvérise pas d'insecticides, et ça c'est bon pour les agriculteurs. D'autant qu'un insecticide a généralement encore plus de chances d'être nocif aux humains qu'un herbicide, vu que nous sommes des animaux, comme les insectes, malgré nos efforts pour trouver des toxiques spécifiques.

D'ailleurs je vais vous laisser avec ce petit tableau issu d'une méta-analyse (analyse combinée de plein d'études) sur les effets des OGM sur l'agriculture, que vous pouvez lire en libre accès et en anglais à PLOS One :

Mise à jour : réaction Twitter de Martial de Montmollin, député Vert Vaudois :

Montrez l’éclipse solaire aux enfants

Ce vendredi, 20 mars, il va y avoir une éclipse partielle de soleil. Bon ce ne sera pas aussi spectaculaire qu'une totale, mais c'est une occasion intéressante. C'est excitant pour les enfants, et une bonne occasion de leur montrer la nature et leur expliquer quelques principes d'astronomie et d'optique de manière motivante. Enfin, sauf en France et au canton de Genève apparemment :

en France :

"il est recommandé de ne pas sortir les élèves au moment de l'éclipse" (site officiel)

à Genève c'est moins radical, mais on évoque surtout les risques (document officiel).

Je n'ai rien trouvé pour le canton de Vaud, mais je sais que mes enfants seront libres de sortir en récréation, ouf.

Aucun de ces sites ne cite le sténopé, un mécanisme simple permettant d'observer l'éclipse tout en éducant et amusant les enfants. Si vous êtes enseignant ou parent (ou les deux) et que vous me lisez, allez voir les deux sites suivants, qui expliquent cela très bien :

"Observer l'éclipse de Soleil sans lunettes spéciales, grâce à un sténopé" sur le blog Ca se passe là-haut.

Et l'excellente explication BD sur Ciel & Espace, dont je mets un extrait ci-dessous, cliquez dessus pour tout lire :

N'ayez pas peur, observez et apprenez !

(Merci aux membres du cafe-sciences.org pour la plupart des infos dans ce billet)

Mise à jour : des réactions en France :

L'Education nationale va-t-elle passer à coté d'une éclipse exceptionnelle ? (Café pédagogique)

Eclipse : non à l’obscurantisme dans certaines écoles de la République ! (Le Monde)

Les élèves privés d'éclipse. « Une aberration pédagogique » (Le Télégramme)

Mise à jour 2 : info plus détaillée pour Genève à la Tribune de Genève. Il y a une recommendation de garder les enfants à l'intérieur, mais «Les écoles restent indépendantes» et sont "invitées à organiser des activités". Et très bon billet de blog d'un enseignant genevois : "Eclipse à l'école: Observons la nature, oui, mais dans les livres !"

Mise à jour finale : merci aux enseignants morgiens, qui ont accompagné les enfants dans leur observation de l'éclipse, les enfants partageant leurs sténopés et lunettes de protection.

#Homeopathie : vraiment rien

Pour rebondir sur mon billet récent "Homéopathie, science et évidence", un rapport vient d'être publié en Australie, qui après un examen attentif de toute l'évidence concernant l'homéopathie, conclut qu'il n'y a pas la moindre évidence que l'homéopathie ait un effet quelconque autre que placebo. Toutes les études de qualité ne trouvent aucun effet, toutes les études trouvant un effet sont de mauvaise qualité.

Verre à moitié plein : ce rapport confirme les précédentes conclusions, et renforce la conclusion basée sur l'évidence que l'homéopathie ne marche pas.

Verre à moitié vide : ce rapport est un gaspillage d'argent public, étant donné que nous savons que l'homéopathie ne peut pas marcher, vu ses principes contradictoires avec toute notre connaissance du monde, et vu les études et rapports précédents sur la question.

Vu les implications sociales, j'aurais tendance à voir le verre à moitié plein. Mais combien d'autres rapports de ce type faudra-t-il, pendant que les pharmaciens continuent de vendre des pillules de sucre qui rassurent les gens ?

Tiens, pour se distraire en attendant, la salle des urgences homéopathique :

 

 

(si le embed n'a pas marché : https://www.youtube.com/watch?v=HMGIbOGu8q0)

“Science vs Conspiracy” : circulation internet d’un article parodique sur les #OGM

Ce week-end a commencé à circuler sur les réseaux sociaux un article alarmiste :

Des médecins confirment le premier cas de décès lié à l’ingestion d’OGM

Effrayant ! Qu'est-ce à dire ? Intrigué par ce titre vu sur Twitter, je suis allé voir l'article, qui était très étrange, sur un site que je ne connaissait pas (reseauinternational.net), ne citant pas ses sources, et accompagné d'une photo de rats à l'air franchement traffiquée. Utilisant tout mon Google-fu le plus avancé, j'ai cherché le nom de la personne citée "Juan Pedro Ramos" plus "GMO", OGM en anglais. Et là le premier résultat indique qu'il s'agit d'une reprise au premier degré d'un article parodique. En suivant les liens de ce résultat, et les résultats suivants dans Google, on trouve en effet que l'article d'origine a été publié dans World Daily News Report, un site de nouvelles parodiques, comme Le Gorafi en français. Ce site affiche clairement dans son avertissement :

« WNDR assumes however all responsibility for the satirical nature of its articles and for the fictional nature of their content. All characters appearing in the articles in this website – even those based on real people – are entirely fictional and any resemblance between them and any persons, living, dead, or undead is purely a miracle. »

J'ai donc ajouté un commentaire faisant remarquer cela sur le site reseauinternational.net dimanche soir, et quelqu'un d'autre a d'ailleurs mis presque le même commentaire peu après. Lundi en cours de journée, la rédaction de ce site s'est rendue à l'évidence et a ajouté un commentaire en haut d'article. Commentaire très étrange, puisqu'il ne s'excuse pas vraiment mais comprend les phrases suivantes :

"Pour ceux qui ne tolèrent aucune erreur, ils feraient mieux de ne pas venir sur ce site, ni dans aucun autre site d’information d’ailleurs car, des erreurs, il y en aura. C’est Internet qui veut ça. Malgré notre vigilance, il nous arrivera, comme aux autres d’être piégés. Nous travaillons avec bonne foi et souhaitons livrer des matériaux de réflexion à nos lecteurs qui, pour la plupart, ont l’esprit adulte et ont compris la philosophie de Réseau International : penser plutôt que croire."

Alors ça m'a pris 2 minutes montre en main pour trouver que cet article était une traduction telle quelle d'un article parodique, ici reprise au premier degré, et ce "site d'information" aurait été piégé "malgré sa vigilance" ? Et leur devise est "penser plutôt que croire" ? Niveau de pensée impressionant en effet.

Ce qui est surtout impressionant, c'est que ce faux article, clairement invraisemblable (photo bidon, mort non confirmée où que ce soit de sérieux, article sans référence à une agence de presse ou un communiqué d'hôpital, etc), a continué non seulement à être diffusé sur Twitter, mais aussi à être repris sur divers sites "d'information" alternatifs ou anti-trucs. Je ne vais pas mettre les liens, mais il suffit de chercher Twitter. (Je suppose Facebook aussi, mais je n'y suis pas.)

Tout ceci tombe bien pour illustrer un article scientifique récent qui étudiait justement la façon dont les partisans de théories du complot réagissaient à des articles d'informations scientifiques, "alternatives", ou parodiques :

Science vs Conspiracy: Collective Narratives in the Age of Misinformation. Bessi et al 2015 PLoS ONE 10(2): e0118093

Et ils trouvent qu'en effet les consommateurs "d'informations alternatives" ont également nettement plus tendance à prendre au sérieux les fausses informations, et à les utiliser comme arguments dans des débats.

Donc : non personne n'est mort de réaction alergique à un OGM. Et si vous vous retrouvez à partager comme réelles et informatives des parodies d'informations, quand vous vous en rendez compte, faites une pause et demandez-vous si votre méthode pour juger vos sources d'information est appropriée.

#Homéopathie, science et évidence

La semaine dernière, Olivier Dessibourg, responsable de la section scientifique au Temps, a tweeté :

Cliquez sur le lien inclus dans le tweet.

Ca y est ? Fini de rigoler ou de râler selon votre point de vue ? Bien, maintenant développons un peu. En effet, on peut trouver ici et là des bouts d'évidence qui semblent supporter l'homéopathie. Pourtant, le consensus scientifique est clair : ça ne marche pas. Sur le blog Sham et science il y a une discussion en détail, avec des commentaires intéressants. Je voudrais uiliser cet exemple de l'homéopathie pour explorer un peu les approches que nous avons pour comprendre le monde, et la différence entre empiricisme pur et science.

On va utiliser comme point de départ un peu plus élaboré que le lien tweeté ci-dessus un billet de blog sur les "médecines alternatives", par Edzart Ernst. Edzart est à la retraite du premier poste de Professeur de "médecines alternatives" (interview en français à La Recherche). Il distingue trois perspectives sur l'homéopathie :

  1. La perspective "sceptique" part des mécanismes supposés de l'homéopathie, constate qu'ils sont incohérents avec tout ce que nous savons du monde et pour tout dire impossibles, et donc en déduit que l'homéopathie c'est faux. Les tenants de ce point de vue ne sont pas forcément très intéressés par les tests de l'homéopathie, vu que l'on connait le résultat à l'avance.

  2. La perspective des "croyants" se base sur leur expérience personnelle, anecdotique mais très convaincante d'un point de vue subjectif, pour décider que l'homéopathie ça marche. Ils ne vont retenir des tests de l'homéopathie que ce qui peut la soutenir, et souscrire à toutes les interprétations tarabiscotées permettant de justifier cette efficacité présumée malgré l'invraisemblance scientifique et les nombreux tests négatifs.

  3. La perspective "empirique" ("evidence-based medicine") demande à tester l'homéopathie comme n'importe quelle autre approche thérapeutique, et à juger selon les résultats.

Pour E. Ernst le point important est que l'évidence utilisée dans la perspective empirique est maintenant tellement solide en défaveur de l'homéopathie, qu'à toutes fins utiles les perspectives 1 et 3 se rejoignent. Il n'y a donc plus lieu à débat, hors les prises de position des croyants. Toutefois, il me paraît intéressant de revenir sur la différence entre les positions 1 et 3, qui s'applique bien au-delà de la question de l'homéopathie.

La question est de savoir si, face à une proposition nouvelle, on peut rester sans opinion jusqu'à l'avoir testée, ou si l'on peut se forger une opinion justifiée et rationnelle basée sur notre connaissance préalable. C'est le problème également soulevé dans la contreverse sur l'étude de Séralini et al. sur les rats cancéreux et les OGM. Pour rappel, les auteurs avaient nourri des rats avec plus ou moins de maïs OGM, et avaient attendu qu'ils meurent, le plus souvent de cancers douloureux car c'est ce qui arrive avec cette variété de rats. Ayant tout comparé à tout sans plan expérimental clair, ils ont trouvé que dans certaines comparaisons des rats ayant mangé davantage d'OGM avaient eu davantage de cancers. Dans d'autres comparaisons c'était le contraire, et rien n'était significatif, des points rarement mis en avant par la communication autour de cet article, depuis retiré du journal d'origine et republié. Bref, revenons à nos moutons.

Pour comprendre le monde, il nous faut raisonner en termes de probabilités. Hors les maths, on ne sait jamais rien de manière 100% sure ; ce n'est pas une limitation particulière à la science, c'est une limitation générale de notre capacité à connaître le monde. Lorsque l'on veut utiliser ces probabilités en pratique, il y a deux grandes approches de la notion de test statistique, et qui justement correspondent grosso-modo aux attitudes 1 et 3 ci-dessus. L'approche dite "fréquentiste" est celle que vous avez probablement appris si vous avez fait un peu de stats et de probabilités à l'école ou à l'université. Et elle domine la plupart des applications pratiques. Pour tester une hypothèse, on va prendre les données disponibles pour le test, on va poser une "hypothèse nulle" de comportement aléatoire simple (genre les patients guérissent à la même fréquence avec ou sans traitement homéopathique, ou la probabilité d'avoir un cancer ne dépend pas du % d'OGM dans l'alimentation), et caculer la probabilité de se tromper en rejetant cette hypothèse nulle avec ces données. On ne va pas détailer (voir ce billet de blog pour un commentaire intéressant), ce qui est important ici c'est que ne rentrent en jeu dans la décision que les données obtenues pour le test. Cela correspond donc à l'approche numéro 3 "empiriste" ci-dessus. Avant d'avoir testé, on ne sait rien.

Dans l'approche dite "bayésienne", on va prendre en compte nos connaissances préalables. Au lieu de calculer la probabilité que nos données suivent l'hypothèse nulle, on va calculer la probabilité que l'hypothèse qui nous intéresse soit correcte (l'homéopathie marche, les OGM sont poison le maïs OGM augmente les cancers de rats), en prenant en compte les données disponibles mais aussi la probabilité a priori (avant les expériences). On voit pourquoi c'est moins utilisé : il est souvent difficile de calculer cette probabilité a priori de manière rigoureuse. (Quelques billets de blog qui vont plus en détail : explication détaillée sur Science étonnante, billet sur l'usage pratique de cette approche, analogie dans un vieux billet à moi.) Or dans le cas général l'approche bayésienne est plus juste.

Ce qui est important, c'est donc qu'il faut prendre en compte non pas la seule information d'une série de résultats, qui peut par hasard sembler "significative" (probabilité faible d'accepter l'hypothèse nulle), mais aussi l'information que l'on avait avant. C'est là où on passe d'une approche "empirique" à une approche "scientifique" (voir aussi ce billet de Sham et science). L'approche scientifique prend en compte notre connaissance et notre compréhension du monde, qui existent avant même de récolter les données. Pour revenir à l'homéopathie, connaissant les lois de la physique et de la chimie, la probabilité a priori que du sucre sur lequel on a évapouré de l'eau, laquelle eau avait moins d'une chance sur un million de contenir une molécule de substance active, ait un effet médical est très proche de zéro. Donc ensuite si les données ne montrent aucun effet, cela confirme. Mais si elles montrent un effet, l'effet devrait être très très fort et bien soutenu pour contrebalancer notre solide connaissance préalable. Une autre façon de le dire est "Extraordinary claims require extraordinary evidence" (Carl Sagan), des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires. Si vous faites une comparaison de 20 patients, et que le groupe traité à l'homéopathie guérit en moyenne 10% mieux, cela n'est pas suffisant pour rejeter toute la physique et la chimie. Bon en plus, comme dit par Ernst, l'évidence cumulée est qu'il n'y a pas d'effet, ce qui en soi n'est pas surprenant.

De même pour les effets supposés de l'alimentation en OGM sur les taux de cancers, à la Séralini. C'est un peu plus subtil que l'homéopathie, mais il n'y a rien dans notre compréhension de la biologie qui permette que de manger des organismes dont l'ADN a été à un moment modifié puisse causer des cancers. Il est possible qu'une certaine modification, spécifique, fasse apparaître un composé cancérigène, bien que ce soit très peu probable. Mais que toutes les modifications différentes de l'ADN causent quelque chose (quoi ? ce n'est jamais expliqué) qui rendrait la nourriture cancérigène même après digestion, dans laquelle l'ADN est coupé en petits morceaux indistinguables ? La probabilité a priori est très faible. Il faut se rappeler qu'en sciences on se permet toujours le doute, donc on ne va jamais mettre les probabilités à zéro ou à un, mais pour l'homéopathie ou les OGM cancérigènes on est dans l'ordre de grandeur semblable à n'importe quoi que l'on considérerait comme impossible dans la vie quotidienne.

En conclusion :

  • il faut prendre en compte les connaissances scientifiques avant de conclure à un résultat ;

  • les OGM ne sont pas des poisons ;

  • l'homéopathie ne marche pas ;

  • les scientifiques sont bien embétants.

Mise à jour : juste vu un article intéressant sur l'impact (en anglais) des études de sciences sociales qui fait une remarque similaire :

positive findings in underpowered studies are particularly likely to be false positives when they are surprising – i.e., when we have no good reason to suppose that there will be a true effect of intervention.

Quand les résultats sont surprenants et que l'étude est petite, le résultat est probablement faux. Voilà voilà.

Chromosomes artificiels et biologie synthétique : on progresse et c’est cool

La semaine dernière il y a eu les Lausanne Genomics Days, deux jours annuels très sympas de conférences par des biologistes des génomes internationaux, invités à l'Université de Lausanne. A cette occastion, cette année j'ai découvert le travail qui se fait sur les chromosomes artificiels de levure. J'en avais entendu parler parce que mes collègues microbiologistes me disent tout le temps à quel point c'est super, mais je n'avais pas compris pourquoi. La présentation était par Héloïse Müller, de l'Institut Pasteur (elle n'a pas de page web que je trouve, comme souvent les collègues en France malheureusement), et portait sur des résultats publiés en 2014 :

Total Synthesis of a Functional Designer Eukaryotic Chromosome N Annaluru, H Muller et al [80 auteurs] 2014 Science 344: 55-58

Le sujet a été bien traité dans un article du Monde à l'époque, alors je vais juste mettre en avant ce que j'ai trouvé excitant. En bref, ils ont synthétisé de zéro un des 16 chromosomes de la levure de boulanger (dite aussi levure de bière, Saccharomyces cerevisie), le chromosome III, et mis ce chromosome artificiel à la place de l'original dans des levures, qu'ils ont ensuite fait pousser : maître, elles vivent !

Premier truc cool, ils ont enlevé de nombreux morceaux d'ADN que l'on suppose ne pas avoir de fonction, et la levure vit apparemment bien. Bien sur, c'est encore limité. Ce n'est pas parce qu'une bestiole (ou une levure) vit bien dans des conditions de laboratoire (plein à manger, température régulée, pas de parasites, etc) qu'elle va faire face aussi bien que ses consoeurs sauvages à toutes les conditions de la sélection naturelle. Mais on a ici un outil formidable pour avancer le débat qui dure depuis 50 ans sur l'ADN dit "poubelle" ("junk DNA"). Certains, dont moi, pensent qu'on a suffisament d'évidence pour penser qu'une petite partie de l'ADN de la levure, mais une grande partie du notre, ne sert à rien et n'est là que comme bagage encombrant dont on n'a pas réussi à se débarasser. D'autres pensent que tout cet ADN a surement une fonction, que l'on n'a pas encore découverte. Le point de vue "ADN poubelle" est surtout soutenu par des arguments de biologie évolutive, le point de vue "tout fonctionnel" plutôt par des résultats d'expériences montrant des réactions biochimiques sur cet ADN. J'ai traité cela dans un billet sur le cafe-sciences à l'occasion de la publication des résultats ENCODE (voir aussi ce billet et celui-ci). Bref, avec les chromosomes synthétiques on peut effectivement tester ce qui se passe lorsque, par exemple, on enlève les éléments transposables qui se sont mis près des gènes, ou que l'on raccourci les introns de moitié. Je note en passant que vu la stratégie de ceux qui ont synthétisé ce chromosome de levure, eux ils croient manifestement à l'ADN poubelle.

Deuxième truc cool, ils ont mis en place un système moléculaire pour manipuler les gènes dans la levure, permettant de faire facilement des expériences génétiques qui auraient été très complexes autrement. A nouveau, ce qui m'intéresse c'est le potentiel. Si cete technique se développe, on va pouvoir planifier toutes sortes d'expériences pour mieux comprendre les cellules, cela ouvre une boîte à outils incroyable.

Une parenthèse sur l'utilisation des réseaux sociaux en science : comme plusieurs autres personnes, je live-tweetais la conférence, c'est-à-dire que je résumais et donnais mon avis sur Twitter en temps réel (voir ici). Lorsque j'ai tweeté ce talk, j'ai eu une réponse du compte Twitter du journal de génomique Gigascience, me signalant les résultats très récents d'une réunion durant laquelle des biologistes "synthétiques" (c'est le nom) avaient décidé de passer de la levure (sympa mais unicellulaire) à un animal. Bon un tout petit, un vers nématode de 1000 cellules, mais on avance !

Alors où en est-on ? Il y a un programme international en cours pour synthétiser tous les chromosomes de levure. Pour le nématode, il n'est pas encore clair si la même technique va marcher, ou si d'autres innovations seront nécessaires. Le choix du nématode n'est pas tout-à-fait arréter semble-t-il, mais c'est le plus logique. Un génome compact, le premier séquencé pour un animal, un animal dont toutes les cellules sont connues, et facile à cultiver et maintenir au labo en grande quantité. L'objectif est 2024, avec un certain optimisme pour y arriver avant cela. Le compte-rendu de la réunion met aussi en avant la diffusion ouverte des outils et des résultats, comme ce qui se fait en génomique.

Pour revenir à Lausanne, la meilleure question qui a été posée à la fin du séminaire, à mon avis, reste sans réponse pour le moment : quand est-ce que cette technologie sera disponible à un coût suffisamment bas pour influencer le travail normal des laboratoires de biologie ? Vu l'histoire récente d'autres techniques, et vu la vitesse à laquelle ceci avance et vu son potentiel, je dirais dans pas trop longtemps… A suivre donc.

Les paris sont ouverts : y aura-t-il des réactions irrationnelles à la pomme #OGM “Arctic” ?

Un nouvel OGM est laché dans le monde ! La pomme "Arctic" ne brunit pas quand elle est coupée et laissée à l'air libre. Par rapport à d'autres OGM, celui-ci a été créée pour bénéficier au consommateur plutôt qu'à l'agriculteur (pas que je vois un problème à bénéficier aux agriculteurs, mais c'est une autre question). En effet, l'idée est de diminuer la gaspillage et d'augmenter l'attractivité du fruit (notamment pour les enfants).

Par rapport aux points habituellement soulevés sur les OGM, notons que :

  • il n'y a pas de matériel génétique étranger ajouté ;

  • les pommiers se cultivent par bouture, et la chair du fruit (qui se mange) ne contient pas d'ADN issu du pollen, donc pas vraiment de risque de "contamination" ;

  • ce n'est pas fait par Monsanto, mais par Okanagan Specialty Fruit, une relativement petite compagnie ;

  • ces pommiers n'impliquent ni plus, ni moins de pesticides.

Ces pommes sont en développement depuis des années, et ont notamment été traitées sur le blog Passeur de sciences (Le Monde), et sur mon blog cafe-sciences. A l'occasion de leur commercialisation aux Etats-Unis, le biologiste Kevin Folta propose sur son blog des prédictions concernant les réactions sur internet à cette pomme. Pour le contexte, notons que l'internet anti-OGM peut être très anti-scientifique, et que Kevin Folta est un biologiste des plantes qui communique beaucoup sur la biotechnologie végétale, et est devenue une des bêtes noires de la partie radicale du mouvement anti-OGM aux Etats-Unis.

Voici donc les prédictions de Kevin, au dimanche 15 février :

  • Ca sera étiqueté. Notamment parce que c'est une valeur ajoutée pour les consommateurs.

  • Des centaines d'images effrayantes, pommes avec seringues insérant un liquide bizarre ou enfants mangeant des pommes avec croix de mort, vont apparaitre sur Internet.

  • On va nous dire qu'elles ne sont pas testées et qu'elles sont dangereuses. Probablement qu'elles mènent à des allergies, des maladies, et peut-être de l'autisme.

  • La pomme sera attribuée à Monsanto, parce que c'est bien connu que OGM = Monsanto, et que Monsanto = le diable.

  • Il y aura des appels à faire pression sur les agriculteurs pour ne pas planter ses pommes, avec des menaces de boycott (aux USA, là où ces pommes sont légales). Peut-être même des appels au boycott de toutes les pommes.

  • Des affirmations de contamination, et que les agriculteurs bio ne peuvent plus faire pousser de pommiers.

  • Il y aura des accusations de corruption enter la compagnie ayant développé le fruit et le gouvernement américain.

  • Les scientifiques comme Kevin qui expliquent la science derrière ces plantes feront l'objet de harcèlement, comme le "Freedom of Information Act" sous lequel une assoc anti-OGM a demandé tous les emails de plusieurs scientifiques du secteur public qui communiquent sur les OGM, notamment sur le site GMO Answers.

De manière amusante, dans les quelques heures qui ont suivi, certaines des prédictions ont déjà été trouvées vraies, via Twitter :

Pour s'amuser, voici la photo de pomme pleine de seringues (via un article dans Ecowatch) :