Si après plus de trois ans de présidence de Donald Trump certains en doutaient encore, les dernières émeutes nationales parties de Minneapolis sont une nouvelle preuve de sa polarisation. Non Trump n’est pas le président de “la loi et de l’ordre” comme il vient de s’autoproclamer. Il est le président de “la division et de la peur“.
Après une sixième nuit d’émeute aux Etats-Unis, le ton continue de monter. La tension grimpe encore d’un cran et le président poursuit sa démonstration de force désunie. Pour ceux qui en doutaient encore, il ne faudra pas compter sur l’ancien magnat de l’immobilier pour calmer le pays. Si la pression et l’intimidation peuvent fonctionner pour faire fortune dans la pierre et la télé-réalité, ce qui est vrai dans « The Apprentice » ne l’est pas à la tête d’une nation. Une fois encore Donald Trump sème la méfiance et la séparation avec sa réaction inadaptée aux violences et émeutes dans tout le pays. Mais ce n’est ni la première, ni la dernière fois qu’il ajoute de l’huile sur le feu. La preuve en cinq points.
Une campagne présidentielle détestable
Rarement, une campagne présentielle aura été d’une si grande bassesse et médiocrité aux Etats-Unis. A la fin de l’été 2016, au sortir d’une primaire démocrate déjà bien clanique, Donald Trump et Hillary Clinton s’affrontent becs et ongles. Deux personnages peu rassembleurs, des mensonges, des investigations et des débats d’une grande violence. Clinton s’y était pris les pieds, et Trump avec sa rhétorique « America First » avaient triomphé. Un discours populiste qui avait plu et un pari réussi pour remporter le vote des délégués (ou grand électeurs). Pas assez pour le vote populaire, mais qu’importe l’essentiel était acquis. La défaite populaire était déjà due aux « fraudeurs démocrates ».
Premières salves contre les musulmans et les Mexicains
Non content d’être arrivé au pouvoir dans un climat déjà tendu, Donald Trump ne va pas se poser en rassembleur. Bien au contraire. Ses premières mesurent sont d’accuser les musulmans et les Mexicains d’être néfastes au pays. En soupçonnant les uns d’être un danger pour les Etats-Unis et les autres de trafic de drogue. Suivra une interdiction par décret d’entrer sur territoire américain pour certains pays musulmans et une longue bataille personnelle pour la construction d’un mur à la frontière mexicaine. Le dernier cas ira jusqu’à paralyser le pays en provoquant une division extrême entre démocrates et républicains sur le budget 2019.
Médias Réseaux sociaux :
Depuis le début de sa campagne électorale et chaque jour maintenant, Donald Trump a pris les Américains en otage sur les réseaux sociaux. Tweet provocateur d’un côté, message fort et politique de l’autre. Sans oublier les interventions privilégies sur Fox News ou les accusations mensongères accusant à tort CNN de fake news. Le cas Jim Acosta avec le retrait par la présidence de son accréditation à ce journaliste de CNN sera l’apogée.
Pire avec les émeutes de Minneapolis, Donald Trump a réussi créer le trouble entre Twitter et Facebook. Le premier réseau classant ses tweets sur les émeutes à haut risques et les masquant, le second réagissant avec un silence perturbateur. Mark Zurkerberg sera presque soupçonné de complaisance envers le président, ses employés grondant. Quelle division.
L’Université of California d’Irvine où j’étudiais en est d’ailleurs arrivée à elle aussi devoir se justifier sur ses positions après des tensions entre manifestants pour George Floyd et des pro Trump. La publication sur les réseaux d’une « possible « »photo « » d’un de ses étudiants pro Trump avec le logo de l’école flanqué sur sa voiture a nourri les tensions. L’Université a rappelé ses valeurs humanistes et l’égalité pour tous. Tout ceci, dans ce qui est pourtant la 3ème ville la plus sûre des Etats-Unis et une des plus ouvertes.
A message to the UCI community regarding a recent incident in Visalia, CA. pic.twitter.com/VWOpDdA29o
— UC Irvine (@UCIrvine) May 31, 2020
Repli, taxes et tensions internationales
Depuis l’investiture du 45ème président des Etats-Unis, le pays s’est enfermé et replié comme rarement. Cela a commencé par le retrait de l’accord de Paris, cela a escaladé avec la Chine sur les tarifs. Puis, cela a continué avec les taxes sur l’aluminium, l’industrie européenne ou encore maintenant avec l’OMS. La fin des relations décidée unilatéralement par Trump est un nouveau signal fort d’un «America first ». Nous n’avons besoin de personne d’autre pour réussir et maintenir la santé et la puissance des USA. Quelle drôle de réponse du pays qui est parmi les plus touchés par le Covid19 provoquant une pauvreté un chômage très élevé.
Tensions raciales et religieuses
Dernier exemple, celui peut-être le plus éloquent. On se saura jamais s’il s’agit vraiment d’une parole délibérée, d’une erreur naïve ou d’un calcul politique. Mais prendre les tensions raciales et la religion en otage sont une énième preuve et certainement l’erreur la plus grave. Créer autant de divisions et désunions profondes autours de ces thèmes ne peut qu’attiser la peur et la haine. En 2017 à Charlottesville, Trump déclarait qu’il y avait “des gens biens et des gens méchants des deux côtés des manifestants” lors d’une allusion aux blancs-suprématistes. Très critiqué, il s’en était sorti avec des excuses.
Mais aujourd’hui, en 2020, au sortir d’une crise covid19 où il n’a fait que pointer du doigts les états démocrates, cette nouvelle salve sur la loi et l’ordre passe mal. Mobiliser la garde nationale est une chose. Demander l’intervention de l’armée face aux pillages et à la violence en est une autre. Mais qualifier les manifestants de « terroristes intérieurs » est certainement beaucoup trop exagéré. Calcul politique et mobilisation de sa base ou non. Ce d’autant plus, que Donald Trump a également pris l’église en otage. Avec son vice-président Mike Pence, il dispose pourtant déjà d’un fervent chrétien et ultra conservateur sur les questions sociétales et religieuses. Mais il a fallu qu’il pose avec une bible devant l’église épiscopalienne Saint-John en plein milieu des violences. L’évêque s’est d’ailleurs dit outrée de cette utilisation d’image.
Bishop Mariann Edgar Budde called into CNN to talk about Trump's photo op. Listen to this. pic.twitter.com/i2G0nS4Xxf
— John Whitehouse (@existentialfish) June 2, 2020
Alors non, Donald Trump n’est pas le responsable des divisions et tensions raciales dans le pays comme certains voudraient le faire croire. Le professeur Mohamed Mahmoud du Graduate Institute le rappelle aussi dans Le Temps. « Trump ne fait que tirer parti avec son idéologie. » De plus, les questions d’égalité ou raciales ont été des actes fondateurs dans le développement du pays de Georges Washington. Que ce soit les batailles pour les droits civiques au milieu des années 1960-1970 ou la discrimination envers les minorités religieuses avant les guerres mondiales. Il faut aussi rappeler que Barack Obama en personne avait connu des violences et révoltes. Egalement autour de la violence policière auprès afro-américains. Mais lui au lieu de se présenter en faiseurs de loi et d’ordre, il avait été un homme rassembleur. Donald Trump a pris le pari de la division et de la peur afin de galvaniser sa base en vue d’un deuxième mandat. L’histoire et les Américains jugeront bientôt.