À la HEAD – Genève, haute école d’art et de design, le trio Yan Duyvendak, Marie Jeger et Matteo Prandi offre un espace de pratique transversal aux étudiant.e.x.s curieuxses d’explorer leur relation à leur voix et à leur corps. Apprentissage du chant (polyphonique et choral), jeux et exercices de présence, de lâcher-prise et de dépassement du trac. Explorer comment mettre en relation ce qui est dit et comment cela est dit.
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Morceaux choisis
https://www.duyvendak.com/
https://www.manufacture.ch/fr/3582/Marie-Jeger
https://www.manufacture.ch/fr/1587/Matteo-Prandi
https://www.hesge.ch/head/
Merci aux étudiant.e.x.s de la HEAD, Kevin, Aleksandra, Ophélie, Dejan, Samuelle, Prune, Alain, Bertille, Yasmine, Lucie, Anne-Carla, Priya, Camille, Charlotte, Carolina, Philippa, Jonas, Irvin, Thérèse.
Quel plaisir d’assister un peu aux échanges dans cette école pour vivre ! Cela me plonge dans des moments heureux de jeunesse, j’en rêve la nuit en retrouvant mes amis et amies il y a cinquante ans, quand nous faisons du théâtre improvisé à la découverte de nos mondes, pour tenter de se comprendre ou tous rire, heureux d’être ensemble. Je n’ai plus revu ces amis depuis très longtemps, parce que chacun a quitté le jeu pour devenir une « personne réelle », chacun s’est trouvé et a renouvelé ses relations dans le cadre de sa profession et de son parti politique, d’autres sont morts dans un accident de moto, en mer, ou à terre bouteille à la main. Il en reste encore un dont le cœur continue à battre pendant nos longues discussions, parce que je suis obligé de parler lentement quand je vais le trouver à l’EMS.
Peut-être que ce blog n’est pas le lieu où je peux dire que le théâtre m’a apporté de nouveau la vie à soixante ans… J’avais rencontré une comédienne (de l’école de Paris) au restaurant habituel des copains, une personnalité insaisissable que très tôt j’avais invitée en rêve dans mon monde, mais sans jamais l’aborder durant trois ans. Puis un jour elle est venue me parler : « Toi et moi, nous nous connaissons depuis si longtemps… » Oui, c’était vrai, dans mes rêves, et les siens aussi ?.. Les copains me disaient : « Dominic, tu ne pourras jamais l’avoir, nous avons déjà essayé, c’est impossible… » Je leur répondais : « Mais essayer quoi ? Vous n’avez vraiment rien compris ! Nous nous aimons dans un monde qui n’est pas le vôtre, vous ne savez rien de nous !.. » Quand nous nous étions serrés la première fois dans les bras l’un de l’autre, elle m’avait chuchoté : « Dominic, j’ai eu un terrible malheur à seize ans, c’est le théâtre qui m’a sauvée… »
Nous nous sommes aimés au théâtre sans spectateurs, notre bonheur était réel, je m’étais juré de ne plus entrer en matière avec les copains, mais mon amie qui arrivait seule au restaurant tout le contraire : « Dominic est mon amoureux ! Il est celui que j’aime le plus au monde !.. » Quand j’arrivais à mon tour au restaurant, les copains me disaient en riant : « Ou elle fait du théâtre, ou elle est folle ! Tu n’as donc pas compris qu’elle n’aime pas les hommes ? » Et moi : « Mais êtes-vous stupides ? Je suis un homme et elle m’aime, nous nous aimons ! »
Après une année mon amie m’avait fait une déclaration, après avoir bu un verre de vin d’un coup : « Dominic, il y a quelque chose qui ne va pas, c’est comme si j’étais avec mon père ! Je ne peux pas continuer à vivre avec mon père !.. »
Je n’étais plus vraiment certain de ma notion de réalité… Le théâtre peut être heureux et la réalité triste, même quand on n’est que deux en tout ? Et je pensais : « Mon erreur est d’avoir voulu l’emmener dans la réalité, parce que dans cette histoire c’était le théâtre qui était vrai, et maintenant je perds tout !.. » Et mes copains qui venaient de nouveau m’ennuyer : « Dominic, tu n’as rien à regretter, elle était folle. Le résultat c’est que vous pleurez maintenant les deux… » Et moi : « Fou d’aimer est possible, simplement ce n’était pas pour toujours, et sans être fou encore moins, la preuve : vous aviez tout fait pour la séduire, et rien, rien ! Parce que votre théâtre n’était pas sincère… »
(À Mme Joëlle Gagliardini : si vous estimez que ce n’est pas le lieu pour un récit comme celui-ci, vous êtes libre de ne pas le publier).